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Une femme indépendante - Femme aujourd'hui - La revue du témoignage urbain

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Femme aujourd'hui

Une femme indépendante

Julie a 31 ans. Elle est formatrice dans une association. Son état d’esprit repose sur son parcours de vie et son discours va dans le sens d’une égalité homme-femme, dans laquelle elle se positionne néanmoins avec une certaine part de masculinité...


Koinaï : Pour vous, c’est quoi, être une femme ?
Une femme, biologiquement, est distincte de l’homme par son aspect physique. Socialement, ça dépend où ça se passe. Une femme en Occident ne sera pas la même qu’une femme en Afrique ou en Asie. Suivant le milieu, à la campagne ou en ville, c’est variable. On ne peut pas généraliser. La formule "la femme" ne veut pas dire grand chose. Oui, après, une femme biologiquement peut faire des enfants. Psychologiquement, ça n’a pas de sens non plus. On dit qu’elles sont pleureuses, sensibles, qu’elles sont ci ou ça, ce n’est pas toujours vrai. Elles ne sont pas les mêmes, parce qu’à travers l’histoire, elles n’ont pas fait les mêmes choses que les hommes. Pendant des siècles, elles étaient cantonnées à la maison, à s’occuper des enfants. Elles avaient du temps pour réfléchir et lier des relations dans la famille ou ailleurs.
Peut-être qu’elles sont plus cérébrales que les hommes, parce qu’elles ont eu davantage le temps de réfléchir, pendant des heures, à s’occuper des enfants, de la maison...
Si intellectuellement tu réfléchis un peu, tu as le temps, tu poses un tas de questions, tandis que l’objectif des hommes était de travailler, de rapporter de l’argent pour subvenir à la famille. Le but, c’était le salaire. Ils n’avaient pas le temps de se poser des questions sur eux-mêmes, sur leur vie. C’est comme il y a bien longtemps, quand il fallait chercher sa subsistance : l’objectif était d’abord de tuer un animal pour se nourrir.

K : Vous sentez-vous femme, aujourd’hui ?
Oui, tout va bien ! J’ai, je crois, une part de masculinité, mais je suis bel et bien une femme.

K : Quelle regard portez-vous sur la femme ?
Je dis qu’elles devraient apprendre à être plus autonomes, plus indépendantes et savoir ce qu’elles veulent pour elles, et pas seulement pour la famille, les enfants, le mari ou la société. Elles existent d’abord pour elles-mêmes.

K : Quel rôle jouent-elles dans la société où l’on parle beaucoup de l’émancipation de la femme ?
Je pense qu’elles doivent batailler pour avoir d’autres droits, pas au détriment des autres mais pour elles-mêmes. L’émancipation acquise devrait être normale. Il a fallu batailler beaucoup pour en arriver là. Pouvoir être libres de faire ce qu’elles veulent, comme voter et faire un tas d’autres choses. Tout n’est pas encore acquis. Pour une personne comme moi, d’une trentaine d’années, en France, issue d’un milieu social pas trop difficile et en milieu urbain, j’estime être bien née à ce niveau-là. Je n’ai pas eu trop à lutter pour avoir ma liberté. Il n’a pas fallu que je me batte plus que ça pour l’acquérir, alors qu’il y a encore plus de la moitié du monde où les femmes doivent encore lutter. Donc tout n’est pas gagné, il faut que ça continue. Elles ne devraient pas avoir à se battre, ça devrait être normal. Le pouvoir de domination des hommes sur les femmes n’est pas naturel, mais socialement construit.

K : Beaucoup de femmes pensent que celles-ci ont acquis trop de liberté et en abusent. Êtes-vous d’accord avec ça ?
Non, bien sûr que non. D’une part, elles n’en ont pas acquis trop, il y a beaucoup de choses qui restent à faire. Si elles en abusent ? Non, c’est une aberration de dire que les femmes abusent de leur émancipation. Après, libre à elles de faire ce qu’elles veulent, si elles se détruisent, si elles ne se respectent pas, c’est leur problème, on n’a pas à les juger, c’est elles-mêmes qui devraient le faire. Après, c’est une ligne de conduite, et pour l’émancipation, c’est chacun qui a ses propres valeurs, ses propres règles. Je ne suis pas d’accord ! Je suis stupéfaite par ces femmes qui disent que certaines femmes ont trop de liberté. On n’en a jamais trop...

K : Quelle est la différence entre un homme et une femme ? Que pensez-vous de la question du salaire ?
Ça dépend de quel point de vue... D’abord biologique, après social. Les hommes n’ont pas la même place. La société ne leur a pas attribué les mêmes rôles ou les mêmes tâches. Au niveau des salaires, il y a encore des aberrations. Heureusement qu’il y a de plus en plus d’égalité au niveau du salaire, mais ce n’est pas encore le cas partout. Même en Occident, et en France.

