La Koinè, la langue commune. Au pluriel : Koinai.
S’il existe une ville en France qui tout au long de son histoire a vu ses langues se conjuguer au pluriel, c’est certainement Marseille. Multiples langages et donc multiples cultures.
Notre revue se veut le témoin de cette diversité singulière. Laissant traîner ses oreilles dans la ville, toujours à hauteur d’hommes, elle glane, ça et là, des témoignages. Ces paroles de marseillais sont retranscrites au plus près de l’authenticité du moment parlé, de leur musicalité propre, vivantes.
Marseille a commencé sa mue. Comment la ville et ses transformations modifient l’homme et ses habitudes ? Comment l’homme inscrit-il son récit individuel dans celui, collectif, de la ville ? Cette période de transition convoque dans l’écho de ses voix à la fois les ombres du passé, et l’esquisse de l’avenir.
Koinai recueille ces voix qui façonnent la ville.
Migrante américaine
« J’ai fait a double bachelor in communication and social anthropology à Boston. J’ai trouvé une façon de terminer mon diplôme, à l’université de Salamanque. J’ai retourné aux États-Unis un an et demi. J’ai beaucoup aimé mon travail mais j’ai senti que j’étais piquée par la bug de repartir. Je savais que si je reste ici, je demanderais toujours : "Et ailleurs, qu’est-ce qui se passe ?" Donc c’est comme ça que j’arrivais à Paris par via l’Espagne. Donc là j’avais vingt-trois ans. » Marianne Caldwell.
Mauvaise épouse, bon professeur
« Ma mère n’a jamais travaillé. Quand j’étais petite, j’ai entendu - j’ai un souvenir précis - ma mère dire à mon père : "Georges, je n’ai plus d’argent, tu pourrais me donner ma semaine ?" Il disait : "Oh l’argent, tu crois que je le fabrique ?" Il devait pas en avoir non plus, ou il voulait pas en donner, je sais pas, et j’avais honte pour ma mère, et je m’étais dit : "Moi il faudra pas que ça m’arrive." Même si j’avais des coups au coeur, ma vie était axée pour réussir, bien travailler, être autonome financièrement. J’ai été nommée professeur à Gap. Ensuite je suis venue à Marseille, pour suivre mon ex-mari. J’ai été d’abord professeur au lycée Longchamp, et puis au lycée Nord. » Odile Hartmann-Mondon, 68 ans, membre de Radio Galère.
On est des pauvres commerçants
Au n° 26
« Chez moi, c’est du prêt-à-porter féminin classique, environ trente ans jusqu’à cinquante, soixante ans. J’attends les clients, quand on a un commerce c’est que les clients qui comptent ! On peut avoir de l’or, des diamants, si y a personne qui passe, ça sert à rien. De toutes façons cette rue elle était toujours en déficit au départ. C’est pas une rue commerçante. On gagnait notre vie pour pas se plaindre, sans plus. On pouvait payer. Mais avec ces travaux c’est la folie, quoi ! » Eliahou Assouline, patron d’Angie boutique depuis bientôt dix ans.
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