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C'était l'histoire d'amour - Sur la route - La revue du témoignage urbain

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La revue du témoignage urbain

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La revue du témoignage urbain

Sur la route

C’était l’histoire d’amour

Migrante américaine

« J’ai fait a double bachelor in communication and social anthropology à Boston. J’ai trouvé une façon de terminer mon diplôme, à l’université de Salamanque. J’ai retourné aux États-Unis un an et demi. J’ai beaucoup aimé mon travail mais j’ai senti que j’étais piquée par la bug de repartir. Je savais que si je reste ici, je demanderais toujours : "Et ailleurs, qu’est-ce qui se passe ?" Donc c’est comme ça que j’arrivais à Paris par via l’Espagne. Donc là j’avais vingt-trois ans. » Marianne Caldwell.


C'était l'histoire d'amour
 C’était l’histoire d’amour

Koinai : L’établissement en France résulte d’un vieux projet ou d’ un accident ?
Un accident. Donc c’était en 90 et j’ai travaillé dans une initiative qui était fondée par l’Etat pour travailler avec les immigrés à les États-Unis, les réfugiés politiques, les demandeurs d’asile : les Chinois et Vietnamiennes, les Cambodgiens, les Thaïlandais et aussi les Haïtiennes. On a un financement de ce projet pendant dix-huit mois et ça a eu clôture. On n’a pas eu financement pour une deuxième année sur ce projet et donc, ça veut dire que c’était retour à recherche d’emploi. Avant ça j’ai vécu en Espagne pendant presque deux ans. Et donc j’ai décidé, ben, au lieu de chercher du travail encore aux États-Unis, de peut-être tenter de revenir en Europe. Donc, quelques mois plus tard, je suis revenue, j’ai posé mes bagages pour la deuxième fois en Espagne et donc j’ai trouvé un appartement, j’ai trouvé un travail.

K : Avec quel statut reviens-tu en Europe ?
Vraiment comme touriste. Donc, j’avais prévu du commencer en travaillant un petit peu comme prof d’anglais - comme j’ai fait auparavant en Espagne et à les États-Unis - et éventuellement terminer ma maîtrise en Espagne. Et donc, bon, j’ai trouvé un emploi dans une école de langues à Madrid pour le premier octobre. Comme c’était fin juin j’ai décidé de profiter de l’été. J’avais faite un peu mes économies et donc j’ai décidé d’aller voir un peu les copains de gauche à droite. Donc par hasard - c’était vraiment bizarre - dans le rue j’ai croisé mon colocataire de l’année avant en Espagne. Donc j’ai parti avec lui un peu en Portugal et chez lui à la Corogne. Après j’étais allée voir les autres amis dans les Pays Basque, après je suis revenue vers le Catalogne. Là j’ai contacté Cyril, un ami de une copine française qui avait partagé un appartement avec moi l’année avant à Barcelone. Et j’ai décidé de monter à Paris, de prendre le train de nuit "le Talgo" et d’aller le voir, visiter la France parce que j’avais jamais eu l’opportunité quand j’avais passé cet un an et demi à Barcelone. Donc je suis venue vraiment comme touriste parce que j’avais laissé toutes mes bagages, j’ai parti vraiment avec une sac à dos et mon passeport à Paris. Et voilà, et j’ai resté, ha ha ! Donc c’était un peu l’histoire d’amour, on peut dire, c’est-à-dire une grande histoire d’amour.

K : Tu es tombée amoureuse à Paris ?
Ben, je crois que ça a commencé un peu avant ; le voyage à Paris, c’était pour voir si c’était ça ou pas. Parce que il avait venu me voir à les États-Unis l’année avant donc c’était pas tout suite sûr et certain que c’était resté, donc j’ai prolongé un peu mon vacance. Avec les amis de Cyril, on a un peu voyagé dans le sud. Après on a remonté ensemble parce que j’avais mon billet et mes affaires à Paris.

