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Les petits plats des grands travailleurs - Inventaires - La revue du témoignage urbain

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Les petits plats des grands travailleurs

Cuisine tchèque

La recette du guláš (ndlr : le fameux goulash !), c’est Jean Brun, 35 ans, qui la propose car comme son patronyme ne l’atteste pas, il est né en République Tchèque, d’un père français et d’une mère tchèque : « Dans l’enfance ? On mangeait tchèque. Je me rappelle pas beaucoup, mais on mangeait tchèque... » Aujourd’hui professeur d’anglais dans un collège, il vit à Marseille depuis un an et demi et révèle aux papilles curieuses une cuisine peu connue dans l’Hexagone, agrémentée d’une pointe de questionnement. Sans oublier… santé !


 

Koinai : Comment décrirais-tu la cuisine tchèque ?
C’est de la bonne cuisine qui est faite... je pense plutôt pour des travailleurs (rire). Ça veut dire qu’elle est assez riche, assez... oui, pour un Français, elle peut paraître lourde. Souvent, c’est de la viande avec des sauces, ou y’a des sortes de tranches de baguette avec dessus plein de petites choses comme du jambon, des cornichons, de la salade de pommes de terre... Tout ça c’est décoré pour que ça fasse joli, aussi... Ça se mange quand on invite des gens, où on en fait beaucoup, et à des réceptions juste comme ça. Après y’a des soupes aussi, le soir ; ça peut être des soupes légères, des bouillons avec des légumes dedans, de la viande...

K : Quelles sont les spécialités de la cuisine tchèque ?
Y’en a deux ou trois et justement, c’est des plats avec de la viande et de la sauce, comme par exemple guláš : c’est une sorte de daube (rire)... Y’a aussi rajská, c’est des tranches de viande de bœuf avec de la sauce tomate, et après y’a svíčková, des tranches de bœuf avec une sauce blanche à la crème fraîche. Y’a aussi le plat que tout le monde dit c’est le knedlo-vepřo-zelo : c’est du cochon avec du chou et des knedlík. Le knedlík, c’est quelque chose qui accompagne beaucoup de plats justement avec des sauces. C’est une sorte de pain bouilli.

K : Il y a plusieurs sortes de knedlík ?
Oui, y’en a plein ! Moi, j’en connais surtout deux, mais y’en a beaucoup. En fait, c’est de la farine avec de l’eau : on fait une sorte de baguette et puis on le jette dans l’eau comme des pâtes, on les fait bouillir. Il y a de la farine, du pain sec dedans, un peu, des petits morceaux, des œufs, de l’eau... Y’a aussi le knedlík avec de la farine et des pommes de terre écrasées, y’a aussi des knedlík sucrés : on prend des fruits, on les emballe dans une sorte de pâte et on les met dans l’eau. On les mange avec du fromage blanc, du sucre, de la confiture...

K : Ces spécialités culinaires se préparent lors d’événements particuliers, de fêtes traditionnelles ?
Oui : par exemple, à Noël y’a la carpe panée avec de la salade de pommes de terre, ça se mange beaucoup. Après y’a les escalopes panées, ça se mange comme ça, en voyage (rire)... Quand on fait des voyages, on fait ça automatiquement, on mange ça dans la voiture, dans le train, c’est pas trop les fêtes. À Pâques, on décore beaucoup les œufs, donc après on mange les œufs aussi, les œufs durs... Après je pense que y’a de l’agneau aussi, à Pâques.

K : Quelle viande les Tchèques préfèrent-ils ?
Ça, c’est difficile ; y’en a qui préfèrent le poulet, y’en a qui préfèrent le bœuf mais en général, on mange beaucoup de cochon.

K : Quels accompagnements sert-on avec la viande ?
Aujourd’hui les gens mangent beaucoup de pâtes aussi, les pommes de terre, comme ça, du riz…

K : Quels ingrédients, épices ou condiments s’utilisent le plus dans la cuisine tchèque ?
Y’en a trois ou quatre ; surtout paprika, cumin… En fait le cumin, c’est du carvi parce que le cumin, c’est pas le même ici en France. Le cumin français, le cumin tchèque c’est pas le même, donc c’est le carvi tchèque, marjolaine... C’est tout, y’a sel, poivre... Ça c’est les principaux ; après, bien sûr, y’en a d’autres aussi.

K : Peux-tu trouver des ingrédients, épices ou condiments tchèques en France ?
Mais oui, dans un magasin... La farine tchèque, oui, y’a différentes sortes de farine : il y a des farines gros grains et des farines fines, et on utilise beaucoup de la farine gros grains ou bien grains moyens avec lequel on fait des knedlíky ou les gâteaux.

