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Sacs jaunes-sacs noirs - Mutations urbaines - Le tri arrive - La revue du témoignage urbain

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La revue du témoignage urbain

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La revue du témoignage urbain

Le tri arrive

Sacs jaunes-sacs noirs

« Parmi tous les produits qui sont issus de l’hôpital, tous les produits de laboratoire sont traités mais la plupart du temps ils ne sont pas recyclés, c’est à signaler. Y’a quand même un problème vis-à-vis des déchets hospitaliers : la contamination ; donc on n’peut pas se permettre de récupérer, disons, des matières premières qui sont contaminées. Quand vous voyez une seringue, hop ! Vous avez le réflexe : "Ah ! C’est dangereux !" » Jean N’Kaoua, 60 ans, ingénieur en chef de la Cellule Sécurité Sanitaire aux hôpitaux de Marseille.


 

Koinai : Les déchets hospitaliers sont-ils classifiés ?
Au niveau des déchets hospitaliers, on considère qu’il y a deux grandes catégories de déchets : ce qu’on va appeler les DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux) et les autres, qu’on a appelés DAOM (ordures ménagères) ou hors DASRI. Dans les hors DASRI, considérés comme des déchets industriels compte tenu du volume qui est produit, vous avez tout ce qui est déchets industriels banals (DIB) et déchets industriels spéciaux (DIS) à caractère polluant ou dangereux.

K : Qui a pris la décision de cette classification ?
Cette décision a été prise en commune mesure avec les services de soins, avec le CLIN (Comité de Lutte des Infections Nosocomiales) et avec nous (la Cellule de Sécurité Sanitaire).

K : Pouvez-vous nommer ces déchets non recyclables que vous appelez DASRI ?
Les DASRI sont répartis en déchets solides : le matériel de soin, les seringues, les tubulures, les perfuseurs, les sondes, les pansements, les compresses, les couches, les changes, et cetera, en déchets coupants, piquants et tranchants qui vont aller dans des collecteurs à aiguilles : les bistouris, les cathéters, les aiguilles, les lames, les ampoules, tout ce qui peut blesser, et en troisième catégorie vous avez les déchets liquides qui vont dans ce qu’on appelle le carton double : les poches à urine, les prélèvements biologiques, les pièces anatomiques non identifiables, et cetera. Tous les déchets anatomiques sont incinérés dans le crématorium de la ville de Marseille.

K : Depuis quand triez-vous ?
Le tri, c’est un grand mot, on peut le faire plus ou moins fin. Dans les services de soins on ne mélange pas, par exemple, la ferraille avec les cartons, mais on n’a pas pour autant trié correctement les DASRI. Aujourd’hui, et ce n’est qu’à partir de cette année où on commence vraiment à trier ce qui sort des unités de soins, on a défini quels sont les DASRI par rapport à tout ce qui ne l’était pas.

K : Avez-vous un espace réservé où vous stockez les déchets ?
On a une production au niveau des services. Dans chaque service on a un local à déchets qui est réglementaire, dans lequel on a un container plastique jaune pour les DASRI, gris pour les non DASRI. La personne qui va porter ses déchets dans ce local va les mettre dans le container approprié. On a une équipe de collecteurs de ces containers qui va tous les jours deux fois par jour dans les services récupérer ces containers pour les descendre au rez-de-chaussée et les tracter jusqu’à l’aire à déchets hospitalière. Quand le container plastique ou aluminium arrive à l’aire à déchets, il passe devant une borne de détection de radioactivité et s’il est détecté radioactif, le container est mis de côté en décroissance radioactive sur une petite surface de l’aire. Cette procédure a été mise en place pour ne pas envoyer sur les aires d’épandage ou dans les usines d’incinération des containers radioactifs. On veut contrôler notre déchet. En bref on a, dans l’unité, le local à déchets, ensuite on a un acheminement du local à déchets jusqu’à l’aire à déchets de l’hôpital où tous les containers sont stockés. Cette aire à déchets hospitalière comporte plusieurs éléments : les compacteurs dans lesquels on va transvider les DAOM des containers plastiques pour les compacter puis ensuite pour les envoyer au centre d’enfouissement, une unité de lavage pour laver ces containers en plastique - ça c’est très récent, ça date d’un an à peu près - et une aire de stockage des containers aluminium pleins qui sont en attente d’être évacués sur l’usine d’incinération.