K : Mais toi, tu parlais français ?
Non, je parlais pas une mot, je parlais l’espagnol. À Paris j’avais rencontré des copains de Cyril, des espagnols madrileño qui étaient éduqués dans le système des lycées français par leurs parents sous le régime de Franco. Donc tout suite j’ai pu communiquer aussi avec ses copains. Même moi et Cyril, au début, on parlait que en espagnol ensemble, qui était un phénomène assez absurde. Un jour j’ai dit : "Bon..." J’ai vraiment tombé assez amoureuse aussi avec Paris. J’ai commencé vraiment de réfléchir ce que j’ai envie : de me poser là. Donc j’ai fait appel à une copine qui a envoyé mes bagages de Madrid, une ville que j’ai jamais trop aimée : j’avais beaucoup d’amis, j’avais des contacts là, j’avais cet boulot, j’avais trouvé un appartement, forcément, mais j’ai décidé que j’avais pas envie de vivre là. Et donc j’ai commencé de chercher du travail tout suite à Paris.

K : Quitter les États-Unis a-t-il toujours fait partie de tes projets ?
Bè je ne sais pas. Je voulais ailleurs... aller voir quelque chose ailleurs, pas nécessairement Europe mais... Donc j’ai voyagé un petit peu ailleurs, et j’ai beaucoup aimé les endroits où j’ai voyagé mais j’ai jamais senti l’envie de vraiment rester plus que ça. Donc j’ai vraiment beaucoup aimé l’Espagne. J’avais une romance assez forte avec cet pays, avec le culture, avec surtout les gens, leur façon d’être, de parler, de vivre la vie. J’ai trouvé ça très fort et j’aimais ça. J’aimais les espagnoles, je les trouvais très franches, très honnêtes, très fêtardes. Et donc c’était les périodes de ma vie que je voulais ça, être entourée par les gens comme ça. Donc j’avais testé cette expérience vraiment par hasard : c’était une prof à ma fac à les États-Unis qui me branchait sur l’Espagne, elle était écrivaine, elle était poète aussi. Et donc elle, elle dit : "De toutes façons tu es obligée de terminer quelques crédits ici pendant votre diplôme donc tu peux rester ici cet été et faire quelques cours, ou tu peux à l’étrangère aussi". Donc j’avais pas trop z’envie de retourner au Mexique, donc j’ai dit : "Pourquoi pas aller en Espagne ?". Elle était vraiment convaincante sur l’Espagne, son façon d’écrire sur l’Espagne. Et donc aussi en cours on a beaucoup lu sur l’Espagne et donc j’avais envie de voir ce pays-là. J’ai vécu avec une famille espagnole, donc tout suite j’étais un peu insérée. J’avais vingt et un ans, vingt-deux ans, donc c’était juste à la fin de la fac. J’avais presque mon diplôme. J’ai trouvé une façon de terminer mon diplôme, à l’université de Salamanque, en été. Donc c’était vraiment sympa, j’étais vraiment avec une famille adorable, il m’occupait de moi comme un peu mes parents adoptifs. J’ai resté quelques mois avec eux, après c’est là que j’ai décidé de rester. Parce que là, j’ai commencé vraiment de parler, de sentir que là, maintenant le langage est bien, je commence à comprendre qu’est-ce qui se passe autour de moi, donc j’ai envie de voir un petit peu plus. Après cette expérience, j’ai retourné aux États-Unis un an et demi. J’ai beaucoup aimé mon travail, j’ai beaucoup aimé mon situation, vraiment très très chouette. C’était un moment assez spécial de ma vie mais j’ai senti que j’étais piquée quand même par la bug de partir, de repartir. Je savais que si je reste ici, je demanderais toujours : "Et ailleurs, qu’est-ce qui se passe ailleurs ?". Donc je savais que c’était le bon moment, le clôture de cet poste, ça me donnait vraiment l’opportunité dire : "Ok, maintenant je fais mon bagage, je parte". Voilà. Donc c’est comme ça que j’arrivais à Paris. Par, via l’Espagne. Donc là j’avais probablement vingt-trois ans.