K : Tu peux préparer du knedlík avec de la farine française ?
Je pense pas, non (rire)... Je n’ai jamais fait de knedlík mais non, je pense pas, non non…

K : Peux-on trouver de la farine tchèque en France ?
C’est assez difficile, on peut la trouver je pense, mais faut aller chez des boulangers spécialisés.

K : Existe-t-il des plats tchèques qui peuvent surprendre les étrangers ?
En général, le knedlík ça surprend déjà, et parfois avec des plats justement viande et sauce, on ajoute du sucré un peu dedans, de la chantilly et de la confiture d’airelles, par exemple. Y’a aussi… mm… ça, c’est quoi… c’est une sorte de camembert qui a été mis dans de l’huile avec des différentes épices, différentes herbes ; on le laisse plusieurs jours macérer, et puis on le mange.

K : Et la pâtisserie tchèque, est-elle riche, variée ?
Oui, y’a quelques petits gâteaux ; y’a soit des grands gâteaux qu’on fait à anniversaire, et après y’a plusieurs petits gâteaux qu’on achète comme ça dans les pâtisseries, souvent c’est des tranches de gâteau : on fait d’abord un gâteau et puis on le découpe en petits tranches. Y’a aussi plein de petits pâtisseries pour Noël : il y en a une vingtaine de sortes. Chaque famille fait des petits gâteaux en forme d’ étoile, en forme de sapin, en forme de cœur avec du chocolat, avec des amandes, avec des noix, c’est joli.

K : Quelle boisson accompagne les plats tchèques ?
Oh ! c’est difficile, ça (rire) ! Non : y’a de la bière, de la bière et de la bière… Ça peut être du thé aussi, y’a des gens qui boivent un peu de thé en mangeant, y’a des gens qui boivent de l’eau avec du sirop… C’est surtout la bière.

K : Quelles marques de bière trouve-t-on en République Tchèque ?
Les deux plus célèbres, c’est Plzeň et Budvar, après y’en a plein d’autres ; chaque petite ville, chaque village a une brasserie, donc y’en a beaucoup : y’a Kozel, Krušovice

K : Peut-on trouver ces bières en France ?
En France on trouve Budějovice et Plzeň… malheureusement, on trouve que ça.

K : Comment as-tu appris à cuisiner ?
Je sais pas (rire)… Peut-être parce qu’à la maison, on cuisine beaucoup, donc j’ai regardé, j’ai observé. Après, comme à partir de dix-huit ans je vivais plus avec mes parents, j’étais obligé de cuisiner tout seul, donc j’ai appris ; comme j’aime bien, ça m’a intéressé donc j’ai lu des livres, tout ça, donc j’ai appris.

K : Cuisiner, c’est une activité féminine ou masculine ?
C’est en grande partie féminin, encore, ce sont surtout les femmes qui cuisinent...

K : Tu notes une différence entre la France et la République Tchèque à cet égard ?
En France, c’est plus ou moins pareil. Ça dépend, quand il y a un couple, au début l’homme fait des efforts, il cuisine, après il ne cuisine plus (rire) !

K : Quel est ton plat tchèque préféré ?
Guláš (rire)... parce que c’est bon, c’est épicé, c’est un peu fort, relevé. C’est des petits morceaux de viande de bœuf dans une sauce très foncée. Il faut d’abord faire revenir beaucoup d’oignons, après ajouter des morceaux de bœuf, on fait encore revenir un petit peu, après on met normalement on met de l’eau mais moi, je mets de la bière dedans. Après on ajoute les épices : paprika, un peu de cumin, et là on laisse mijoter un certain moment, jusqu’à ce que la viande soit assez tendre. On ajoute la marjolaine, à la fin du sel et poivre, bien sûr, et c’est tout. Ici on le mange soit avec des pommes de terre, soit avec du riz. Normalement, moi, je ne sais pas faire des knedlíky.

K : Les heures de repas sont les mêmes qu’en France ?
Aahhh ! Ça, y’a une grande différence parce que déjà, les repas principaux, les Tchèques ils peuvent commencer entre 11 heures et midi et le soir, surtout, c’est autour de 18 heures alors qu’ici c’est plus tard. C’est un peu comme en Angleterre, en fait, et souvent les gens qui travaillent, surtout les gros travailleurs (rire), ils ont des pauses vers 10 heures ; ils peuvent manger, par exemple, une petite soupe à 10 heures, ça s’appelle la svačina : une sorte de goûter mais goûter du matin, mais c’est surtout des ouvriers qui font ça.

