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La grande histoire des petits jardins - Vis ma ville - La Viste de bas en haut - La revue du témoignage urbain

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La grande histoire des petits jardins

Président de l’association pour la défense des locataires du 38 La Viste, Azouz Chinoune, n’en est pas à son premier jardinage... C’était dans les années quatre vingt à Grenoble où il a vécu avec bonheur l’aventure d’un jardin partagé entre les enfants, les seniors et les autres. Pour que son histoire se répète, pour donner aux habitants de La Viste l’envie de tenter l’expérience du côté du Parc d’Hanoi, il raconte sa merveilleuse aventure.


Koinai - Est-ce que vous voulez bien vous présenter ?

Azouz Chinoune - Moi c’est simple, je suis monsieur Azouz Chinoune, actuellement je suis président de l’association pour la défense des locataires, habitant du 38 La Viste, depuis plus de vingt ans.

K. - Quelles ont été vos impressions sur le quartier quand vous êtes arrivé ?

A C. - Aucune impression, parce que je n’étais pas venu là pour y rester. Donc j’ai eu un accident, je me suis retrouvé sur un fauteuil roulant. Lors de ma sortie du centre de réadaptation, il me fallait un logement. Donc j’ai obtenu un logement ici, ça a été rapide. La vie de la cité, je la connaissais pas, personne n’a rien fait pour me la faire connaître. Je voyais que du béton, parce que j’étais au dernier étage, en l’occurrence le dix-septième, j’ai eu plein de pépins, parce que les ascenseurs fonctionnaient un coup sur deux. Donc je me sentais enfermé et j’étais pas destiné à rester dans la cité. Puis j’ai fait des démarches pour demander un appartement au rez-de-chaussée, et lorsque je me suis rapproché du cœur de la cité, en l’occurrence en face du Centre Social, j’ai commencé à y prendre goût. Parce que là, j’ai vu la vie de la cité, j’ai vu le fonctionnement et donc j’y suis resté. Mais il y a beaucoup plus de points négatifs que positifs. Est-ce la faute du bailleur ? J’en sais rien. Est ce dû aux locataires ? Je n’en sais rien. Bon, il y avait pas d’animations, le Centre Social n’était pas ce qu’on connaît aujourd’hui, c’était un état de délabrement, ça partait en friche. Comme j’ai une parcelle de terrain sous mes fenêtres, je me suis amusé à planter des fleurs, on me les a arrachées. C’était un peu tout et n’importe quoi, voilà. Et puis, petit à petit j’ai commencé à prendre mes marques, et j’ai commencé à apprécier la cité, sans rien demander. Parce que tout ce qu’on demandait, on le refusait, c’est pour cette raison qu’aujourd’hui je me suis investi dans une association pour essayer de faire un peu bouger les choses. Parce que je veux quelque chose de vivant, de vivable, d’agréable, et pourquoi pas servir de modèle pour les autres cités, pourquoi pas ? C’est pas une utopie, c’est faisable, c’est réalisable. Je demande pas de changer les mentalités, mais je demande qu’on puisse les améliorer. C’est pour ça que quand on m’a parlé du jardin partagé je me suis dit "Mais qu’est-ce que je viens faire là-dedans ? Qu’est-ce que ça peut m’apporter ?" Et puis après, j’ai réfléchi. J’ai une connaissance des jardins partagés, parce que j’habitais une ville qui était dans l’Isère, Grenoble, où nous avions fait un jardin partagé, mais ça ne s’appelait pas "Jardin partagé", c’était "Jardin pour tous", c’est pareil.

K. - C’était le même genre d’idée, de fonctionnement ?

A C. - Ah, c’était un fonctionnement super. C’est pour ça que lors de la réunion, quand j’entendais les gens, pour moi c’était un peu tout et n’importe quoi. Je vous dirais deux mots de ce que nous avions fait à Grenoble, dans les années 80...

K. - Mais ce serait bien que vous parliez de ce que vous avez fait !

A C. - Vous avez flairé que je le savais ?

