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La revue du témoignage urbain

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La Viste de bas en haut

Sauver le commerce de proximité dans les quartiers.

Commerçante pendant près de douze ans dans le quinzième arrondissement, Ayette Boudelaa ne pouvait se résigner à voir progressivement disparaître le commerce de proximité dans son secteur. Devant la menace d’une marginalisation accrue de son quartier et de ses funestes conséquences, elle a cherché avant tout à fédérer les commerçants encore en activité afin d’en assurer leur défense et leur maintien au travers d’un maillage associatif. Avec l’aide du Fond d’Intervention de la Sauvegarde de l’Artisanat et du Commerce (FISAC), des sommes allouées par l’état, l’Europe et la ville permettent de redynamiser le commerce de proximité, c’est ainsi tout un pan de l’économie locale qui se voit renforcé. Diffuser des guides de l’offre commerciale locale par le biais du support papier ou de l’internet, faire connaître les services, impliquer et travailler en collaboration avec les CIQ dans le cadre de différentes initiatives vont dans le sens d’une même volonté d’interrompre le fatal déclin.


Koinai - Pouvez-vous vous présenter ?

Ayette Boudelaa - Je m’appelle Ayette Boudelaa, j’étais commerçante à Saint Louis, pendant près de douze ans et j’étais également présidente de cette fédération qui existe depuis plus de quatorze ans. Mon trésorier était le pharmacien de Saint-Louis. J’ai arrêté mon activité en début 2009, parce que la crise économique m’a touchée. Je tenais une boutique de prêt à porter haut de gamme. Mon trésorier à cette même époque, était en train, pour d’autres motifs que les miens, de vendre sa pharmacie. Donc, on avait notre fédération qui était en sommeil depuis quelques années, et on a souhaité la réactiver pour venir en aide aux commerçants, face à la recrudescence de rideaux tirés dans les quartiers. On a toujours été défenseurs du lien social au travers des commerces de proximité. Ça fait deux ans qu’on a réactivé cette fédération de commerçants. On a créé des associations de part et d’autre, celles qui étaient en sommeil on les a réactivées. A La Viste, particulièrement, elle existait, mais elle était en sommeil. On a donc réactivé cette association. En étant nous-même anciens commerçants, on a bien conscience que c’est pas évident pour des commerçants dont la priorité c’est la pérennité de leur affaire. Donc, très peu de disponibilité pour organiser des réunions, pour se retrouver régulièrement, débattre ensemble des problématiques qu’ils rencontrent.
Nous, on a réactivé cette fédération, on a modifié nos statuts. Aujourd’hui je suis Manager, donc salariée, j’ai également été nommée par la ville de Marseille agent FISAC.

K. - Qu’est-ce qu’un agent FISAC ?

A B. - Le FISAC, c’est le Fond d’Intervention de la Sauvegarde de l’Artisanat et du Commerce. Ce sont des fonds qui nous sont alloués par l’état, par l’Europe et par la ville, pour redynamiser le commerce de proximité. Avec plusieurs actions, dont une qui n’est pas des moindres et dont bénéficiaient certains commerçants aussi sur La Viste, puisqu’ils font partie du périmètre géographique qui nous a été alloué, aide à la rénovation des commerces, intérieur, extérieur, avec une subvention de 80 %. Donc, on est en plein FISAC actuellement, mais d’autres actions sont prévues également, c’est un gros budget. On a créé le premier guide de l’offre commerciale en 2009 où on a référencé l’offre sur les dix quartiers, à l’époque concernés. Il faut savoir qu’aujourd’hui on a douze associations, et on fédère dix-huit quartiers.

K. - C’est important ?

A B. - Oui, entre quatre cents et quatre cent cinquante commerçants en bénéficient. Et on va créer un deuxième guide cette année, pour étoffer au mieux l’offre commerciale du quinze et seize, puisque nous avons d’autres quartiers, récemment, que nous fédérons, et deux autres associations nouvelles. Ce guide sera distribué dans les centres sociaux, dans les mairies, dans les points publics et bien entendu dans les commerces, à destination de la population, pour faire découvrir l’offre commerciale existante dans chaque quartier. Ça, c’est un autre point d’action FISAC. Une autre action FISAC, c’est la création d’un guide d’offre commerciale à destination des entreprises en zones franches, où les commerçants qui souhaitent en bénéficier pourront mettre dans ce guide leurs propositions d’offres commerciales. A savoir de la livraison, de la prestation à domicile, etc. Tout ça justement, pour que l’on puisse bénéficier des services de ces zones franches. Il faut savoir que dans tout le quinze, seize, au travers des zones franches, il y a vingt mille employés. Aujourd’hui, on a un partenariat avec les présidents d’EZF et d’Arnavant, qui ont comme adhérents tout le quatorzième, quinzième et seizième arrondissement, la zone franche sud et zone franche nord, et au total, trente sept mille employés. Pour l’histoire, les zones franches, quand on les a mises en place, c’était pour permettre d’une part, l’accès à l’emploi aux demandeurs d’emploi de ces quartiers, avec un certain quota bien entendu. Apparemment il a été respecté, puisqu’on s’est penché sur les chiffres. La partie qui n’a pas été respectée c’est la consommation dans nos quartiers auprès de nos commerces de proximité. C’est ce pourquoi ils s’étaient engagé, ça par contre, ça n’a pas été respecté. Et donc, au travers de ce FISAC, on va y remédier en proposant, pour les commerçants qui le souhaitent d’être répertorié. Si un boulanger peut proposer de la viennoiserie pour les petits déjeuners entreprise le matin, en les livrant, eh bien il pourra proposer cette prestation. Une coiffeuse peut proposer entre midi et deux de coiffer à l’intérieur de l’entreprise ou de la société. Une esthéticienne pareil, et ainsi de suite. Tout ça, pour les aider à mieux se développer. Il y a différentes actions, mais je vous donne les trois grosses actions qui sont prévues au-delà de la rénovation des commerces. Création d’un site web de la Fédération des Commerçants des Artisans du quinze et seize, où il y aura plusieurs entrées. Première entrée, bien entendu à destination de chaque noyau commerçant, autrement dit, les commerçants pourront mettre en ligne leurs produits, leurs promotions, leurs offres, etc.