K : Pensez-vous qu’il y ait encore des inégalités ?
Oui, bien sûr ! Au niveau des salaires, professionnellement, ce n’est pas les mêmes dans toutes les entreprises. Dans le public, cette égalité est là. Un enseignant, qu’il soit homme ou femme, gagne le même salaire. Mais les inégalités sont plutôt au niveau des charges qui portent sur les femmes. Par exemple, elles peuvent difficilement cumuler un emploi et une maternité. Il n’y a pas de place pour elles ou alors, il faut qu’elles reviennent très rapidement. Il y a des choses difficiles à gérer par des aspects biologiques comme la maternité. Après, ça dépend comment les gens ont été élevés dans leur famille. Les inégalités sont surtout au niveau de l’éducation, ça perdure encore énormément dans des familles, et notamment nord-africaines et africaines, où on n’élève pas un petit garçon et une petite fille de la même manière.
L’inégalité démarre à la naissance, selon le sexe. Moi je suis née dans une famille où on ne fait pas de différence, j’ai été élevée de la même manière que mon frère.
Du coup, l’inégalité n’y était pas. Ça me permet de dire que je suis bien née, parce que je n’étais pas "handicapée" dès le départ à cause de ça.

K : Pour vous, c’est important, d’avoir des enfants ?
Important oui, fondamental, non. Ce n’est pas parce qu’on est une femme, qu’on doit absolument avoir des enfants. C’est déjà de plus en plus compliqué de trouver un père, et puis le faire n’importe comment, je trouve que c’est un peu n’importe quoi. Oui, c’est important, mais ça dépend aussi à quel âge. Personnellement, j’ai encore des tas de choses à faire avant. Je trouve que ce n’est pas une obligation, si j’en ai, c’est très bien, si je n’en ai pas, ce n’est pas grave. Et puis les femmes ou les gens qui disent que, en tant que femme, on est épanouie uniquement parce qu’on a un enfant, moi je dis que ce sont des foutaises. Bien sûr que non, il ne faut pas passer par la maternité pour être une femme épanouie. Ça change quelque chose dans la vie, très probablement. Mais non, l’épanouissement peut venir autrement, ça ne passe pas forcément par la maternité, c’est plus psychologique que biologique.

K : Il y a des femmes qui ne veulent pas avoir d’enfants dans leur jeunesse, ensuite, elles ressentent des remords...
Chaque femme est différente et puis moi, j’ai un âge où je ne m’affole pas non plus.
J’ai des choses à réaliser avant, ça attendra. Si ça vient, c’est bien, mais plus tard, c’est mieux, sinon, ce n’est pas grave.

K : Quelles sont vos ambitions en tant que femme ?
Elles sont personnelles, professionnelles. Mes ambitions sont plutôt au niveau professionnel. C’est par rapport aux études que j’ai faites, j’aimerais développer davantage mes projets professionnels. Et puis, j’ai d’autres objectifs et notamment celui de réaliser des choses dont j’ai envie. Des défis, par exemple sportifs. Après, c’est au niveau des valeurs, du relationnel...

K : Quelles sont les choses que vous avez voulu faire et que vous avez faites ?
Partir très loin, seule, en Afrique... Aller au bout d’une thèse, avoir fait des études et aller jusqu’au bout et sans l’aide de personne, en me débrouillant, notamment financièrement... Donc forcément, c’est une fierté à la fin, c’est une récompense en soi d’être arrivée, au terme de ça, après tant d’années. Et ça, ça a pris beaucoup de temps.

K : Dans votre foyer, qui d’après vous, a le plus de responsabilités, telles que l’éducation des enfants, les tâches domestiques...
Je vis seule. C’est donc moi qui ai les responsabilités. Sinon, j’ai vécu en couple longtemps, j’ai partagé ma vie avec quelqu’un pendant plusieurs années. Les responsabilités étaient partagées. Il y a des trucs qui te gonflent à faire et qui ne gênent pas l’autre, et vice versa. Après ça dépend, s’il y en a un qui travaille et l’autre pas, quand l’un est à la maison et l’autre pas, bref, il est hors de question que l’un ou l’autre se frappe tout ! C’est pénible, ce sont des choses pénibles à faire et bien, on répartit, à la limite, on les fait à deux, on s’y prend autrement. Il n’y a pas de raison que ce soit à une seule personne, et en l’occurrence aux femmes, de tout faire au niveau des tâches domestiques. Quant à l’éducation des enfants, je n’ai pas d’enfant mais elle sera partagée, forcément. Les responsabilités, il faut qu’elles soient partagées dans le couple, ça paraît évident. Ce n’est pas l’un qui s’occupe de la maison et des enfants, et l’autre, de ramener du fric. Je ne peux pas admettre ça. Je n’ai pas été habituée et puis le regard que je peux porter là-dessus... Enfin, je trouve ça aberrant.
Après, il y en a qui fonctionnent comme ça depuis des lustres et ça leur paraît normal.
Si ça ne les blesse pas, si ça ne les fait pas souffrir, je ne porte pas de jugement de valeur non plus...

Propos recueillis par Moufida Kerrouche, février 2005

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