K : Qu’en est-il des restaurants, les Tchèques y mangent souvent ?
Les gens mangent beaucoup au restaurant encore parce que les restaurants ne sont pas très chers, relativement… Certaines personnes disent que c’est moins cher d’aller manger au restaurant que de faire les plats à la maison, surtout pour une ou deux personnes, parce qu’en République Tchèque, pour trois euros, on peut encore avoir un repas au restaurant correct, donc c’est plus facile d’aller s’assoir au restaurant, surtout à midi. Après, le soir ça change parce qu’à midi, y’a des plats pas très chers, justement, ça c’est fait pour les gens qui travaillent et le soir, après, ce sont des plats à la carte, au menu, donc c’est plus cher le soir mais à midi, c’est pas très cher.

K : En France, le repas représente un rituel culturel, il y a trois plats avec lesquels on boit diverses sortes de vin en discutant, c’est pareil en République Tchèque ?
Non, c’est pas la même chose complètement parce que quand les gens s’invitent, en fait ils font beaucoup de choses mais c’est un peu mélangé : ça veut dire qu’on arrive, on peut avoir un café, juste après on peut avoir des gâteaux avec le café, juste après on peut avoir des sortes de saucisses de Strasbourg (rire)... puis on aura les fameux chlebíčky, c’est-à-dire c’est des tranches de pains avec des choses dessus, puis après on peut reprendre des gâteaux, du café de nouveau, de la bière à tout moment…

K : Et comment se passe un repas de tous les jours, dans la famille tchèque ?
Ah ! Quand tu es à la maison, en général ça se passe très vite, on mange vite : y’a un plat, une assiette plus après un dessert, en plus on n’est pas obligé d’avoir un dessert, les gens mangent une assiette et c’est terminé.

K : La cuisine tchèque a-t-elle changé avec l’ouverture des frontières, après la fin de la période communiste ?
Oui, je pense que ça a beaucoup changé, surtout dans les grands villes, c’est-à-dire Prague parce que les gens, bon... ils se sont modernisés, peut-être, ils ont pris un peu l’habitude de l’Occident, ils ont changé de rythme de vie, ils ont des travails différents, maintenant, et en plus, physiquement, les gens ont assez changé ; les enquêtes ont montré que les gens sont beaucoup plus minces, ils sont plus sportifs, donc ils font plus attention, ils font attention à l’hygiène, donc mangent plus sainement, mais c’est vrai que ça reste dans les grandes villes.

K : Les Tchèques sont-ils conservateurs concernant leur alimentation, ou aiment-ils les innovations ?
Il faut séparer deux choses : les grandes villes et la campagne et en même temps, les jeunes et puis les gens plus âgés. Dans les grandes villes, surtout, donc à Prague de nouveau, les gens aiment bien innover : y’a beaucoup de nouveaux restaurants avec des buffets qui ont beaucoup de succès où l’on trouve des sushis, des huîtres, de la cuisine exotique, ça a beaucoup de succès, des restaurants de toutes origines mais après, dans les villages, les gens restent assez traditionnels, ils sont assez ouverts.

K : La nourriture étrangère est populaire en République Tchèque ?
À Prague, on voit des pizzas, des kebabs ou des Mc Donald’s ; y’a beaucoup de cuisine chinoise maintenant aussi, et vietnamienne, il y a beaucoup de Vietnamiens en République Tchèque, donc, maintenant, il y a plusieurs générations, ils commencent à cuisiner aussi et à ouvrir des petits restaurants.

K : Et la cuisine française, est-elle appréciée des Tchèques ?
Je sais pas, je sais qu’y a deux ou trois restaurants français à Prague mais ils sont assez chers et la cuisine française, c’est toujours vu comme quelque chose d’assez snob, justement, parce qu’on sert des spécialités comme des cuisses de grenouilles, les huîtres, donc c’est des plats assez fins et très très chers, les prix sont comme ici. J’avais vu un menu, c’était 600 couronnes (ndlr : 21 € environ) je crois, pour le plat, donc c’est très très cher pour les Tchèques.