K. - Quelque soit le commerce ?

A B. - Quelque soit le commerce, ce sera soit par activité, soit par quartier, on y réfléchit. Donc avec une entrée accessible aux commerçants pour qu’ils puissent animer ce site, une autre entrée qui sera destinée aux CIQ des habitants, parce qu’on est vraiment dans la démarche de se fédérer, de fédérer toutes les structures existantes sur chaque noyau, chaque quartier, pour qu’il y ait davantage de communication entre tous. Donc, les CIQ représentatifs des habitants pourront l’alimenter, auront leur entrée, pour informer les travaux urbains de rénovation, etc, qui sont prévus dans leur quartier, ou ne serait-ce que pour faire part de leurs problématiques pour obtenir ces travaux, par exemple à destination des centres sociaux, des associations, qui pourront mettre en ligne régulièrement leurs événements, qu’ils soit sportifs, culturels, festifs ou autres. Et avec une grosse campagne de communication, puisqu’il est prévu la mise en place de panneaux quatre par trois, sur les routes. Il est aussi prévu de diffuser auprès des entreprises, auprès des espaces publics, et dans les boites aux lettres, pour faire connaître le site, afin que les habitants de ce quartier s’habituent à consulter régulièrement pour le faire vivre, pour savoir quelles sont les services qu’ils peuvent avoir dans leur quartier, quels sont les événements festifs qui sont prévus, quelles sont les associations qui proposent telle ou telle activité sportive par exemple, se rapprocher des CIQ lorsqu’ils ont un problème, etc. Donc, c’est un gros travail et c’est prévu aussi pour cette année.

K. - Donc c’est très axé sur la communication, l’information...

A B. - Tout à fait, la communication entre tous. Parce que vous savez, en tant qu’anciens commerçants on a vraiment pris conscience qu’il n’y avait pas de communication, particulièrement entre les commerçants et les représentants des habitants, les CIQ, les MMA, les Centres Sociaux... Et lorsque l’on a réactivé cette fédération, on a eu comme mot d’ordre d’inclure au niveau statutaire, dans chaque quartier, les présidents de CIQ. C’est à dire que dans chaque quartier, le président CIQ fait partie du conseil d’administration de l’association de commerçants de ce quartier. De même qu’au sein de la fédération dans nos statuts on a inclus les deux présidents de fédération CIQ. Celui qui représente le quinzième et celui qui représente le seizième.

K. - C’est quelque chose de rare ?

A B. - Ça n’a jamais été fait, pas à notre connaissance, en tout cas. Et effectivement, en deux ans, on a pris conscience que dans les quartiers il y a davantage de communication entre eux, d’une part parce que systématiquement tous les trois mois nous avons une réunion dans ce quartier, avec nos commerçants, et bien évidemment avec le président du CIQ. Donc il y a des échanges sur des problématiques diverses et variées, parce que bien entendu la problématique des commerçants ne rejoint pas forcément celle du CIQ. Et également, il y a davantage de solidarité, ça c’est ce qui nous est ressorti avec du recul, au terme de la deuxième année. J’en veux pour preuve qu’entre les commerçants et les CIQ, il y avait une certaine animosité presque, j’allais dire, dans la mesure où les commerçants reprochaient au CIQ de ne pas les informer, lorsqu’il y avait une animation, une fête ou une réunion publique, etc. Chose pour lesquelles les CIQ se défendent bien. Et vice-versa, lorsque les CIQ organisaient par exemple, un vide grenier, un loto, ils disaient que les commerçants étaient cantonnés dans leurs tiroirs-caisse, ne s’en préoccupaient pas et qu’ils n’étaient pas généreux. Or, depuis qu’ils font partie de leur conseil d’administration, il y a plus de générosité, le CIQ n’hésite plus à aller vers le commerçant pour le solliciter, ne serait-ce que pour de l’affichage, communication et autre, etc. Donc, c’est vraiment du gagnant-gagnant.