K : Quel est ton premier poste à Paris ?
Donc j’avais pas mes papiers, donc j’ai mis des annonces partout, surtout dans les facs, parce que aussi, j’ai cherché à faire une échange linguistique avec quelqu’un de cours de conversation anglais ou en espagnol, pour une cours de conversation en français. J’ai trouvé une travail au début pour une école de langues privée. C’était géré par une Française et son mari anglais qui me demandaient les papiers que je les expliquais que "les papiers va venir après, un jour..." J’étais pas très contente de leur façon de travailler, leur façon de voir la pédagogie, c’était pas du tout le mien... Après l’expérience que je venais vivre à les États-Unis, vraiment j’ai trouvé ça pas terrible, donc j’ai arrêté et j’ai commencé de donner pas mal de cours privés. J’ai beaucoup travaillé à la Conservatoire avec les jeunes musiciens qui avaient besoin de l’anglais pour voyager et pour lire les partitions et surtout pour chanter parfois les partitions.

K : Comment se passe l’adaptation ?
J’étais assez peinarde, j’avais pas besoin de beaucoup de sous. J’ai passé beaucoup de temps au Centre Pompidou, à la discothèque d’écouter à les musiques, à les speechs et avec les casques sur ma tête avec les textes retranscrits devant moi pour travailler mon français toute seule, donc c’était assez rigolo, c’était très schizophrénique. À la fin de la journée, quand je racontais à Cyril qu’est-ce que j’ai fait, je le montrais mon cahier : les chansons républicains, de la Révolution ; j’écoutais Serge Gainsbourg que j’avais découverte au Centre Pompidou. J’ai passé beaucoup de temps de balader aussi. Donc j’ai baladé, j’ai baladé, j’ai baladé, je marchais comme une fou, et finalement au bout de peut-être deux mois j’ai dit : "Bon, il faut vraiment que je travaille parce que si je ne suis pas sérieuse... C’est bien : je respire Paris, je vis, je bois le café sur le terrasse, mais il faut gagner des sous." Donc j’ai commencé de penser peut-être je vais retourner à les États-Unis - carrément - et chercher une boulot avant d’aller et retourner là-bas pour faire les visas et tout. Et donc Cyril et moi on a commencé de discuter sur vraiment s’établir ensemble comme une couple, des possibilité de se marier et pour faciliter aussi mes papiers, à l’époque. Donc on s’est mariés et donc tout suite après j’ai eu mon carte de séjour, donc après c’était pas un problème pour travailler. Donc tout de suite j’ai trouvé une travail, après j’ai gardé cet même travail, je crois pendant trois ans, avant de venir à Marseille. Toujours dans l’enseignement. C’était pas qu’est-ce que je faisais avant qui était surtout les PDG, les... J’avais pas envie de faire ça, de faire le coaching, quoi, pour les gens qui voyageaient à l’étranger. Après c’était vraiment beaucoup plus sympathique. J’ai travaillé vraiment sur deux projets, j’ai créé une centre avec une femme américaine, pour les demandeurs d’emploi. C’était assez nouveau, toute cet concept du Shaker Land, donc ça c’était vraiment bien parce que on donnait des cours qui répondaient à les vrais besoins de les gens. C’était sympa de aider les gens un peu trouver une emploi. Une autre chose, c’était de développer des outils pédagogiques pour une société qui voulait créer une petite centre pour les employés à venir dans le temps du travail ou dans le temps libre de apprendre. Donc j’ai créé une petite centre dans cette société, j’ai bossé là pendant trois ans pour créer ça et j’ai donné les cours aussi.

K : As-tu eu peur, parfois, de ne pas t’en sortir ?
Pas du tout mais j’ai vécu ça à les États-Unis, j’ai vécu ça en Espagne, des périodes, pendant les mois, les mois, les mois que j’ai mangé mon riz complet et puis vraiment le pomme, le carotte par jour, quoi. Vraiment ! J’ai mangé comme une lapin pendant parfois les années, donc... non. J’étais vraiment émerveillée par les villes et donc j’ai senti presque que il faut profiter parce qu’il y a tellement de choses à faire ici et tellement de choses à voir et que tous les jours, je suis levée tôt, je couchais tard et puis j’ai vécu un peu comme Cendrillon pendant mes grands périodes de Paris, vraiment c’était... Non, non, j’étais pas trop inquiète. Je ne sais pas, peut-être que j’avais l’âge de ne pas être trop z’inquiète. J’étais jamais trop trop z’inquiète de ça, parce que au fond de moi, je sais que même si j’avais pas trouvé une boulot comme ça, j’aurais pu faire n’importe quoi d’autre. J’aurais pu faire femme de ménage, j’aurais pu faire baby-sitter, j’aurais jamais, je crois, me retrouver sans une moyenne de gérer moi-même, quoi.