K : Aujourd’hui, en France, on parle beaucoup de diététique ; retrouve-t-on ce phénomène en République Tchèque ?
Oui, bah, c’est un peu ce que j’ai dit tout à l’heure, que les Praguois sont devenus sportifs et qu’y veulent ressembler aux personnes dans les magazines, ils font attention à ce qu’ils mangent et donc, ils achètent des biscuits diététiques, ils mangent beaucoup de légumes, beaucoup de fruits et ils mangent plus de choses de leur grand-mère, et je sais que les jeunes, quand ils vont à la campagne chez leurs grand-parents, ils font très attention et souvent, ils refusent de manger ce que leurs grand-parents ont préparé ; ils disent : « Non, je mange plus ça et aujourd’hui, je mange autre chose. »

K : Quelle cuisine préfères-tu : la tchèque, la française, ou une autre ?
Moi, j’aime bien manger, donc j’aime bien toutes les cuisines (rire) ! C’est sûr que un bon plat tchèque, c’est bon mais après, j’aime bien aussi les cuisines méditerranéennes, la cuisine où y’a beaucoup de légumes avec de l’huile d’olive, des choses comme ça. C’est vrai que ça s’éloigne un petit peu de la cuisine tchèque, mais j’aime beaucoup les plats tchèques aussi mais maintenant, y’a pas longtemps, j’étais deux ans à Prague et c’est vrai que si on mange des vrais plats tchèques tous les jours... certaines personnes en ont marre (rire) ! Mais dans tous les cas, je pense que c’est pas toujours très bon pour la santé parce que ça peut faire grossir plus que la cuisine française ou la cuisine... Dans tous les cas, pour un Français qui va en République Tchèque, si il mange que de la cuisine tchèque il va grossir, automatiquement, parce qu’il n’a pas trop l’habitude.

K : Est-ce qu’elle te manque, la cuisine tchèque ?
Pas spécialement parce que déjà on en fait, par exemple chez mes parents y’en a, moi je peux faire deux ou trois petites choses mais après, les choses qu’on trouve pas, on ramène un peu des réserves quand on va en République Tchèque, par exemple des cornichons tchèques, ils sont différents des cornichons français, ils sont plus grands et plus sucrés, ils sont pas aussi acides. Ici, ils sont connus plus sous le nom de « cornichons polonais ». Après, on ramène de la farine, de la Becherovka... La Becherovka, c’est une sorte de Génépi, c’est bon... et de la bière.

K : Prépares-tu souvent des plats tchèques ?
Souvent... oui, peut-être une fois par semaine, je fais quelque chose qui ressemble à quelque chose de tchèque ; c’est pas obligatoirement tchèque, mais c’est inspiré tchèque.

K : C’est une façon de conserver ses racines, une identité culturelle ?
Oui (rire), c’est sûr que la cuisine, c’est très lié à la culture... C’est un des principes : quand vous voyagez, un des principaux intérêts c’est de vous intéresser d’abord à la cuisine du pays, donc...

K : Cuisines-tu pour tes amis ? Aiment-ils les plats tchèques ?
Oui, oui, ils aiment bien le guláš.

K : Tu as une anecdote liée à la cuisine tchèque ?
Alors... y’a une tradition aussi, c’est par exemple les buřty : c’est des sortes de saucisses assez courtes et rondes, on les plante au bout d’un bâton et on les fait griller au-dessus du feu. On les mange avec de la moutarde à l’ancienne et du pain, ça se fait beaucoup le soir en été, ou quand on va faire des excursions de plusieurs jours, donc on prend ça et pendant le camping... et un jour, justement, j’étais avec un copain français, on a mangé ça à la frontière autrichienne où on était encore en République Tchèque. On campait, donc j’avais sorti ça sans faire attention, sans dire que c’était quelque chose de spécial ; j’ai préparé un feu dans la forêt parce qu’on campait dans la forêt, et lui regardait ça et il était tout surpris (rire)... et il se disait : « C’est quoi ? Qu’est-ce que c’est ça ? » Il avait peur que la police arrive, mais j’ai dit : « Non, ça va, c’est normal ! » Il en parle aujourd’hui encore, quand elles brûlent, quand elles se grillent, elles éclatent un peu, donc il appelle toujours ça « les saucisses éclatées »...

K : Y a-t-il un restaurant tchèque à Marseille ?
Je sais pas... Je n’en connais pas, je sais qu’un jour, j’ai entendu qu’il y’avait une personne dans un bar qui faisait un plat tchèque parce que peut-être il est un peu tchèque, mais sinon je sais pas... je pense pas.

K : Tu en connais un, en France ?
Non... pas de restaurant tchèque en France. On va les fabriquer... on va les créer !

Propos recueillis par Julie Cisarova le 18/01/08 ; rédaction : Odile Fourmillier.

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