K. - Ça a permis de débloquer des situations ?

A B. - Tout à fait, et j’allais dire, même au delà de ça, lorsqu’au cours des réunions, le CIQ nous fait part d’un problème, que ce soit d’insécurité, que ce soit d’un problème d’hygiène etc, l’information passe bien. Et si le commerçant a une problématique, bien souvent on s’aperçoit que le président de CIQ dit "La fédération va faire un courrier, moi je vais appuyer de mon côté, je vais en faire un autre." , parce que c’est vrai qu’ils ont du poids au niveau des institutions. Donc voyez, c’est vraiment du gagnant-gagnant, il y a beaucoup plus de coordination en cas de besoins, de problèmes, de mobilisation aussi pour se faire entendre, c’est important.

K. - Toutes ces actions sont finalement des réponses à des problématiques spécifiques des quartiers Nord ?

A B. - Non, ça peut être le cas dans d’autres quartiers. Pas forcément pour répondre à la problématique, la réelle problématique que nous avions constaté c’est qu’en qualité de commerçants, jusqu’à il y a quelques temps on payait une taxe professionnelle, dont une partie était reversée à la chambre de commerce. Et on a pris conscience qu’effectivement, depuis plus de dix ans la chambre de commerce était totalement absente de nos quartiers, n’organisait rien pour nous, ne venait pas nous voir pour connaître nos problématiques. Malgré le fait que même si il y avait très peu d’associations, je le reconnais, aujourd’hui il y en a davantage parce qu’on est là pour les défendre, mais je prends l’exemple de Saint-Louis où j’étais très investie, on ne les voyait pas arriver. Lorsqu’on téléphonait à la chambre de commerce... vous savez quand vous parlez en votre nom, vous n’êtes pas entendu, par contre quand vous parlez au nom d’un groupe, vous avez plus de poids. Donc quand on a réactivé la fédération, on s’est dit, on va dénoncer tout ça. Et c’est ce qu’on a fait toute la première année. C’est à dire, on a été dans le bureau du maire et on a dit "maintenant, ça suffit, vous nous avez totalement délaissés". On a organisé une réunion publique, on a été jusqu’à monter un Powerpoint pour montrer visuellement, autour d’une réunion publique, l’état de délabrement de certains quartiers, notamment à La Viste où il y avait pas mal de commerces fermés. Et donc, face à la réalité, ils n’ont pu que répondre à notre demande, et c’est vrai que c’est à partir de là qu’on a pu obtenir ce FISAC. On a également organisé des réunions pour dénoncer l’absence de la chambre de commerce, pour dénoncer le dysfonctionnement du RSI, URSSAF, etc, sur des charges sociales, parce qu’il y avait un problème quand ils ont fusionné en 2008. J’en ai fait les frais aussi, au travers de mon commerce. Il y a eu un problème de logiciel incompatible entre l’URSSAF et le RSI, et des commerçants qui se sont vu totalement en détresse, qui ont vu du jour au lendemain leurs charges doubler où multipliées par trois, sur leurs prélèvements mensuels.

K. - Ce sont les commerçants qui en ont fait les frais de ce problème ?

A B. - Ils en ont fait les frais, tout à fait. Et en menant une enquête sur l’état des lieux, dans tous les quartiers, une enquête anonyme auprès des commerçants, pour qu’ils puissent se livrer à nous facilement, beaucoup ont envisagé de fermer à cause de ce problème de charges sociales trop lourdes pour eux. Donc effectivement on avait organisé une réunion publique, où on a fait venir les médias, les techniciens et les élus du RSI n’ont fait que conforter la problématique en nous précisant qu’il y avait eu un bug au niveau informatique, au niveau des logiciels. Ce n’est pas totalement réglé, mais l’avantage aujourd’hui c’est que nous avons des interlocuteurs directs lorsque nous avons un problème qui nous est soumis par un commerçant. Donc, là maintenant on a mis en place une journée de permanence le lundi comme je vous le disais, où on reçoit les commerçants, s’ils ont un problème ils nous donnent leur numéro de sociétaire, j’envoie immédiatement un mail à la personne référante responsable qui va me répondre. Et ça va beaucoup mieux au niveau des communications, même au niveau des institutions, puisqu’ils ont une structure qui défend l’ensemble du quinze, seize, qui est référante, donc voilà. J’ai également été nommée il y a plus d’un an par le préfet de Police, référante, pour intervenir et faire la passerelle entre le commissariat de l’arrondissement concerné, les responsables de police du commissariat de l’arrondissement concerné et les commerçants. Donc, j’ai remis aux commerçants dans tout le quinze et seize une note d’information qu’ils doivent cacher sous leur caisse et lorsqu’ils ont une problématique ou une situation suspicieuse, ils m’appellent. Ils me font état des faits et moi, j’ai le numéro de portable du responsable de l’arrondissement concerné, en l’occurrence le quinzième et le seizième. Et ça va beaucoup plus vite, plutôt que ce qu’ils faisaient avant, à savoir ils appelaient le dix-sept, et quand ils venaient, c’était deux ou trois heures après. Donc là, dans les dix minutes, un quart d’heure qui suit, ils ont déjà une patrouille qui arrive.

