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Un F2 pour France et la rue pour Nikita - Femme aujourd'hui - La revue du témoignage urbain

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Un F2 pour France et la rue pour Nikita

Pour France, l’idéal féminin c’est la bonne épouse à la maison qui s’occupe de ses enfants. Malheureusement, la vie ne lui a réservé que souffrance et misère : France est à la rue depuis son plus jeune âge. Elle se trouve plus forte dans sa tête qu’un homme. Car dehors, les différences ne tiennent plus, les règles sont les mêmes pour tous.


Koinaï : Quel est votre parcours ?
Je ne suis pas une SDF, mais une SDC c’est-à-dire sans domicile connu. J’ai travaillé pendant vingt-cinq ans en tant que gestionnaire dans une société. J’ai été aide-comptable, secrétaire et standardiste, puis je me suis mariée. J’ai fait ma fille dans le dos de mon mari parce qu’il n’aimait pas les enfants. J’ai travaillé uniquement pour elle et je gagnais bien ma vie. J’ai une scoliose depuis 30 ans, mais je ne me suis jamais mise en invalidité. Maintenant, je ne peux plus travailler car je suis à la COTOREP. Mais avant, je n’étais pas comme ça, j’étais chef de service.
Quant à ma famille, ma mère m’a dit qu’elle aurait dû me noyer quand j’étais petite car mon père l’a laissée tomber. Vers l’âge de trois ans, j’ai reçu mon premier coup de poing par le mari de ma mère. Quand j’ai été indépendante, j’ai pris un T2, mais mon mari foutait le bordel : il buvait, je payais le loyer. Il m’a donné un coup de pied au sein et j’ai eu un cancer. J’ai souffert l’enfer. A cause de lui, les voisins ont fini par porter plainte. Comme l’appartement n’était pas à mon nom, je l’ai perdu. Un jour, ma fille m’a dit : "Tu m’as trop pourrie !" Elle m’a reproché les absences de l’époque où je travaillais 44 heures par semaine, samedi compris. Le dimanche, j’allais chez ma belle-mère qui me détestait.
Je n’ai appris le décès de ma mère que trois ans après, ma sœur, entre-temps, m’avait déshéritée. Moi, je préfère rester avec les pauvres. J’ai été battue toute ma vie, je crois en Dieu et c’est la foi qui me tient. Je veux dire à toutes les femmes qui sont à la rue qu’il ne faut pas croire que nous sommes des clochardes. J’ai connu des gens bien.

K : Pour vous, c’est quoi être une femme ?
J’aurais préféré être un garçon pour qu’on me respecte. Être une femme, c’est avoir de l’amour pour ses enfants, donner de l’affection. Maintenant, ce sont les femmes qui travaillent, les hommes que j’ai connus ne veulent plus, ils préfèrent passer leur journée au bar, à boire. Quand ils rentrent le soir, saouls, ils frappent leurs femmes car ils n’aiment pas qu’elles soient indépendantes. Ça les emmerde et nous, on emmerde tous les hommes.

K : Vous sentez-vous femme ?
Pour le moment, non, mais avant oui. Avant, j’étais bien habillée. Depuis que je suis dans la rue, je me suis endurcie et je me comporte comme un homme. Parce que je veux me faire respecter. Les femmes, elles sont écrasées, violées, battues, soumises. Elles travaillent beaucoup, elles ont des charges énormes. Je suis heureuse qu’elles prennent le dessus maintenant. Elles savent dire non, mais à mon époque, elles ne pouvaient pas. Mais ça dépend. Je n’ai plus envie. Mon idéal était de rester à la maison, être une femme au foyer et m’occuper de mes enfants. C’est ce que je voulais. Maintenant, j’aimerais être à la campagne, tranquille, avec les animaux. On dit : "Plus je connais l’être humain, plus j’aime mon chien !"

K : L’homme et la femme sont-ils égaux en droits ?
Non, pas encore. Les femmes travaillent plus que les hommes. Je ne comprends pas pourquoi les hommes touchent le RMI, alors qu’ils n’ont jamais travaillé de leur vie, même pas trois mois. Ils sont misogynes. Quand une femme est chef de service, ils ne l’acceptent pas, parce que pour eux, les femmes sont faibles. Ce que je regrette, c’est de ne pas avoir appris le karaté, parce que je collectionne les coups de poing. Je suis toujours tombée sur des hommes qui me frappaient, bien qu’au début ils étaient gentils. Pourtant, quand ils étaient petits, ils étaient malheureux et battus comme moi. J’ai un cœur d’artichaut, je m’attache beaucoup aux personnes qui ont souffert pendant leur enfance. J’en ai connu, des schizophrènes, psychopathes, paranoïaques, mythomanes qui, pour un carton, me faisaient un flan. Quand je veux rentrer dans une église, ils m’en empêchent, parce que je ne suis pas habillée en tailleur, chapeau et talons aiguilles. Ils me prennent par les manches et me font sortir parce que je n’ai pas mis de billet dans la corbeille. Pourtant, je suis dans la maison de mon père, ils n’en ont pas le droit.