K : La décision de se marier est précipitée ?
Poussée par la nécessité, oui. Autrement, pour moi de se marier à la Mairie à Paris, ha ha, c’était pas quelque chose... Ce genre de mariage civil ou le mariage laïque français, pour moi ça veut rien dire du tout, hein. Mais je savais que on était bien ensemble et qu’on était faits pour d’être ensemble, donc... Mes parents sont arrivés le lendemain. Donc c’était dommage. Ils ont pas pu venir comme j’ai pris mes dates, et mon père avait une conflit avec son travail. Donc le mariage était vraiment très très simple. Il devait juste trois très, très bon copains et puis la famille de Cyril qui est toute petite. Donc il y avait sa sœur, sa tata, sa mère et c’est tout. Donc on a fêté ensemble en famille avec les copains et chez sa tata à Paris. Mes parents sont venus le lendemain. Et après on a passé, je crois, une semaine de le fêter ensemble à Paris et après on est descendu pour les mamies, pour le reste de la famille qui ont pas pu venir, et on a fêté comme ça.

K : La famille a-t-elle toujours reconnu tes choix ?
Ben je crois que peut-être c’est difficile pour mes parents, surtout. Mais ils viennent nous voir et puis quand moi j’ai pas assez de sous pour aller les voir, ils m’envoient les sous et donc nous allons. Je crois que les choses qui est le plus dur c’est dans les moments partagés entre ma famille où je rends compte que je ne suis pas là. Et parfois quand je suis là, il y a l’émotion sur une tel événement, une telle personne, quelque chose que quelqu’un dit, et tout le monde partage une rigole, une émotion et tu sens vraiment complètement exclue mais en partageant quelque part parce que tu comprennes, tu suis vaguement ce qui se passe, parce que tu les connais tellement bien, tu es tellement intime avec tous ces gens-là, mais tu sens larguée, toujours il y a une partie de toi qui n’est pas là.

K : Es-tu devenue Française ?
Ben quand je suis allée aux États-Unis je sens plus Française, et quand je suis ici je sens un peu d’être à part. Tu regardes un peu avec une certaine objectivité, je crois, autour de moi les choses ; je suis au cœur un peu anthropologue, un petit peu trop sociologue, donc j’ai petit peu trop la tendance de regarder les gens sous le microscope. Je crois que ça c’est quelque chose très partagé de beaucoup de gens qui vit un peu deux vies comme ça, cette double vie avec deux âmes. Comme j’ai beaucoup d’amis Indiens qui habitent au Canada, elle m’a toujours raconté cette expérience, quoi, de sentir vraiment très très Indienne au Canada et quand elle retourne en Inde, de sentir très très Canadienne. Donc j’ai jamais compris qu’est-ce qu’elle voulait dire, je comprenais intellectuellement, mais maintenant je sais.

K : As-tu gardé tes amis aux États-Unis ?
Avec qui je grandis, non. Certains unes de l’école. Moi j’ai deux ou trois amis qui vraiment je suis très proche avec, donc je les vois tout le temps, on parle deux fois par semaine, au minimum quatre fois par mois. On a suivi l’évolution mais il y a pas mal d’entourage que j’avais à la fac quand je retournais de l’Espagne qui sont éparpillés partout : j’ai un copain dans le désert à côté de Santa-Fé ; un autre qui est parti à Hawaii ; un autre qui est en Espagne ; trois ou quatre autres qui ont retourné en Irlande ; une autre copine qui est retournée aussi en Espagne, et donc les gens qui ont pffff... sont plus là, sont ailleurs. Donc je les vois ailleurs, je les vois pas, on est en contact un peu une fois tous les deux ou trois ans.