K. - En cas d’urgence ?

A B. - Pour des problèmes de sécurité, voilà. S’ils ont un soucis, ne serait-ce qu’une agression verbale ou physique avec un client mécontent, s’il se passe quelque chose, même devant leur boutique, ils me préviennent.

K. - Comment expliquez-vous votre motivation particulière, les actions dans lesquelles aujourd’hui vous vous impliquez ?

A B. - En fait le bouton déclencheur a été mon travail de manager de commerce, puisque je suis amenée justement à être très souvent sur le terrain, à organiser des animations pour redynamiser l’offre commerciale dans les quartiers et c’est à ces occasions-là, que j’ai été très sensible à la détresse des populations dans certains quartiers populaires, qui se disent vouées à l’échec. Donc il y a eu un gros travail de réflexion de ma part, et en Novembre 2010, donc c’est tout à fait récent, on a créé une association qui s’appelle "Mixité de France en Action", qui a pour principal objet de rapprocher, de créer une passerelle entre les différents acteurs, pas forcément sur le quinze, seize, puisque c’est pour toute la région. Je me sers de ma casquette de manager, du fait que j’ai énormément de contacts autour des entreprises en zone franche, qui me donnent de la crédibilité pour le travail qu’ils me reconnaissent. Et on œuvre pour l’insertion, pour l’accès à l’emploi, pour les jeunes entre autre, on œuvre également pour rassembler des associations, pour créer ce lien entre les différentes associations qui travaillent côte à côte comme je vous le disais, mais pas forcément ensemble. Et on se rapproche des institutions, pour donner davantage de visibilité aux acteurs sociaux très dynamiques, auprès de ces institutions d’une part, mais également pour interpeller ces institutions face aux problématiques que l’ont découvre dans les quartiers. Donc, notre cheval de bataille c’est justement d’arrivé à recréer, c’est pas utopique, je sais qu’on pourra y arriver avec le temps, et si tout le monde joue le jeu, au niveau des acteurs sociaux, on arrivera à recréer le lien intergénérationnel qui manque dans les quartiers. Donc le slogan de la MFA, donc "Mixité de France en Action", c’est "Prenez votre destin en main et la MFA vous soutient." Voilà, j’ai essayé de résumer au mieux, à quoi sert cette association, où ce sont pour la plupart des gens actifs comme moi, qui sont cadres, chimistes, pharmaciens, différents acteurs bénévoles en tout cas, qui souhaitent œuvrer, issus de différentes origines, ça je ne l’ai pas précisé, puisqu’au sein de notre conseil d’administration vous avez tout un panel ethnique : maghrébins, comoriens, italiens, espagnols, juifs etc, qui tous ensemble veulent œuvrer vraiment pour un "bien vivre ensemble" dans notre ville, face à tout ce que subissent les uns et les autres, au travers de leurs origines. On lutte contre l’exclusion, on lutte également contre toutes les discriminations qu’elles soient sociales, ethniques, ou autre. Alors c’est vrai que pour ma part, j’accentue nos actions sur l’accès à l’emploi, parce que je reste persuadée que l’argent c’est le nerf de la paix. Vous prenez notre territoire du quinze, seize, il y a énormément de chômeurs... et ça n’est pas incompatible avec mon statut de manager, puisque si on arrive à les insérer, à leur remettre le pied à l’étrier dans le monde du travail, auprès d’entreprises qui s’engagent à ne pas faire de discriminations, ça permettra aux commerçants de mieux vendre leur pain, par exemple, et puis de travailler plus sereinement qu’aujourd’hui. Et donc je vous l’ai dit, je me rapproche du fait d’avoir différents partenariats avec les entreprises en zone franche, aujourd’hui, certaines de ces entreprises face au dysfonctionnement de Pôle Emploi et des Missions Locales, auxquelles les jeunes ne croient plus, et ne veulent plus se tourner vers eux pour demander du travail, je saisis l’opportunité d’avoir ces contacts avec ces entreprises qui me transmettent des offres d’emploi, des offres de stage en alternance. Parce que là également, pour ceux qui poussent leurs études et qui se battent pour arriver à réussir leurs études et ont un obstacle, parce que quand ils ont un stage en alternance, l’employeur il doit mettre la main à la poche, parce qu’il a une part salariale à reverser à l’étudiant, donc ils essuient régulièrement des refus. Aujourd’hui, on a l’opportunité au travers de certaines entreprises que l’on nous transmette des contrats d’apprentissages sur vingt-quatre mois, des stages en alternance qui permettront à ces jeunes de valider leurs diplômes, donc on œuvre dans ce sens. Et de plus en plus je vous dis les offres d’emploi qui nous parviennent régulièrement, ou on se charge de passer par des structures dynamiques, qui encadrent les jeunes, y compris l’ADDAP, je ne sais pas si vous connaissez l’ADDAP 13 où il y a des éducateurs qui accompagnent les jeunes, ils font un très gros travail, un très bon travail. On se tourne vers eux et on leur amène sur un plateau ces offres d’emploi, pour aider nos jeunes et nos moins jeunes. Parce que je dis nos jeunes c’est systématique, mais il n’y a pas que les jeunes qui sont demandeurs d’emploi. Il y a des personnes qui sont un peu discriminées face à leur âge, qui ont quarante et cinquante ans, qui n’arrivent pas à retrouver du travail, donc on essaye de s’entourer d’entreprises qui sont prêtes à les embaucher, et dès que nous avons des opportunités, on diffuse au maximum pour les aider à rentrer dans le monde du travail, à retrouver un travail en tout cas, voilà.