K : Comment voyez-vous le couple ?
Un jour, nous étions à Versailles, nous dormions sur le marbre de la cathédrale. Le gardien se pointe et dit : "Cet après-midi, il faut partir parce qu’il va y avoir un enterrement." Moi, je lui réponds : "S’il est mort, il est mort. Que son esprit soit au ciel." Le lendemain, il y aura une noce et moi, je dis : "Pourquoi faire ? Deux ans après, ils vont divorcer." A quoi ça sert le couple ? Je ne sais pas.

K : Le rôle de la femme est-il de soutenir l’homme ?
Honnêtement, oui. Avant, c’était le contraire. Moi, j’aurais bien aimé rester à la maison quand j’étais enceinte, mais j’ai travaillé jusqu’à huit mois. Je prenais le bus, il n’y avait même pas un connard pour me laisser la place. À l’époque, il n’y avait pas un an de solde. J’ai eu quatre semaines de congé avant l’accouchement et six semaines après. J’ai été obligée de prendre une nourrice pour mon bébé. Quand je l’amenais le matin, elle dormait, et je la reprenais le soir, elle dormait aussi. Je la voyais quand ? Ma fille m’a ensuite reproché mes absences, mais à l’époque je travaillais 44 heures alors que maintenant, les gens pleurent pour 35 heures.

K : Quel rôle joue la femme ?
Je crois qu’elle sera dominante. Avant non. Aujourd’hui, toutes les femmes travaillent, elles ne se laissent pas faire par des connards qui les frappent. Elles se rebellent et je suis bien contente.

K : Pourquoi les hommes traitent-ils les femmes d’emmerdeuses ?
Parce que les femmes leur disent non, elles ne sont pas d’accord avec eux. Chacun son opinion. Un jour, je regarde la télévision avec mon ex, un oiseau passe, il dit : "Tiens, c’est un cygne." Je lui dis : "Tu vois pas que c’est une cigogne !" Il dit : "Parce que tu te crois plus intelligente !?" Il m’a filé une tarte.

K : Et dans la rue, comment ça se passe ?
Moi, c’est bon, on ne me touche pas. Parce que je regarde droit dans les yeux. De toute façon, celui qui me donne une claque, je lui rends plus forte. Quand aux autres, c’est eux qui jugent. S’ils me regardent comme une clocharde, ils me regardent comme ça. L’habit ne fait pas le moine ! Ce n’est pas parce que je suis en jeans sales que je ne suis plus un être humain. Je vis avec les pauvres. Je n’ai jamais été coquette mais quand j’étais chef de service, j’étais toujours en tailleur. Maintenant je suis à la COTOREP et je ne peux plus travailler. Tu me vois en tailleur dans la rue ?!

K : Avez-vous un message pour les autres femmes ?
Qu’elles ne se laissent pas faire, qu’elles soient des amazones et moi je suis Nikita 2 !

K : Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Silence et larmes.

Propos recueillis par Neelam Mushtaq, avril 2005

2 Messages

  • Un F2 pour France et la rue pour Nikita 27 juin 2006 12:06, par thomas

    Vous n’êtes plus seuls les SDF , maintenant il y a les ADF (avec domicile fixe) mais dans la même misère, aors kézako la société ?

    • Un F2 pour France et la rue pour Nikita 8 septembre 2009 14:34, par iris

      Bonjour Nikita,

      Ton post m’a touche.
      Je peux comprendre ton désespoir.

      Je pense que pour t’en sortir, il te faut de l’aide tout de suite.
      Et le mieux, pour faire un etat des lieux courant et ton futur immediat est :
      - de rencontrer ton conseiller ANPE
      - de rencontrer un agent CAF
      - de voir l’assistante sociale de ton secteur. (Maisons Departementales de la Solidarite - regarde sur le site du CG13)
      - et sans oublier ta famille / tes amis (ils peuvent aussi pouvoir t’aider.. c’est pas sur mais il ne faut jamais jurer de rien)

      Courage !

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