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Au pied des marches - Mutations urbaines - La république en chantier - Les sentences de l'habitant - La revue du témoignage urbain

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Les sentences de l'habitant

Au pied des marches

Il était marié avec deux enfants et vivait dans le quartier du côté de Sainte Anne. Un jour il est tombé et s’est cassé la cheville. Il ne s’est jamais réellement relevé depuis. De complications en déboires, Jean-Luc est arrivé rue de la Rép. Avec ses béquilles il a rejoint le bataillon de clochards qui occupent la rue du foyer Forbin. Son CAP de mécanicien, son expérience de barman n’y peuvent rien : ce natif de Marseille loge depuis trois ans sur le bitume avec deux compagnons de fortune. Témoignage sur la chaussée.


Koinai : Êtes-vous aidé par les associations ?
Pas vraiment, non. À part l’Accueil de nuit "Forbin", qui nous héberge pour cinquante centimes la nuit, de dix-sept heures trente à six heures du matin, non, personne.

K : Percevez-vous une prime d’invalidité ?
Pour le moment, non, rien. Toutes les démarches sont faites auprès de la COTOREP, mais c’est très long, c’est le moins qu’on puisse dire.

K : De quoi vivez-vous ?
Eh ! Ne pensez pas que je vis de la manche, c’est des amis qui m’aident. La manche je sais pas la faire, j’ai honte, je peux pas, j’arrive pas à demander. On me donne, je prends, mais je demande pas. Regardez, là on me donne une cigarette (ndlr : une personne lui donne une cigarette), je la prends. Mais demander comme ça "Vous n’auriez pas cinquante centimes pour que je rentre ce soir ?" Je vais pas vous les demander, j’aurais honte. On me donne, ça va, je prends, mais sinon, non.

K : Fréquentez-vous la rue de la République ?
Oui, je connais bien la rue de la République. On nous dit de partir de là. La police nous a expliqué qu’un consortium américain a acheté une partie de la rue. D’après ce que j’ai compris, c’est un fonds de retraite américain qui aurait investi de manière à refaire les appartements, et, si vous voulez, les personnes comme nous sont devenues indésirables. Mais, personnellement, la police nous connaît. Ils savent très bien que nous sommes des gens tranquilles. C’est vrai que tu bois un coup et que normalement t’as pas le droit de boire un coup dans la rue, t’as pas le droit d’être en état d’ébriété dans la rue. Bon, c’est pas mon cas. C’est peut-être son cas de temps en temps (ndlr : il montre son copain). Sinon, ça va, la police sait qu’on est pas des voleurs, qu’on est pas des emmerdeurs. Y a pas de soucis quoi !

K : Vous l’ont-ils fait comprendre ?
Ah oui, oui...fort bien. Comme il faut.

K : Connaissez-vous des squatts dans cette rue ?
Non, dans la rue de la République il n’y en a pas. Tout les squatteurs que je connais ils sont pas dans la rue de la République. Je ne sais pas où ils squattent, mais c’est sûrement pas rue de la République, puisque pendant un moment, ils avaient mis des vigiles exprès justement, avec les chiens qui faisaient le tour des appartements désaffectés. Non, non, non, dans la rue de la République il n’y a pas de squatteurs.

K : Savez-vous à quoi vont servir les travaux ?
À priori c’est pour le tramway. Ça commence pour le tramway, et puis après comme je vous dis, des immeubles ont été rachetés par un fonds de retraite américain, d’après ce qu’on sait. Ils les rénovent et ils les revendent à prix d’or.

K : Êtes-vous inquiet ?
Moi ça ne m’inquiète pas vraiment parce que de toutes façons je ne suis pas vraiment concerné. Maintenant, le gars qui a envie de se payer un truc rue de la République alors que ça appartient aux Américains... Ben, ça s’appelle "rue de la République", bon, et on est en France, non ? Alors ça m’inquiète pas vraiment. Chacun fait ce qu’il veut avec son argent.

K : Connaissez-vous d’autres personnes dans la rue qui se sont déplacées ?
Non, ou alors peut-être qu’ils ont bougé de dix mètres par rapport aux travaux, parce qu’ils en ont marre d’entendre les marteaux piqueurs ou parce qu’il y a un engin qui est là. Mais non, a priori tous ceux qui fréquentent ce quartier sont toujours là.

K : Les gens du quartier vous parlent-ils des travaux ?
Les riverains qu’on connaît, c’est sûr, ça les ennuie. Parce que le gars qui a travaillé jusqu’à six heures du matin, qui va se coucher, quand il entend les marteaux piqueurs, qu’il entend tout ça, le gars, il dort pas. Évidemment, ouais, ça l’importune. Mais non, je crois que tout le monde s’y est fait plus ou moins.

Propos recueillis par Sophie Maley le 19 janvier 2006 ; rédaction Patricia Rouillard.

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