K. - Il y a aussi une discrimination dont on me parlait récemment, le fait d’habiter dans les quartiers nord peut sur un CV, desservir le candidat.

A B. - Tout à fait. Alors je vais vous donner un exemple concret d’un jeune qui est très diplômé et je vous le dis, ça a été vraiment le bouton déclencheur, cette population avec laquelle je discute sur le terrain... Il me disait qu’il avait tellement galéré pour trouver du travail qu’il a dû se faire domicilier chez sa soeur à Sainte-Marguerite, malgré les diplômes qualifiants qu’il avait. Et qu’à partir du moment où il était pseudo résident à Sainte Marguerite, eh bien il a trouvé du travail. Et ça n’était ni un arabe, ni un black, c’était un européen.

K. - C’était un frein à l’embauche.

A B. - Voilà, tout à fait. Et puis, même, j’allais terminer en vous disant que la plupart des jeunes, il ne faut pas oublier une chose, moi j’ai cinquante ans, je suis d’origine maghrébine, je suis née à Marseille, j’ai très bien vécu mon enfance, je n’ai jamais été discriminée. J’ai vécu dans une copropriété où il faisait bon vivre, autour de différentes origines. Aujourd’hui on a un réel problème de discrimination ethnique, c’est la réalité. Et il faut se poser la question, la fracture que l’on a avec ces jeunes, donc je parlais du lien intergénérationnel, mais la fracture que l’on a avec ces jeunes, ils sont en perte d’identité, ils sont français, mais ne sont pas considérés comme tel. Qu’ils soient comoriens, qu’ils soient maghrébins, quelque soit leur origine, ils ne se sentent pas français à part entière. Ils le sont sur leurs papiers, ils sont nés en France, mais on ne leur donne pas le titre de français, et ça c’est grave. On est conscient avec mon équipe que l’on a du pain sur la planche, pour arriver à leur faire reprendre confiance en eux, et à leur dire de cesser toutes les incivilités dont ils sont acteurs, parce que ça ne résoudra pas le problème, ça c’est clair. Et je reste persuadée qu’en voulant... enfin, pour leur passer ce message, en oeuvrant pour eux, on arrivera à leur transmettre ce message, qui eux à leur tour, transmettront aux autres. Et ça fera boule de neige. En tout cas, il faut qu’on se batte, mais tous ensemble.

K. - Est-ce que vous avez vu une évolution dans le quartier ? Que ce soit au niveau des commerces, de la population ?

A B. - Une évolution positive oui, depuis notamment qu’il y a ce projet, donc la concrétisation de cette résidence, à côté de la Poste. Ça c’est un plus pour le quartier. Il y a un projet immobilier qui est en train de voir le jour, je pense que ça va aller assez vite, peut-être en 2013 ce sera fait, c’est un peu plus haut. Il est prévu une grosse surface, donc il y a une partie résidentielle, une construction d’appartements sur l’autre coté, un petit lotissement de villas, et sur le rez-de-chaussée, des commerciaux. Ça va redonner du souffle à La Viste, ceci dit il y a une problématique, c’est le réel besoin d’avoir une banque, c’est ce qui ressort souvent. Une banque ou un DAB, pour que les habitants puissent retirer de l’argent et consommer sur place. C’est sûr que les commerçants ça leur fait du tort, dans la mesure où tous les trois mois on y a droit, ils veulent absolument avoir au moins un distributeur, parce que bien entendu quand on va retirer de l’argent à Saint-Louis, on a le tabac à côté, la boulangerie à côté, donc on retire de l’argent et on fait nos courses sur place. De ce point de vue, on a interpellé certaines banques, j’étais notamment avec la responsable de partenariat hier de la caisse d’épargne, qui m’a dit qu’une étude peut être faite.

K. - Est-ce qu’on vous oppose des questions de sécurité ?

A B. - Non. Non, non, du tout. Pas pour ce quartier. Je peux vous nommer des quartiers où effectivement, en matière d’insécurité ça poserait probléme qu’une banque vienne s’installer, mais certainement pas à La Viste. Alors, après, vous savez, ils nous sortent souvent le prétexte de la proximité des banques environnantes, à savoir sur Saint-Louis et sur Saint-Antoine, on a de cesse de leur dire qu’aujourd’hui à La Viste, il y a une population très importante. La Société Générale à Saint-Antoine était prête à s’investir sur l’installation d’un équipement de DAB, mais ils ne voulaient pas payer de loyer. Bien sûr, c’est là où ça coince. Le propriétaire du bar-tabac de La Viste, s’est même proposé de rétrocéder une partie de sa surface de tabac, à un endroit précis qui donne sur la rue, pour installer ce DAB. La surface convenait, tout convenait, là où on n’a pas pu obtenir, donc par le biais de cette solution l’installation de ce DAB, c’est parce que pour des raisons de sécurité, les agents qui viennent entretenir le DAB doivent avoir une entrée individuelle. Et là, bien évidemment ce n’était pas possible, il fallait rentrer par le tabac.