K : Pourrais- tu retourner vivre aux États-Unis ?
Ben ouais, ah oui, professionnellement surtout. Parce que je trouve que ici il n’y a pas beaucoup de évolution, de opportunités. Et je regarde plus en plus tous les opportunités qui existent là-bas, et donc je vois presque tous les jours une chose qui m’intéresserait à faire. Donc je suis, je crois là, à une période que je commence à penser plutôt ça : de me développer professionnellement. Et les options qui restent ouvertes, ça m’intéresse pas, faire les traductions, les trucs comme ça. Ça m’intéresse d’ouvrir ma propre société, une école de langues... J’ai pas envie juste continuer de bosser pour gagner un peu de fric pour payer le loyer. Donc j’ai envie de faire quelque chose plus intéressant et là je trouve qu’il y a beaucoup de boulots intéressants. Là, j’ai vu une chose, j’ai envoyé même une, carrément j’étais tellement intéressée. C’était une coordinatrice des affaires spéciaux pour les étudiantes, une fac de pharmacie à Boston, donc c’est une poste pour essayer d’aider les directeurs des affaires d’étudiantes et coordonner les événements spéciaux pour sensibiliser les élèves à... comment je peux dire, je ne sais comment dire ça en français..., ça existe même pas ici, c’est... Ce poste m’intéressait beaucoup, donc j’avais envie de continuer dans le domaine des trainings, mais de bouger dans une autre sens. Je sais que j’aimerais de le faire comme une grande aventure et je crois que tout le monde sont prêtes de me suivre dans cette aventure.

K : Mais tes enfants sont-ils prêts à être scolarisés aux États-Unis en américain ?
Oui. Il y a même les écoles publiques qui sont bilingues, donc, même je me suis renseignée sur les villes et les villages qui offrent une possibilité de la maternelle jusqu’à la baccalauréat de suivre les études en français et en anglais. Dans mon région, dans le Nouvelle Angleterre, il y a toute cette mouvement qui s’appelle "No child left behind [1] ", donc chaque école et chaque school district [2] a besoin de répondre les besoins des enfants. Donc ils sont obligés de trouver une réponse pour mes besoins. Donc là, je me suis fait renseigner toute façon, donc c’est très sympa dans une petit village à côté de Boston, il y a toute cette programme bilingue, donc je dis : "Bon tiens". Il y a même le tramway qui me ramène au centre-ville dans ce village donc pourquoi pas m’installer là, comme ça ça bouscule pas la scolarité de les gamins et ça peut être très sympa pour eux parce que en parlant avec la directrice des les écoles, elle m’a raconté que la plupart des enseignants viennent de l’Afrique et de l’Asie, qui sont francophones, donc ça peut aussi ouvrir mes enfants à qu’est-ce c’est le francophonie, de rencontrer les enseignants parce qu’il n’y a pas les enseignants du Ghana ou de Sénégal ou de Montréal. Ça peut ouvrir une autre aspect vraiment vis à vis de leur langue maternelle, parce que le français c’est leur langue maternelle mais ils parlent et ils chantent beaucoup en anglais. Les seules choses qui me freinent ce que j’ai peur que au bout de deux ou trois ans je vais d’avoir marre de les États-Unis et je vais d’avoir envie de bouger encore une fois, donc j’ai pas trop envie de les faire entraîner dans une histoire sans fin, quoi. Donc j’attends pour voir un peu si...

K : As-tu un souvenir d’un vrai choc culturel en France ?
Ouais, j’ai trouvé les gens à Paris très brusques. Le snobisme dans les magasins, les restos, les cafés ; j’ai trouvé le plupart - pas toujours - presque antipathiques, du genre dans certains cafés : "Je te fais une faveur et c’est toi, comme client, qui me dois quelque-chose." J’ai trouvé ça bizarre parce que le z’États-Unis c’est tellement le service avec le gros sourire ; à chaque petit travailleur dans le petite marché c’est le gros sourire, même si t’as la peine, tu peux le sourire à le client parce que tes problèmes sont pas le problème de le client. Ici j’ai rigolé surtout de Marseille comme les gens au supermarché racontaient leurs peines avec leurs chefs, des trucs comme ça que je trouvais vraiment bizarre. Bon, à Paris c’était pas comme ça, mais j’ai trouvé très brusque, très froide, assez snob, très chauviniste, une attitude de moquerie, souvent. J’habitais Pigalle. Donc j’ai vu les serveurs de moquer de les allemands, de moquer de les gens, des gens qui venaient dépenser du sous chez eux. J’ai trouvé ça très chauvin, une attitude supérieure, quoi.