K : Comment s’articule la chaîne du tri ?
Dès la production du déchet, on va essayer de séparer les différents déchets. Le personnel entrepose le déchet dans un sachet jaune pour les DASRI et sac gris ou noir pour les hors DASRI. Tout ça est collecté par le service intérieur, par une équipe spécialisée dans la collecte. Les DASRI vont aller dans des containers en aluminium qui sont étiquetés, scellés, contrôlés au niveau de la radioactivité puis entreposés sur une plate-forme de déchets en attente de transfert sur l’usine d’incinération. Vous avez une société spécialisée qui vient faire l’échange containers vides contre containers pleins. Ces derniers sont transportés vers l’usine de traitement dans les quarante-huit heures. Y’a aussi des déchets spécifiques comme les déchets de laboratoire qui sont très ciblés et très surveillés et qu’on ne peut pas jeter à l’égout. On a des systèmes de collecte qui se font dans des bidons et on a une société - la société TEP - qui vient une fois par semaine et qui ramasse tous ces déchets dans tous les laboratoires. De la même manière, on a une société qui vient nous récupérer tout ce qui est déchets radioactifs et ça représente quelques voyages dans l’année. Les non DASRI, c’est-à-dire les déchets de bureau et d’activité hôtelier, les restes de repas, les fleurs, les gants de ménage, chiffonnettes, le linge à usage unique et les plâtres non souillés, les emballages de conditionnement de linge et matériel stérile, l’emballage léger et souple comme les flaconnages, les sachets, boîtes, les bouteilles en plastique et cetera, tout ça va dans les sacs gris ou noirs et ça va dans un container plastique pour être acheminé dans un compacteur au niveau de l’aire à déchets dans l’hôpital. Et à partir de l’hôpital, y’a une société qui va récupérer et qui va l’amener sur une aire d’épandage. Normalement on devrait avoir un incinérateur, mais la commune de Marseille - comme tout le monde le sait, les journaux se sont fait écho - y’a une grande guerre entre les uns et les autres pour savoir si, oui ou non, on va enfin faire un incinérateur qui va absorber tous ces déchets qui sont pas des déchets toxiques ou polluants mais qui, en brûlant, émettent des fumées qui selon les uns et les autres sont considérées comme toxiques ou dangereuses. D’autres estiment que l’épandage sur les zones d’enfouissement provoque des perturbations au niveau de la nappe phréatique, des envols avec des conséquences pour l’environnement. Le traitement du déchet, on lui trouvera toujours quelque chose de nuisible. La seule manière de traiter un déchet d’une manière non nuisible, c’est de le recycler, de récupérer la matière première et la réglementation impose d’ailleurs de récupérer tant que faire ce peut. Si vous voulez, on a obligation par la loi d’assurer le traitement du déchet. Tout producteur de déchet est propriétaire de son déchet jusqu’à ce qu’il apporte la preuve comme quoi son déchet a été traité conformément à la réglementation.

K : Aucun composant d’une seringue ne sera recyclé ?
Non, c’est simple, il n’y a pas que ce qui est contaminé qui s’appelle DASRI. La notion de déchets d’activités de soins à risques infectieux s’attache à l’objet. Vous pouvez très bien avoir une seringue qui est encore dans son emballage, qui n’a pas été sortie du sachet encore scellé et qui est destinée à être jetée parce que ce type de seringue, on l’utilise plus. On ne peut pas la mettre aux ordures ménagères et pourtant elle n’est pas contaminée, elle est propre et encore stérile. C’est ce qu’on appelle le "ressenti", vous avez des déchets "ressentis". De la même manière on peut très bien avoir des lames ou des ampoules stériles dont on va plus se servir et qui vont aller en DASRI à cause du ressenti émotionnel.

K : Et quels sont les matériaux recyclés à l’hôpital ?
Alors, la ferraille - les lits, le matériel obsolète - doit être recyclée. Les cartons sont valorisés selon les hôpitaux et on évite de les mélanger avec le reste. Disons que ça fait aussi partie du tri dans une filière spécialisée. Le papier est recyclé pas d’une manière systématique dans l’hôpital, mais disons au niveau des gros producteurs comme ici, la Direction Générale où on a mis en place un recyclage de papier. On récupère systématiquement tout le papier usagé et on le recycle. Il faut savoir que ce ne sont pas des opérations qui sont bénéfiques pour nous ; le coût du recyclage ne compense pas le coût de la récupération de cette matière première.

K : Comment se gère la récupération du papier dans le service administratif ?
On a mis en place un système très simple : dans chaque bureau producteur de papier on a un petit récupérateur - une bannette - le soir quand on s’en va, on prend le papier et on le fout dans la console - c’est un meuble en bois où y’a une fente, qui se trouve dans les couloirs et une fois par semaine on a une société qui vient récupérer le contenu des consoles dans le bâtiment. Une fois le papier introduit, on ne peut pas le sortir car y’a un problème de confidentialité, c’est fermé à clef ; après c’est broyé sur place, ici-même, par un camion broyeur et tout ce papier est amené à l’usine de recyclage, à l’usine de traitement.

K : En terme de volume, quelle est la quantité de déchets produite ?
Ça dépend des services. Si vous avez une unité qui tourne continuellement comme la nécrologique qu’on vient d’ouvrir, c’est des volumes importants. Au niveau des chiffres, en 2004 on avait produit à peu près 9,27 tonnes de DASRI par jour pour l’ensemble des hôpitaux. Aujourd’hui, on doit être aux alentours de 9 tonnes du fait que le tri se met en place, on diminue les quantités de manière assez importante. Il faut savoir qu’en 2001, on était à 10,5 tonnes à peu près. On a économisé pratiquement 1,5 tonne par jour de DASRI, ce qui est colossal. Au bout de quatre heures d’arrêt de l’incinération à Vedène ou à Toulon, on a déjà des sacs au sol à la Timone ou à l’Hôpital Nord. On ne peut pas imaginer comme ça produit dans les unités, c’est comme une rivière qui coule et on ne peut pas l’arrêter.

