… Qu’chuis belle
« Il faut montrer qu’on est une femme et qu’on est importante dans la vie, c’est tout. Être quelqu’un qui se fait respecter, qui fait attention à soi, qui a des valeurs, qui ne se laisse pas tomber. Depuis que j’ai mon enfant, j’ai grandi plus vite, parce qu’avant j’étais une gamine, je faisais des petites bêtises et tout ça et… avec mon fils j’ai évolué plus vite. Je me sens plus grande. » Stella Le Bihan, dix-sept ans, future marin pompier.
Koinai : Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre grossesse ?
Ben j’étais un peu surprise parce que ça a été un accident. J’avais seize ans, j’étais dans un foyer de jeunes enfants, en fait. Je ne désirais pas être mère maintenant, je voulais attendre d’avoir fait mes études et puis l’accident est venu. J’ai pas trop réagi sur le coup, mais je l’ai bien pris par le temps d’la grossesse, des neuf mois, en fait. J’ai envisagé l’avortement mais le jour venu j’ai décidé de garder mon fils qui s’appelle Stan. Je n’ai pas envisagé l’abandon.
K : Comment a réagi l’entourage ?
Ben y’a des gens qu’ont réagi bien et y’en a qui m’ont plutôt dit : "Avorte, ne le garde pas, t’es jeune." Et puis y’a des gens qui m’ont dit : "Garde-le, s’il est là il faut pas l’enlever." Ben en fait, c’est moitié-moitié, y’a pas tout l’monde qui réagit d’la même façon.
K : Comment avez-vous vécu votre grossesse ?
Un peu mal parce que j’ai été une personne enceinte très enfermée sur moi-même, j’avais des difficultés à m’intégrer avec les autres mamans. Je me suis enfermée sur moi-même tout le temps d’ma grossesse. Parce que aussi j’avais pris du poids et j’acceptais pas de me voir grosse, parce que moi chuis une personne qui fait très attention à moi et ça, ça m’avait très choquée.
K : Que faisiez-vous avant d’être maman ?
J’étais une personne qui était à l’école, qui voulait faire des études de médecine et après ma grossesse, là… (rires) Je sais pas trop quoi répondre, en fait. J’ai laissé tomber mon projet parce que avec Stan… et puis chuis plus motivée pour aller faire des études. Et maintenant chuis sur un projet d’être marin pompier, parce que je suis toujours dans le truc d’aller aider les gens, d’être aux soins pour les gens.
K : Vous sentez-vous à l’aise dans le rôle de maman ?
Un petit peu. Ben, comme tout le monde, on a des difficultés, on a du mal des fois à assumer, on est fatigué, mais j’assume mon rôle de mère. Et depuis que j’ai décidé d’le garder, j’assume mon rôle de mère même si des fois c’est pas trop facile quand on a envie d’sortir et tout ça mais il est là, il est là et on n’peut pas faire autrement.
K : Comment se comportent les mères plus âgées autour de vous ?
Normal ; les mamans plus âgées sont pareilles, comme moi, elles sont pas là à me dire : "Ha ! t’es jeune !" et tout ça. Ici on est chacun dans notre monde, y’a personne qui est venu nous voir un jour et m’a dit : "Ha ! Mais t’es jeune !", non y’a personne.
K : Qu’est-ce qui vous distingue des personnes de votre âge ?
Ben, que j’ai plus le droit de faire c’que j’veux. Maintenant si je vis c’est pour mon fils. Si demain j’ai envie de sortir en boîte, j’peux pas parce que il faut qu’je galère pour le faire garder. Non, je me distingue parce que c’est pas la même vie, même si je suis jeune, ben maintenant je suis dans le camp des adultes, des mamans, je peux pas faire ma vie comme je veux. Je suis contrainte de vivre que pour mon fils. J’peux pas faire c’que j’veux. C’est la vie. Des fois, ça m’arrive que j’ai envie d’sortir, que j’ai envie d’aller m’amuser, de m’aérer la tête. Oui j’ai des envies d’aller au ciné, d’aller avec des copines, aller faire la fête. Des fois ça me manque, ça, ça me manque. Je me sens maman et adolescente ; les deux, mais plus maman.
K : Avez-vous un modèle féminin ?
Heu non, j’aime pas trop les… J’ai pas de star féminine qu’est un modèle pour moi.
K : Quelles sont les valeurs féminines que vous aimez mettre en avant ?
Je suis très coquette, j’adore faire attention à moi, à mon image, j’adore montrer que je suis une femme, que je fais attention à moi et voilà, et qu’chuis belle (rires). Je me maquille, je m’habille bien, je fais très attention à moi parce que maintenant j’me dis que chuis maman et que il faut pas trop que j’me laisse tomber. Même avant que j’sois maman, j’me laissais pas tomber mais j’me dis que maintenant qu’chuis maman, il faut qu’je montre encore plus que je suis une femme, parce que comme je fais jeune, il faut que je montre que je m’habille plus, mieux, que j’fais attention à moi. Je fais beaucoup attention à mon apparence, ça c’est très important chez moi.
K : Quels sont vos divertissements ?
Ben, j’fais beaucoup de sport. Parce que aussi, mon apparence (rires)… Le sport et ma formation de marin pompier. C’est ce que je fais pour l’instant.
K : Envisagez-vous d’avoir d’autres enfants ?
Heu, moi j’voudrais que mon fils soit le seul, parce que je sais que je vais rentrer dans un métier assez difficile - marin pompier - et que déjà j’aurai pas beaucoup de temps à consacrer à mon fils. Alors du coup, je dis souvent que je veux que mon fils soit unique.
K : Quel rôle joue le père ?
Le père, il joue… Il est là, il appelle, il vient mais… Il joue le rôle de son père, normal. Il est pas trop là mais… on accepte, en fait.
K : Qu’attendez-vous d’un homme ?
Déjà qu’il accepte mon fils et qu’il donne tout l’amour qu’un homme doit donner : gentil, aimable, qui aime bien rire, qui aime la vie, pas un homme qui tout l’temps se morfond sur lui-même. Et qui fait attention à lui.
K : Qui subvient à vos besoins ?
Ben, moralement, c’est les éducateurs qui sont beaucoup là pour moi, parce que en c’moment chuis dans une période assez difficile, et heu, côté argent c’est la CAF. Pour l’instant, j’ai pas trop envie de rester sur ce point là. Surtout les gens qui viennent à mes besoins c’est les éducateurs qui sont souvent là quand j’ai besoin d’quelqu’chose, quand mon fils aussi, parce que comme on dit, on vient pas sur terre maman, quoi, on apprend à être maman et ici les éducateurs, ils m’apprennent des fois à être maman.
K : Êtes-vous indépendante ?
Oui, je suis très indépendante. Toute ma vie j’ai été indépendante parce que j’ai pas vécu chez mes parents, j’ai toujours été en foyer, chuis très indépendante : je veux toujours m’occuper de moi-même, j’aime pas trop qu’on s’occupe de moi. C’est pour ça que j’ai hâte de travailler parce que je veux être indépendante de moi-même, vraiment, quoi. Parce que là, ici chuis indépendante mais chuis encore sous le toit du foyer, j’me sens pas libre quoi, et moi chuis une personne vraiment qui a besoin d’être, de dire : "J’ai besoin d’faire ça." Pour moi la liberté c’est s’affirmer, de dire : "Ben voilà, maintenant je suis une personne, je suis moi."
Propos recueillis le 27/06/06 par Éric Larousse ; secrétaire de rédaction : Odile Fourmillier ; image : Christian Coursaget.
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