K : Tu arrives en quelle année à Marseille ?
J’étais enceinte avec Elsa... c’était en 93. J’avais trente ans. C’était une peu le mauvaise moment de déménager comme j’étais huit mois et demi enceinte, parce que j’avais beaucoup de copines à Paris. Si j’aurais pu changer le moment, j’aurais déménagé après l’accouchement parce que je me suis retrouvée ici sans mon petit entourage de copines.

K : Vis-tu à nouveau un passage culturel Paris-Marseille ?
Ah ouais ouais ouais, très fort. Ben, le décalage que c’était plus les Français très discrets qui parlent doucement. Je sentais un peu comme que j’étais en Espagne ou en Italia, où les gens parlent très forte, où les gens sont plus exubérants, où les gens parlent beaucoup, ils ont beaucoup à dire, beaucoup de blablabla, même parfois ça peu devenir agressif, les gens se frappent pas mais, parfois ça fait peur, parfois les gens crient après les autres, ici. J’ai trouvé les gens très aimables. Comme j’ai vécu longtemps à Belleville, à Pigalle, à Paris, que tu es très incommunicable à Paris, que n’importe où tu vas, c’est rare que tu croises quelqu’un que tu connais. Ici je croisais les gens tout le temps, je croisais les voisins en ville, la femme de la boulangère me demandait des questions sur notre voiture ; tout de suite, elle avait ciblé quelle voiture c’est le nôtre, à quelle école va mes filles, donc j’ai trouvé des gens très curieuses vers les autres parce qu’en plus, à l’époque il n’y avait pas beaucoup de gens d’ailleurs. Il y avait vraiment un petite noyau de gens, je sens, qui étaient là depuis toujours et nous on a débarqué, on était une de les premières curiosités de la rue qui venait d’ailleurs. J’ai trouvé ça à la fois sympa et très troublant. Je sentais que à chaque fois que je vais acheter une baguette, tout le monde sait combien de baguettes j’achète, tout le monde connaissait tout de suite tes habitudes de le quotidien. Je trouvais un peu rigolo, un peu comme vivre dans une village, tout de suite j’ai senti ça. Je choisissais Marseille parce que je voulais rester dans une grande ville et finalement, je le trouve pas du tout comme une grande ville, donc c’est sympa pour ça et donc une autre changement entre Paris et Marseille, bon c’est très très populaire, c’est rien à voir socio-économiquement.

K : Est-ce le travail qui vous a amené à Marseille ?
Non, pas du tout. Parce que on n’avait pas du travail du tout pendant longtemps après que on a déménagé. On est venu comme ça, j’étais enceinte et puis on avait besoin de déménager à Paris parce que notre appart, il était trop petit, et on voulait pas aller dans le banlieue parisienne, donc on a commencé de penser : soit on reste à Paris et on prend quelque chose plus grand, mais après on va vraiment bosser, on va bosser beaucoup plus que maintenant, donc on est décidé de opter pour le qualité de vie.