K : Comment avez-vous pu réduire la production de DASRI ?
C’est grâce au tri - comme je vous l’expliquais - en formant le personnel qui, dans les services, produit ces déchets, en leur donnant le geste important de trier. C’est vrai que ça, ça va avec des moyens techniques : on a mis en place depuis un an et demi des chariots double support. Sur ce chariot vous avez un support jaune en plastique pour les DASRI, un support noir pour les DAOM, ce qui fait que la fille, lorsqu’elle va faire un soin, va ouvrir la compresse dans son papier, il y a plusieurs enveloppes en papier et elle va poser ça sur son plateau de travail. Une fois qu’elle va faire son soin, la compresse avec laquelle elle a soigné le malade va aller en déchet dans le sac jaune. Par contre, tous ces papiers qui n’ont pas touché le malade et neutres au niveau contagion, vont aller directement dans le sac noir qui est sur ce double support. On a déjà à l’origine un tri, ce qui nous amène à faire des économies en quantité.

K : Ce tri est-il amené à se développer davantage ?
Oui, parce qu’on en est qu’au début. On était à peu près à 60/40, c’est-à-dire 60 % de DASRI pour 40 % de DAOM, et l’objectif c’est d’inverser cette tendance. Aujourd’hui on est à peu près à 50/50 et peut-être un peu moins en DASRI qu’en DAOM. Je pense que d’ici fin 2007 on sera à 40/60 en faveur du tri.

K : Quelle autre amélioration pourrait être envisagée ?
L’amélioration, c’est au niveau de la production et du suivi correct de la fiche de tri. C’est sûr qu’on n’est pas derrière chaque infirmière ou aide soignante qui va récupérer le déchet. De temps en temps, quand les gens y’a personne qui les regarde, ils foutent tout dans le même sac, ni vu ni connu. Bon, comme ils ont quand même la conscience professionnelle avec eux par rapport à la contamination, la plupart du temps ça va en salle jaune, c’est-à-dire en incinération. La réaction feignante ou extrémiste, ce serait de dire : "Moi j’en ai rien à foutre, je trie rien du tout, tout c’qui sort de la chambre, tout c’qui sort de l’unité d’service, hop ! je le fous en DASRI comme ça au moins j’ai pas d’problème !" C’est une réaction irresponsable dans le sens où l’usine d’incinération s’emboucane rapidement, on a des quantités qui augmentent tous les ans et il est évident qu’à un moment ou à un autre l’usine d’incinération ne peut plus faire face.

K : Connaissez-vous le coût de traitement ?
Oui, le coût du traitement a fait un bond de l’ordre de 20 % et a augmenté de 58 000 €. Pour les DASRI c’est de l’ordre de 769 € la tonne en 2005 et pour les DAOM c’est de l’ordre de 200 € la tonne. Financièrement, il est évident qu’on a tout intérêt à réduire les DASRI et de passer le maximum en DAOM. Donc on est obligé de trier.

K : Le personnel est-il informé en matière de recyclage ?
Oui, y’a beaucoup beaucoup de formation. L’intérêt de passer un maximum de choses en DAOM, c’est vrai que c’est un intérêt financier et aussi un intérêt de fonctionnement. Il est évident que ça ne peut pas marcher si le personnel n’est pas informé et formé, les deux. Y’a donc des formations qui sont mises en place à différents niveaux, non seulement vis-à-vis des infirmières mais aussi des aides-soignantes car la plupart du temps ce sont elles qui gèrent les déchets et on a fait aussi une formation à un premier niveau, globale et commune à tous et on a fait des formations de référents : on a formé des gens qui sont référents dans le service. Quand on a un problème, une question, et cetera, cette personne est plus pointue que les autres et on va vers elle pour lui demander des conseils ou des solutions pour traiter le sujet. Il est évident que si le référent n’arrive pas à répondre à la question, il la passe à un niveau supérieur et s’adresse directement aux personnes que je gère et qui sont dans la Cellule Sécurité Sanitaire.

K : Quel recycleur êtes-vous ?
Moi, ce que je fais, j’essaie de coller à la politique de la Ville, actuellement, puisqu’elle se situe uniquement sur le verre, le papier et c’est tout. Donc je peux pas aller plus loin. À Marseille, compte tenu de ce qu’il y a, je vais pas aller trier des choses qui vont de toutes façons aller dans la même benne. Il n’y a rien de plus de démotivant que de demander aux utilisateurs de faire des tris très pointus si derrière y’a pas la filière. Moi j’ai pas demandé de faire ce tri pointu entre DAOM et DASRI tant que j’avais pas mis en place dans les unités les containers plastiques jaunes et gris et les doubles supports sacs jaunes et noirs et la formation derrière.

Propos recueillis par Eric Larousse le 12/09/06 ; rédaction : Odile Fourmillier.

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