K. - C’est l’instinct.

A C. - Vous savez que j’avais l’intention d’en parler aux locataires, de manière à ce qu’ils s’investissent, mais simplement je me suis dit, je vais en parler mais avec du recul. Parce que les gens d’ici, c’est pas une critique, ce qui est malheureux c’est qu’ils ont tout pour pouvoir y arriver, mais ils ne veulent rien faire. Et c’est pour ça que lors de la réunion, quand j’entendais les gens qui disaient "On peut faire ça... On peut faire ça..." Je préfère aller droit au but comme ça vous avez déjà mon point de vue, c’est que nous, voilà ce qu’on avait fait à Grenoble à l’époque... J’étais conducteur routier, moi je pouvais pas m’en occuper, par contre mon ex-épouse s’en occupait, parce que j’ai deux enfants et j’ai voulu les éduquer... A Grenoble il y a beaucoup de verdure, c’est vert. C’est vrai qu’il y a des parties bétonnées, mais sorti de là, c’est vraiment verdoyant. Donc j’ai fait des propositions et les gens sont solidaires, les locataires, à Grenoble, ici c’est pas du tout pareil. C’est pas une question de moyens, c’est une question de volonté. Nous, nous avions fait un jardin pour tous, et dans le "pour tous", en réalité il était partagé en deux, c’est à dire une partie enfant et une partie senior, à la condition que ceux qui veulent faire le potager, parrainent les enfants pour les éduquer. Et un jour, tous les quinze jours ou tous les mois, c’était une école qui prenait le relais par rapport aux enfants. Il y avait un suivi, et à force de suivi, il y a eu des partenariats avec d’autres enfants d’autres quartiers. Parce que les enfants entre eux, ils parlent : "J’ai acheté ça, je l’ai planté et viens voir comme il a poussé." Et après, en fonction de ça, il s’est créé des réseaux. Alors, vous allez peut-être en sourire, mais il y avait un groupe qu’on appelait les désherbeurs, c’était ceux qui enlevaient les mauvaises herbes, c’était un groupe d’enfants, mais encadré par les seniors. Je dis les seniors, parce que c’était des personnes âgées. Il y avait un groupe de désherbeurs, un groupe d’arroseurs, un groupe qui s’occupait de leur donner les graines. Et tout ça, c’était en commun, il y avait aussi le groupe des récolteurs... on faisait une journée où le jardin était ouvert à toutes les familles, et là on goûtait les fruits, les légumes, on faisait des goûters.
On a même réussi à faire la fête de la musique le 21 Juin, dans le jardin. Il y avait un règlement extérieur et il y avait un règlement intérieur, ça n’a jamais été saccagé, au contraire tout le monde y prêtait attention. Après, les écoles environnantes nous on fait des demandes, si elles pouvaient faire des cours dans notre jardin. Ensuite les enfants enquiquinaient leurs parents qui commençaient à dire : "Mon fils, toutes les semaines quand je vais faire des courses, il me demande de lui acheter des graines." On ne voyait pas les enfants jouer dans la cité, ils étaient dans le jardin, et ça c’est beau. D’une part ils étaient en sécurité, les parents étaient rassurés, et il n’y avait pas de dégradations dans les cités. Arriver à faire comprendre ce projet-là, celui que j’ai dans la tête, mais il date des années 80. Aujourd’hui, si vous arrivez à faire un truc comme ça ici, je vous garantis que c’est le top.

K. - Alors vous allez faire partie de l’aventure, monsieur Chinoune ?

A C. - Si j’ai le temps...

K. - Tout à l’heure vous disiez qu’il y avait des freins, de quel ordre sont-ils ?

A C. - Ah, c’est psychologique !

K. - C’est-à-dire ?

A C. - Vous savez, les gens ils ne veulent rien faire, c’est de la fainéantise.

K. - C’est le fait de partager, peut-être ?

A C. - Non, partager non. Le partage c’est bon, les gens acceptent de partager, je vois des fois quand le Centre Social organise des petites fêtes, comme la fête de quartier, les gens apportent... Il y en a qui apportent des tartes... C’est un partage. Je pense pas que ce soit le partage qui soit le frein, c’est "On n’a jamais le temps." Et comme je dis, moi "Mais qu’est-ce que vous foutez de la journée ? Vous ne faites rien !"

