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Une jambe dans la tête - Au travail ! - L'enfance de l'art - La revue du témoignage urbain

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L'enfance de l'art

Une jambe dans la tête

« Ça va être bateau, mais on m’a offert mon premier appareil à sept ans. J’ai fait plein de photos, après des clubs photo, et puis très jeune - à quatorze ans, en fait au collège - je voulais déjà être photographe. Ce qui me plaisait c’était le catalogue, comme Habitat ou les bijoux Gérard Maty. Ç’a toujours été la vocation de faire de la pub, pas du tout la photographie artistique, c’est pas mon domaine, c’est pas mon… C’est vraiment la publicité, l’image publicitaire. » Emmanuel, Marseillais depuis deux mois au Studio Regard de la rue Consolat.


Koinai : Vous souvenez-vous de votre premier appareil photo ?
Oh putain ! Instamatic. À l’époque c’était des cassettes qu’on mettait dedans ; c’était peut-être un Kodak à cassette. C’est un oncle qui m’avait offert ça.

K : Quels sont les photographes qui vous ont marqué ?
Il y en a beaucoup ; bon, comme tout le monde au début, euh… Doisneau, Brassai, un peu les… Il y a une photographe américaine qui m’a beaucoup, beaucoup plu, qui m’a vraiment marqué - alors pourtant c’est de l’illustration, c’est du reportage, c’est pas du tout de la publicité mais, oui… je vais retrouver… Dorothea Lange. En fait, c’est dans les années 30-40 aux Etats-Unis, pendant la crise ; c’est des images très fortes qui m’ont beaucoup marqué.

K : Avez-vous toujours travaillé dans le domaine publicitaire ?
Oui, toujours, toujours. J’ai fait une école de la chambre de commerce, l’école de Gobelins qui est sur Paris, sûrement l’école la plus technique et la plus ciblée publicitaire. Photo, uniquement photo, prise de vue de studio destinée à la publicité.

K : Avez-vous en mémoire vos premiers pas professionnels ?
Mon premier travail ? En tant que travail rémunéré ? Oui, parce qu’en fait je suis sorti de l’école et j’ai travaillé tout de suite dans un studio, donc je suis resté assez longtemps dans ce studio ; j’y suis resté presque quatorze ans. Et oui, j’ai un souvenir très précis de cette première journée mais…

K : Quelles compétences la profession requiert-elle ?
Alors, déjà, il y a tellement de métiers dans la photo, il y a des métiers qui sont tellement différents dans la pub - entre la pub et la mode déjà, même si on travaille en studio avec à peu près des techniques d’éclairage identiques, on fait pas du tout le même métier : l’un s’adresse à l’objet, l’autre au personnage. Euh… le milieu qui entoure le photographe n’est pas du tout le même entre la mode et la pub. Après il y a l’illustration, la photographie artistique, la photographie… et là, c’est encore des parcours tellement différents, des métiers tellement différents, des techniques différentes que…

K : Les différents métiers de la photo, qu’ont-ils en commun ?
Le goût de l’image, de l’envie de faire de l’image, de faire partager l’image. Après c’est… oui, c’est très très différent, au niveau technique, au niveau de l’approche, au niveau intellectuel, en fait, la démarche intellectuelle, artistique n’est pas du tout, du tout la même. Il y a souvent beaucoup d’incompréhension entre les gens comme nous, qui… on est des techniciens, on a besoin d’une image pure, on répond à une commande pour un client, alors que quelqu’un qui fait de la photo, de l’illustration, qui édite, qui fait des livres, des expos, c’est souvent un travail très personnel, voilà. Et là, c’est vraiment deux mondes, deux mondes différents. Aujourd’hui les uns vont préférer l’image argentique, le noir et blanc, les autres numérique, le studio, l’extérieur, le côté instantané de l’image qu’on n’a pas du tout en studio, en fait, tout est travaillé, les échecs… C’est vraiment des métiers très, très, très différents, oui. Après, on a les mêmes outils et le goût de l’image.

