Houria a 45 ans. Elle a fui la violence et la misère économique de l’Algérie. Il y a six ans de cela, elle est partie avec son mari et ses enfants, pour construire une vie meilleure. Aujourd’hui, elle est heureuse de vivre en France avec sa famille, et nous raconte son quotidien de femme, même si elle rencontre des difficultés sociales et professionnelles dues à son analphabétisme...
Koinai : Comment passez-vous vos journées ?
Je passe mes journées avec mes enfants et je fais les commissions. Le matin, je vais avec mon mari faire les papiers et quand on revient, je prépare le déjeuner pour mes enfants. L’après-midi, je vais chercher mes enfants à l’école, je fais le dîner. Je passe mes journées entre mes enfants et les papiers...
K : Aimez-vous vivre ici en France et pourquoi ?
Oui, j’aime vivre en France. Au pays, la vie est dure, avec mes six enfants et sans maison... Je remercie Dieu.
K : Qu’aimez-vous le plus ?
J’aime que mes enfants soient là pour les études, la vie est meilleure. Ici, ce n’est pas comme au pays, il y a tout ce que j’aime, dans ce pays.
K : Y a-t-il une grande différence entre la vie que vous avez ici et celle que vous avez quittée là-bas ?
La vie est meilleure parce qu’au pays, la vie est chère. On dormait avec la peur. Ici, la vie est bien et on dort tranquille, sans peur. Ici c’est mieux. La peur des terroristes qui égorgent : ils tuent les vieillards, les enfants et les femmes. Ici la vie est tranquille.
K : Vos enfants sont-ils tous scolarisés ?
J’ai trois grands enfants qui ne vont plus à l’école. Une fille qui est mariée, un garçon qui travaille et trois petits enfants qui vont à l’école. Ma fille est en sixième, mon autre fils, le dernier, a dix ans et il est au CM2. L’aîné fait de la plomberie, il fait un stage de deux ans pour devenir plombier.
K : Sont-ils bien dans leur école ?
Oui, ils sont bien à l’école. Ils ont quelques difficultés en français parce qu’ils viennent d’Algérie et que là-bas, ils étudiaient en arabe. Aussi, ils ont des lacunes en français et ils ont besoin d’aide. C’est la seule difficulté.
K : Comment avez-vous été accueillie en France ?
Quand on est arrivé, on est venu directement chez ma belle-mère, qui nous a accueillis pendant un mois. Ensuite, elle m’a dit de chercher un logement. Je suis allée chez l’assistante sociale qui m’a orientée vers l’hôtel de la famille sur le Vieux-Port. J’ai attendu six mois, ensuite ils nous ont trouvé un appartement.
K : Comment cela se passe-t-il avec vos enfants ?
Ici, mes enfants ont encore la mentalité du pays. Par exemple, ils jeûnent comme au pays. On vit tous ensemble dans la même maison. Ils me demandent mon avis comme au pays. Quand je leur dis de faire quelque chose, ils le font, quand je dis non, ils ne le font pas. Ils ont toujours la mentalité du pays, contrairement à ceux d’ici.
K : Votre mari exerce-t-il une fonction ?
Il a fait un stage de formation à la Timone (centre hospitalier). Il a travaillé deux ou trois mois, il nettoyait les vitres, il passait la machine sur le sol. Ensuite, ils lui ont dit de rentrer et quand il aurait du travail, ils l’appelleront et donc, il attend. Il ne travaille pas, il est RMIste. On vit avec le RMI. On cherche du travail, mais on en a pas trouvé. Moi je cherche du travail, mais comme je ne parle pas français, je ne lis pas, je n’écris pas, j’ai des difficultés à trouver.
K : Racontez-vous votre histoire à vos enfants, l’histoire de votre arrivée ?
Mes enfants sont grands. Notre histoire, ils la connaissent : comment nous sommes venus, comment nous sommes allés chez leur grand-mère et comment on a vu l’assistante sociale. Ils savent parce qu’ils étaient grands quand on est arrivé. Le plus grand a vingt ans et le jeune en a dix.
K : Quelles sont les difficultés, quand on ne parle pas le français ?
Je ne sais pas parler. Quand je vais chez le docteur ou à l’école pour mes enfants, pour faire les papiers, il faut que j’emmène quelqu’un pour parler à ma place. Quelquefois avec mon mari ou avec la voisine. Je ne peux pas y aller toute seule. A cause de mes problèmes avec la langue, je ne peux pas faire les papiers toute seule.
K : Quelles ont été les plus grandes difficultés par rapport à votre quotidien ?
Je reste tout le temps à la maison, je ne sors pas, je reste à la maison avec mes enfants. Je parle en arabe parce que je ne suis jamais allée à l’école. Tandis que mes enfants, à l’école, ils parlent français et quand ils rentrent à la maison, ils parlent arabe. Ils ont pris cette habitude...
Propos recueillis par Moufida Kerrouche, février 2005
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