K : Ici ou à Paris, as-tu recherché la communauté américaine ?
Pour les librairies, pour acheter les bouquins, oui. Et comme je voulais acheter les choses en V.O., les films en V.O., les cassettes et tout ça, comme je suis une grande lectrice, donc mes petits librairies du coin, moi j’aime ça. Comme je suis prof, de toute façon je suis en contact avec des autres professeurs anglophones, pas nécessairement américains parce que il y a plus d’Américains à Paris, qu’ici il n’y a pas beaucoup. Surtout des Anglais, ici, Ecossais, Australiens, donc mais c’est les gens qui va-viennent, donc j’ai faite les amis, j’ai eu les très grands amis, mais jamais restés plus de trois ans, quatre ans, cinq ans et ils repartent ailleurs, soit en Chine... Souvent c’est des gens qui ont le bug aussi du voyage et des aventures, donc tous les trois, quatre ans, plient le bagage et repartent pour de nouveaux aventures, sur un nouveau continent. Sinon, à Aix et dans la région il y a une grande communauté. J’étais une fois ramenée par une Hollandaise très sympa qui organisait les fêtes autour d’une livre et avec une repas, tout le monde ramène un plat. On peut dire que huit personnes sur dix, là, c’étaient les femmes au foyer, américaines ou britaniques qui avaient rien à faire, qui le pays leur manquait tellement qu’elles voulaient s’entourer par les gens comme eux. Je trouve qu’elles voulaient pas trop chercher à s’adapter à la vie locale, et puis compter les jours de leur retour chez eux.

K : Connais-tu le blues du migrant ?
Maintenant, je crois que je sera bien n’importe où mais, il y a toujours cet autre endroit que je laisse derrière, qui reste toujours dans toi ; il y a les petites chagrins, les scènes d’aéroport avec les larmes, c’est dur, hein, c’est très très dur de dire au revoir, même si on sait que l’on va... on espère de se revoir. Maintenant avec les technologies, on parle beaucoup, c’est pas comme avant : quand je suis venue, passer un coup de fil, ça coûtait très cher, c’était cent cinquante euros pour parler pendant un quart d’heure à le z’États-Unis. On n’avait pas l’internet, ça existait pas, donc ça c’était dur. Les lettres, on écrivait encore sur le papier-air... par avion, le papier très fine. Ça existe plus, maintenant on est plus proche, donc ça rend les choses plus faciles parce que on peut prendre une photo, l’envoyer tout de suite, parfois même ça devient banal. Mon père, l’autre jour, il m’a envoyé un e-mail, c’était juste : "Marianne, down, dad." C’était juste une mot, donc c’est sympa. Avant c’était nécessaire d’écrire les lettres et les lettres ou de carrément prendre un rendez-vous pour l’appel téléphonique mensuel, et maintenant, c’est tout le temps. L’internet ça change la vie. Ça fait depuis cinq ou six ans que ça devient plus facile avec l’internet de communiquer comme ça. Et j’avais les amis à le z’États-Unis qui essaient de me encourager : "Mais Marianne, pourquoi tu m’envoies pas les e-mail ?" J’ai dit : "Oh non je n’aime pas ça, je préfère envoyer les photos, je préfère les cartes postales, je préfère les lettres." Et finalement non, c’est bien.

K : Tes racines sont-elle maintenant à Marseille, en France ?
Ben, mes racines, je ne sais pas. Elles sont là où j’ai vécu, où j’ai les gens que j’aime encore. Donc encore Paris, parce que j’ai quelques amis à Paris. Cyril, il a un oncle que j’aime beaucoup, c’est un endroit où je sais que je peux arriver, en train ou en avion, et où je sais que je peux rester, j’ai pas besoin de payer pour un hôtel et que je peux passer un bon quelques jours, une semaine. Ça peut être Paris, Boston aussi et même à la fac, j’ai passé mes quatre ans à la fac, j’ai encore quelques amis qui ont resté dans cette région-là, qui sont tombés amoureux de cette vallée, c’est une vallée magnifique.

K : Pourrais-tu réexploiter ton diplôme aux État-Unis ?
Ben oui. Ici le diplôme, il est vraiment très important et les concours. Alors que à le États-Unis c’est différent, souvent ils s’intéressent pas autant à ton diplôme. Dans ton département d’études, t’as sept cours sur dix, tu peux choisir parmi un certain nombre de cours, donc ils veulent voir ton transcript : les cours que t’as choisis, parce que ça dit quelque chose sur qui tu es, sur les choses qui t’intéressent. Et bon, après, un peu l’expérience et puis l’entretien ça compte beaucoup, parce que même les proviseurs de chaque école, c’est eux qui embauchent leurs propres profs. Et par exemple, pour une prof, c’est très différent, souvent ils te demandent d’aller et faire un cours. Tu es observée, après il te faut soutenir qu’est-ce que tu venais de faire avec ces élèves, après d’avoir, bien sûr, étudié un peu le plan éducatif pour cette groupe particulier.