K. - Est-ce que les gens se rencontrent, entre le 38, le 74 et le plateau ?

A B. - Je n’ai pas l’impression. J’ai l’impression que chacun reste dans son territoire. Je pense notamment au 38 de La Viste. Alors, quand je vous disais que ça se passait bien, je parlais de La Viste en général et surtout de l’avenue de La Viste, au sens propre. Maintenant, quand vous dites les gens ne communiquent pas entre eux, le 38 de La Viste reste le 38 de La Viste, c’est à la limite, presque une communauté. Et ça, c’est déplorable, parce que je connais des habitants du 38 de La Viste qui se disent avoir ce sentiment d’insécurité. La police, je leur en ai parlé, effectivement ils m’ont fait comprendre qu’ils sont mal venus quand ils viennent ici. J’ai assisté à un phénomène le jour d’une réunion, la veille toutes les voitures qui sont garées sur ce parking avaient été vandalisées, toutes, sans exception. Donc moi, j’arrive le lendemain à midi trente, on avait une réunion ici, avec nos commerçants, en plus nos commerçants n’étaient pas friands de venir faire la réunion ici, ça c’était leur sentiment... Et j’ai été fort étonnée quand je suis arrivée et que j’ai vu tous les pneus crevés des voitures. Quelques voitures avaient reçu des pierres, il y en avait une qui avait le pare-brise fêlé. Donc, j’arrive à l’entrée et il y avait une habitante qui disait "C’est inadmissible, on sait plus comment faire ! C’est du vandalisme gratuit ! C’est de la méchanceté gratuite ! Ils sont bêtes, je comprends pas pourquoi ils font ça !..." J’en a parlé avec le directeur du centre social, Mounir et avec Malika, et effectivement je n’ai pas trouvé ça normal. En partant d’ici, j’ai appelé le commandant Gilles, et je lui ai dit "Qu’est-ce qui se passe ?" Et donc, c’est comme ça que j’ai compris qu’effectivement, même la police quand elle venait, elle était un peu caillassée. Ça, c’est pour le 38 de La Viste. Après, pour l’avenue de La Viste en elle-même, non, je n’ai pas ce sentiment, pas du tout. Et c’est bizarre parce que c’est au sein d’un même territoire, d’un même quartier, et ce sont deux mondes totalement différents.

K. - Est-ce que c’est la police en tant que représentante de l’autorité ou alors c’est le fait que ce soit des personnes étrangères au quartier ?

A B. - Représentante de l’autorité. De tout façon ce phénomène je vais vous dire, il ne faut pas se voiler la face, on le subit de plus en plus et dans tous nos quartiers. C’est clair, je veux dire j’ai sans arrêt des appels... Encore hier, c’était à la Solidarité, le pharmacien qui m’annonce qu’il s’en va et qui me dit "Moi ça fait huit ans que j’exerce ici, mais là je suis arrivé à saturation." Vendredi, c’était le seul médecin qui restait dans tout le quartier de la Solidarité, qui avait été agressé et envoyé à l’hôpital en sortant de son cabinet.

K. - Pourtant, ils ne représentent pas une autorité.

A B. - Non, mais justement, ils se sentent plus en sécurité, parce que moi je fais mon travail de référent, donc je fais remonter régulièrement les informations. Et ils me disaient que la police était venue et que même la police avait eu droit à du caillassage, donc ça c’était hier matin. Donc j’appelle sans arrêt le commandant en lui disant "Ecoutez, il faut qu’il y ait de la présence policière." Mais voilà, c’est une réalité, je veux dire à Kallisté c’est pareil, les cinq commerçants de Kallisté, ils n’en peuvent plus. Les habitants vivent vraiment dans un sentiment plus que d’insécurité, de crainte de représailles, ils voient des choses, ils ne disent rien, et la police quand elle y va, elle sait que ça va mal se passer. Donc à un certain moment, ils n’y allaient plus. Et moi, à force d’acharnement de les appeler et de leur dire "écoutez, allez faire un tour, ils se passent des choses, etc." Bon, quand ils me rappelaient pour me rendre un peu des comptes, ils me disaient "Oui, oui on y est allé", mais bon, je savais par mes commerçants que ça ne s’était pas trop bien passé, et qu’ils avaient été mal accueillis. C’est la présence de l’autorité qui gène. Ce sont des endroits où il y a des zones de non droits. Il n’y a plus la crainte de l’uniforme, et ce qui est de plus en plus à déplorer, c’est que maintenant, ce sont des jeunes de plus en plus jeunes. Parce que généralement, ce qu’on me dit c’est "ils ont douze, treize, quinze ans au grand maximum." C’est des incivilités... Ils n’ont même plus peur de leur parents, j’ai l’impression que leur parents démissionnent.