K : Votre activité actuelle est-elle diversifiée ou surtout publicitaire ?
Ici, essentiellement publicitaire. Maintenant on a Jean-Paul, là, qui lui vient de l’image plutôt illustration-reportage, donc du coup il va essayer de voir s’il n’y a pas quelque chose qui peut s’adapter plus à lui et lui, il va essayer de retrouver des ouvertures marché qui correspondent plus, intellectuellement, et qui peuvent pour nous aussi être une ouverture sur autre chose ; mais historiquement, c’est uniquement de la publicité, ici.

K : Qu’est-ce qu’une bonne photo ?
Deux réponses, encore : c’est l’image qui marque, celle qui nous reste gravée, celle qui perturbe, et puis sur le plan plus professionnel, par rapport, donc, à la publicité, c’est l’image efficace qui va plaire au client, dont on est fier, celle qui techniquement nous a demandé beaucoup de recherche. Donc c’est pareil, il y a vraiment cette coupure, toujours, dans la photographie. C’est difficile de répondre à une question comme ça, parce qu’il y a vraiment les deux côtés. Sur le plan publicitaire, oui, ce sera celle qui est la plus technique, celle qui nous a demandé plus de précision. C’est toujours un challenge, en fait, c’est ce que j’aime, c’est le côté challenge de répondre à une demande bien précise d’un client.

K : Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ?
L’image, le goût… oui, faire partager l’image.

K : Quel est votre meilleur souvenir de photographe ?
Il y en a beaucoup. C’est souvent, c’est ce que j’aime bien dans ce métier, dans la pub. C’est pas toujours évident, mais ce que j’aime bien dans ce métier, c’est le renouveau : ça bouge beaucoup, donc il y a beaucoup de souvenirs, il n’y en a pas un particulièrement. J’ai beaucoup de souvenirs, d’expériences différentes à chaque fois. Il y a pas trop ce côté rébarbatif de beaucoup de métiers, en fait, surtout ça.

K : Y a-t-il une photo qui vous a particulièrement touché ?
Des portraits, parce que ça c’est souvent assez intime. Oui, souvent des portraits.

K : Et une photo qui vous a "parlé" plus spécialement ?
Longtemps, une, dont j’étais fier : c’était une photo de jambe - oui, de jambe - dans une soirée, avec un moyen format, en noir et blanc. Je devais être encore étudiant à l’époque où je l’ai faite. Il y avait une jeune fille en tenue de soirée et j’ai fait la photo de cette jambe et voilà, c’est une photo que j’ai toujours. C’est peut-être la plus… euh… Je sais plus qui est la fille, mais j’ai toujours cette jambe... dans la tête.

K : Quels sont les thèmes qui vous interpellent le plus ?
D’une manière plus générale, c’est le portrait. Je crois que c’est ce qui fait communiquer le plus…

K : Quelles sont les contraintes liées à la profession ?
Aujourd’hui c’est beaucoup l’informatique, donc l’image numérique. Moi j’ai eu de la chance parce qu’en fait, j’ai commencé la photographie numérique très tôt, en 91, le premier studio en France à être équipé en numérique - il y en avait deux, en fait, un ici et l’autre à Paris, moi j’étais sur celui qui était à Paris - donc ç’a été un bouleversement. Je sortais de l’école depuis peu et j’envisageais pas du tout la photo de cette manière-là et en fait, c’est qu’un outil, mais un outil quand même très souple, beaucoup plus souple qu’était l’argentique. Ça, ç’a été quelque chose d’assez passionnant, ce passage de l’un à l’autre. Donc aujourd’hui l’informatique est très, très présente dans le métier et fait partie d’une transformation : avant, quand on était vraiment photographe, on répondait à une commande, on faisait une image, il y avait le développement, le tirage - bon, quand on fait un peu de labo noir et blanc, on peut encore travailler un peu sur l’image, mais ça c’est quelque chose qui nous échappait un peu. Quand on fait des petits montages, des trucages, avant c’était techniquement très compliqué, c’était passionnant, aussi, de trouver toujours les moyens. Alors qu’aujourd’hui, effectivement, c’est plus simple mais en même temps, il y a une grande satisfaction parce qu’on peut complètement maîtriser jusqu’à l’image vraiment finalisée, livrée, encadrée ou imprimée, chose qu’on avait beaucoup moins avant. Par contre, on est beaucoup plus sollicités sur des métiers qui n’étaient pas le nôtre, comme pour tout ce qui est l’impression, la photogravure, toutes ces choses-là. Les chromistes, les scannelistes sont des métiers qui ont disparu, qui demandaient des compétences très particulières et aujourd’hui on demande aux photographes de pallier à ça. Et ça c’est un coût économique réel : avant on livrait un ekta, il nous semblait bien comme ça, on le donnait au photograveur et c’est le photograveur qui s’arrachait les cheveux, qui trouvait la solution, quoi, pour que la photo soit bien et puisse s’imprimer. Aujourd’hui c’est le photographe, avec la photo numérique, qui est responsable de ça ; c’est à lui qu’il incombe de trouver vraiment le bon réglage. Du coup, il y a beaucoup de pièges par rapport à ça, il y a beaucoup de bricolage, parce qu’on n’a pas les compétences et les connaissances techniques, donc on les acquiert au fur et à mesure, et puis il y a des choses qui se sont perdues, et la qualité qui a baissé à ce niveau-là, parce que forcément…