K : Aux États-Unis aurais-tu évolué mieux qu’en France ?
Professionnellement ? Je crois que probablement mieux. Et autrement aussi, complètement. Que j’aurais pas resté dans l’enseignement pure aussi longtemps, et je crois que même j’aurais... Qui sait, c’est difficile de dire. J’aurais pu tourner à New-York, à Wall Street, on ne sait jamais, hein ! Parce que la vie c’est les rencontres, un peu le hasard, comme tu prends ce train ou ce train... Les boulots comme j’ai eu dans ma vie, et que j’aimais beaucoup, c’était le hasard total.

K : Quel est ton parcours professionnel à Marseille ?
De Paris, déjà avant de venir, j’avais envoyé une trentaine de CV et lettres à les écoles, partout. J’ai arrivé, j’ai trouvé tout de suite une boulot : j’étais morte de rire parce que j’étais à l’entretien à Aix-les-Mille, dans une école Berletts qui venait juste d’ouvrir, enceinte comme ça, mais prête à accoucher et elle a dit : "Vous avez l’emploi, mais vous pouvez commencer quand ?" J’ai dit : "Bon, pas la semaine prochaine." Et après je me suis renseignée, j’ai pas envie de travailler pour Berletts, finalement. C’est une franchise, c’est une chaîne comme Mac Donald, d’enseignement - d’origine, je crois que c’est allemand. Ils vendent une recette magique, un peu comme le sauce sucrée du Donalds, "que notre sauce linguistique, c’est le seul truc qui marche, il faut que vous utilisez nos méthodes et nos matériaux" et puis on espionne sur vous en classe pour que vous êtes opérante. Donc après, j’étais au chômage. Après j’ai galéré parce que j’ai trouvé, mais j’avais trois ou quatre employeurs différents et puis j’avais un planning d’enfer : le matin à l’Eurocopter à Marignane et l’après-midi à la Ciotat ; le lendemain le matin à Aix-les-Mille et l’après-midi au centre du ville d’Aix et le soir retour sur Marseille ; le lendemain à Gémenos et le soir à Berre, j’étais à Rousset le matin, l’après-midi, j’étais à Schell, à Berre, après je rentrais, je donnais des cours par téléphone, c’était trop. Donc j’ai fait ça de fin 93 à 97. Après, j’ai entré dans une Greta [3] "le Greta Nord", qui existe plus, et j’ai commencé de travailler sur les actions BTS en commerce international, donc sur le parti anglais. Par hasard, un jour on n’avait pas une classe disponible pour notre cours de BTS au lycée Saint-Charles, et ils nous ont envoyés au collège Longchamp et j’ai rencontré l’équipe. Il y avait une fille que montait cet espace langues avec le secrétaire et ils ont dit : "Tu es le prof d’anglais, est-ce que tu peux donner un cours, on peut t’observer ?" Donc, après le cours, elle a dit : "Est-ce que tu cherches quelque chose ? Une boulot, à plein temps, régulier. On ouvre la semaine prochaine, on a un gros contrat et on n’a personne." Donc j’ai commencé la semaine après. Et ça c’était en 97. Et depuis je suis là, donc neuf ans, ça fait. Ça fait le plus longtemps que je suis dans le même endroit et que je suis dans le même emploi. Je crois que c’est pour ça, ça fait un peu flipper de partir aussi, parce que ça fait vraiment casser le fil, là. Et comme c’est une village ici aussi, c’est rigolo.

Propos recueillis le 11/05/06 par Patricia Rouillard ; image : Christian Coursaget.

Notes

[1Aucun enfant laissé derrière.

[2District scolaire.

[3Groupement d’établissement publics locaux d’enseignement qui fédèrent leurs ressources humaines et matérielles pour organiser des actions de formation continue pour adultes

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