K. - Est-ce que c’est problématique aussi à La Viste ?

A B. - Alors c’est pas aussi accentué que dans les quartiers que je vous décris, comme la Solidarité, La Savine ou Kalliste, par contre au niveau du 38... Ça va en se dégradant.

K. - Et du coup ça reste isolé par rapport au 74, au plateau... ?

A B. - Tout à fait.

K. - Le plateau est plus caractérisé par des lotissements ou des villas ?

A B. - Voilà, c’est plus résidentiel on va dire. Mais La Viste ça reste vraiment un quartier à part, communautaire... Nous qui sommes des fervents de la communication, de renforcer ce lien intergénérationnel, parce qu’en fait c’est là où le bât blesse, c’est que vraiment il y a une fracture entre les générations de nos anciens et les jeunes d’aujourd’hui. Nos anciens incriminent les jeunes parce qu’ils ne les comprennent pas, les jeunes les voient comme des fascistes, parce qu’ils les comprennent pas, justement, voilà.
Moi, je reste persuadé qu’on a un gros effort, en matière de citoyenneté à faire, pour arriver à renforcer ces maillons de la chaîne manquants, organiser davantage de regroupements festifs. Mais de regroupements festifs qui intéressent autant les anciens que les jeunes. Faire un mixage de tout ça. Je reste persuadé que c’est un gros gros manque.

K. - Il n’y a pas tellement d’occasions de rencontres, de fêtes ?

A B. - Non, même si il y a des rencontres, il y a un manque de communication. Donc, quand je vous parlais de ce site internet, c’est mûrement réfléchit. Il y a un manque de communication entre les associations sportives, culturelles, et les autres associations qui oeuvrent pour le troisième âge, etc. Ils travaillent côte à côte, mais pas ensemble. Alors que bon, le statut associatif il faut travailler ensemble sans concurrence. Qu’il y ait de la concurrence au niveau du commerce, c’est normal, à la limite c’est bien, mais pas au niveau associatif. On est tous à la même enseigne. Il y a du boulot pour tout le monde. La personne responsable d’une association va organiser ou planifier des événements pour le troisième âge, l’autre pour le foot, l’autre pour le basket... Et ce qui manque c’est qu’il y ait des événements où tous seraient en scène. Et là, ça donnerait la possibilité aux différents acteurs, de communiquer entre eux d’une part, parce qu’après tout ce sont eux les leaders, ce sont eux qui organisent ces festivités et puis d’autre part d’être porte-parole de leurs adhérents, pour qu’il y ait davantage de rapprochement entre toutes les générations. Vous allez me prendre pour une martienne, mais c’est vraiment... Je vous ai donné juste l’exemple des commerçants avec les représentants de CIQ, je veux dire aujourd’hui, on voit vraiment le changement de comportement, de mentalité, autant de la part des commerçants que de la part du président de CIQ. Lorsqu’un CIQ annonce en pleine réunion qu’il s’est battu et qu’il a réussi à obtenir un parking, eh ben c’est un plus pour le commerçant aussi, parce que ça veut dire davantage d’habitants qui vont venir faire leurs courses chez eux, parce qu’il va y avoir un parking. Je donne un exemple. Et vice versa, tout le monde est gagnant. Tout à fait.

K. - Une dernière question sur le quartier, qu’est-ce que vous aimez dans ce quartier ? Qu’est-ce que vous aimeriez voir changer ?

A B. - Alors, ce que j’aime c’est la convivialité des commerces rapprochés, notamment sur le plateau. J’y viens volontiers, les commerçants communiquent entre eux, ils sont vraiment proches les uns des autres. Ce que j’aime moins, c’est le bas de La Viste qui est un peu moribond, et en l’occurrence le 38 qui est complètement dissocié. Je ne trouve pas normal qu’ils ne se mélangent pas. Je veux dire, quand on parle à un habitant du 38 "Vous habitez où ?", "J’habite La Viste", mais La Viste c’est vaste. Pourquoi cette fracture ?

K. - C’est justement le sens du projet de jardin partagé au parc d’Hanoi... !

A B. - Oui. Moi je trouve que c’est une très bonne initiative, un très beau projet.

K. - Vous connaissiez le parc d’Hanoi ?

A B. - Non, alors moi j’en ai entendu vaguement parler et puis j’ai voulu un peu mieux me renseigner sur le projet en lui-même. Ça peut être une opportunité je pense, pour qu’il y ait davantage de rencontres intergénérationnelles, celles dont je parlais tout à l’heure. Alors après, au niveau des équipements, des ateliers, etc, ça peut être une opportunité aussi pour que justement les acteurs sociaux organisent dans ce jardin partagé, pourquoi pas des rencontres, qu’elles soient écologiques, festives, qu’elles soient pas sportives, mais en tout cas, ça peut être une opportunité. Moi, comme je le vois en tout cas. Et même, un quartier comme La Viste qui n’a pas d’infrastructures valorisantes, ça peut être un plus pour donner envie à ceux justement qui sont en train d’acquérir de nouvelles résidences, à ceux qui sont en train de s’installer, parce qu’il y a le projet de l’extension d’Euromed, en ayant des endroits aussi sympas, aussi beaux et verdoyants que ça, pour leur donner davantage envie de venir vers nous.