K : Faites-vous uniquement de la photo numérique ou également de l’argentique ?
Pas du tout l’argentique. Je l’ai fait une fois cette année, et ça va faire six ou sept ans que je n’ai pas fait d’argentique. C’est plus complexe parce que justement, j’ai moins le contrôle sur l’image finale, donc du coup, il y a des moments où j’ai pas très envie, parce que forcement, il va y avoir une partie que je ne maîtrise pas, donc ce sont les autres qui vont maîtriser pour moi. Il faut scanner, il faut travailler l’image et du coup, ça donne pas l’envie de travailler l’argentique. Après, c’est un outil, pour moi, le numérique c’est vraiment un outil qui change rien au travail de la lumière, des cadrages, etc. L’argentique ou le numérique, le véritable avantage c’est effectivement de pouvoir maîtriser son image jusqu’à la fin.

K : La technologie remplacera-t-elle les photographes traditionnels ?
Aujourd’hui oui, techniquement en tout cas, oui. On est même meilleurs, toute proportion gardée, parce que ça demande des investissements avec un certain matériel qui coûte encore très cher, qui est vraiment encore réservé aux professionnels mais sur ce matériel-là, en tout cas, on est très largement au-dessus du film aujourd’hui. Maintenant il y a des subtilités qu’apportait le film qui, évidemment, pareil, dans un milieu plus artistique, peuvent embêter certains personnes comme pour le cinéma. C’est sûr qu’on n’a pas la même qualité en film et en DVD. En tout cas pour nous, dans le domaine de la publicité ou dans le domaine des studios, on a très largement surpassé le film. On a beaucoup moins de surprises, justement, de laboratoire, des trucs comme ça, beaucoup de temps gagné par rapport à ça. Et le capteur, la technologie, la prise de vue aujourd’hui, nous permettent des choses qui sont très, très supérieures au film.

K : Les techniques modernes ont-elles développé la concurrence ?
Les prix ont beaucoup baissé à cause de ça. Maintenant, le savoir-faire, c’est un outil, le savoir-faire lui-même. On peut improviser parce que c’est plus simple d’être photographe, retoucher. Moi je retouche beaucoup, beaucoup d’images en tout cas, peut-être. Après, voilà, le client, oui, ça s’est assez démocratisé : les gens peuvent travailler chez eux, travailler l’image, font des photos, et cætera ; par contre ça veut pas dire que le résultat sera professionnel.

K : Connaissez-vous d’autres photographes à Marseille ?
Sur Marseille, non, pas beaucoup.

K : Quelles sont les déformations professionnelles de votre activité ?
Ça peut être… je suis toujours en train de regarder où et comment sont posées les choses, quand je rentre chez des amis, par exemple.

K : Que représente la photographie ?
…Des souvenirs, quelque chose qui vieillit pas, qui vieillit différemment.

Propos recueillis par Jaime Villalon le 05/07/07 ; rédaction : Odile Fourmillier.

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