K. - De manière générale, est-ce que vous pensez qu’il y a assez d’espace verts ?

A B. - Non, justement.

K. - Je crois que dans le quartier, le seul grand parc est le parc Brégante ?

A B. - C’est ça. Et il est excentré. Et puis aujourd’hui, le fait d’avoir des mariages qui viennent régulièrement toutes les semaines, ben il est plus fréquenté par les jeunes, on va dire. Et qui dit forcément les jeunes, dit pas forcément les personnes du deuxième, voir du troisième âge. Donc ça leur appartient et c’est pour ça qu’il est pas plus fréquenté que ça. Le jardin partagé il n’est pas prévu pour recevoir des événements festifs, tel que des photos pour un mariage, ou autre, je pense pas. Donc des jeux d’enfants, oui. Ils en ont besoin les enfants. Parce que, que voulez-vous que fassent les parents en sortant leurs enfants, sur du béton ? Il n’y a rien. Une maman qui a un petit bébé, qui a envie de lui faire prendre le soleil pendant dans les beaux jours, je la vois mal se balader dans le quartier. Ou alors, elle le fait parce qu’elle sait pas où aller, qu’elle n’a pas de moyen de locomotion et parce qu’il y a pas de verdure. Mais c’est du béton, faut pas se voiler la face. Y’a pas de verdure, y’a rien.

K. - Donc là, ce serait une occasion...

A B. - Ah oui. C’est clair.

K. - Quel type d’aménagements souhaiteriez-vous ?

A B. - Des ateliers. Là, encore une fois il faut pas que ce soit essentiellement des ateliers destinés aux jeunes, parce que c’est encore leur permettre de s’approprier un endroit où pas forcément on arrivera à organiser des choses avec les structures associatives, qui oeuvrent pour les personnes un peu plus âgées. Il faut aller davantage vers des activités qui peuvent autant intéresser les jeunes, que les personnes du deuxième, voir du troisième âge, ça c’est évident. Il faudrait également aménager des coins ombragés, pour que les personnes âgées qui ne supportent pas le soleil puissent s’y installer aisément. Beaucoup d’éclairage sur le parc, par contre, il faut pas qu’il soit sombre, parce que l’hiver il fait nuit très tôt. Quand les personnes vont se promener, elles vont faire en sorte de vite repartir de là-bas vers quatre heures de l’après-midi, si à cinq heures il fait déjà nuit. De la verdure, de la verdure, de la verdure, ça c’est sûr, il en faut. Ils en ont pas, ici.

K. - C’est quelque chose qui ressort... y a-t-il des échos de ce manque ?

A B. - Oui. Parce que quand ils en parlent, même les citadins qui sont comme moi, nés à Marseille... Moi, la première c’est mon sentiment, il y a un manque de verdure. Quand j’étais petite, j’avais des parcs où on pouvait aller s’amuser, il y avait les fameux arroseurs à l’époque qui arrosait les pelouses. J’ai ces souvenirs ancrés en moi. Il y avait des arbres, on sentait l’odeur du pin. Y’a plus tout ça. Après, les élus vont vous dire on n’a pas de budget. Ecoutez, posez-vous la question. Tout ce qui se passe aujourd’hui, c’est ça plus ça, plus ça, plus ça, qui fait que les gens ne se retrouvent plus, qu’il y a plus de communication, qu’il y a un dysfonctionnement entre les jeunes et les plus anciens, et que forcément il va arriver un moment où ça va péter. Il faut leur donner les moyens de leur donner envie de rester dans leur quartier.

K. - C’est vrai que le cadre est important...

A B. - Bien sûr. Ça joue sur le moral, ça joue sur tout. Et même si on est en période de crise ça joue aussi sur le pouvoir d’achat, quelque part. On n’a pas le moral, on n’a pas envie de sortir, on n’a pas où aller. Si on avait un cadre de vie plus attrayant, les gens auraient envie de se balader, de s’acheter une glace, de flâner dans leur quartier tout simplement. Mais ça a disparu tout ça.

K. - Un peu en guise de conclusion pour mieux vivre ensemble à La Viste, de façon un peu utopique, qu’est-ce que vous diriez, quels seraient vos souhaits, votre vision... ?

A B. - Davantage d’infrastructures qui rapprocheraient les gens, les acteurs sociaux, pour faire en sorte que ces acteurs sociaux communiquent davantage ensemble. Ça, c’est pour la partie générale, ensuite pour la partie secteur, permettre je sais pas... auprès d’un projet en rue par exemple, de rénover totalement ce quartier du 38 de La Viste et trouver des solutions pour qu’il n’y ait plus de fractures entre ces gens-là et ceux qui habitent à La Viste, dans de meilleures conditions de vies. Ça c’est une évidence.

Et je conclurais en disant, beaucoup plus de verdure, tout simplement, pour leur remonter le moral, et pour mieux vivre ensemble. On peut s’arrêter, s’extasier devant une fleur que l’on voit pousser, devant un arbre que l’on voit grandir, une odeur agréable. Ça rendrait peut-être les gens meilleurs, finalement.

K. - C’est une belle conclusion. Merci.

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