K. - A Grenoble les gens avaient le temps ?

A C. - Ah non ! Mais à Grenoble, les gens prenaient le temps. Vous savez pourquoi ? Parce que la différence... c’est une question de mentalité, c’est toujours pareil. La différence c’est qu’ici, quand leurs enfants sortent de l’école, ils dérangent les parents à la maison : "Sortez dehors, vous amuser !" Ils savent même pas où ils vont s’amuser les enfants. Tandis qu’à Grenoble avec le système du jardin pour tous, les parents savaient où leurs enfants allaient. Parce qu’il y avait un terrain de loisir avec le potager, il y avait un terrain de jeux, "le terrain de jeux et de dégustation", on l’avait appelé comme ça. Mais ici, les mentalités ne sont pas les mêmes, ici, je vois mal... enfin j’espère me tromper, j’aimerais que ce soit comme ça. Parce que déjà il y aurait moins de dégradations, moins d’accidents. Personne n’en parle, mais il faut en parler, les parents arrivent à laisser leurs enfants s’embêter comme ça... parce qu’un enfant entraîne l’autre, l’autre entraîne l’autre, et ainsi de suite. C’est pour ça que je vous disais... c’est pas les adultes qui l’ont fait, mais les enfants eux-mêmes qui l’ont créé, le groupe des désherbeurs, des arroseurs... eux-mêmes !

K. - Ce sont des choses à travailler avec les gens.

J’ai vu sur le tableau là, qu’il y a une petite fille qui avait marqué : "Nous, on aimerait avoir une piscine." Ça m’a fait sourire, mais si le projet est réussi les enfants viendront, et non pas des adultes. Moi je vous le dis de suite, rattachez-vous aux revendications des enfants et vous allez voir que ça va être un beau projet. Parce que ce sont les enfants qui vont le porter, c’est pas les parents, c’est aussi bête que ça. Nous, on avait commencé par les seniors et puis les seniors sont venus en nombre, alors "Attendez, attendez, avec la parcelle de terrain qu’on a, on peut pas faire que du potager, parce qu’il faut penser aux enfants, il faut penser aux personnes âgées qui veulent se promener, c’est un tout."

K. - Ça permet de transmettre aussi une expérience.

A C. - C’est ça, oui, un week-end un enfant est venu me demander une bêche, et je lui ai dit : "Mais qu’est-ce que tu vas en faire ?", il m’a répondu : "C’est pour aller au jardin, parce que le papi est fatigué, il est allongé, donc je vais y aller moi !" Vous voyez, c’était solidaire.

K. - En ce qui concerne les enfants qui dérangent leurs parents, est-ce propre au quartier ou est-ce que c’est la mentalité marseillaise, d’après vous ?

A C. - Vous savez, je suis marseillais d’adoption on va dire, parce que je suis né à l’étranger et je suis venu bébé. J’ai la mentalité marseillaise, mais la mentalité d’aujourd’hui je ne l’ai jamais connue, c’est pas la mentalité que je connais, voilà. Parce que le marseillais est ouvert, le marseillais est accueillant, c’est vrai qu’il parle beaucoup, mais il est gentil, il est tout ce que vous voulez. Il faut pas trop l’embêter. Si vous avez les parents qui font la sieste, que les enfants sont en train de faire du bruit à la maison, parce qu’ils jouent à la Playstation ou à la Nintendo ou au ballon dans la chambre, les parents disent : "Allez jouer dehors !" Mais où dehors ? Ils sortent les enfants, ils sont dans la cité, mais où ? Savez-vous qu’il y a un petit de trois ans et demi qui est tombé du toit du Centre Social !

K. - Du toit du Centre Social ?

A C. - Oui, parce que le toit du Centre Social est facilement accessible... trois ans et demi ! En été, à deux heures du matin si vous ne dormez pas, venez faire un tour, vous verrez qui il y a dehors. Vous verrez des enfants en couche culotte, je ne l’invente pas, vous pouvez vous renseigner, demander. J’habite juste en face moi, donc je vois tout. Et ils se réunissent où ? Devant le Centre Social, parce qu’il y a des escaliers, alors en été tout le monde est assis là. Mais je suis bien ici, mis à part les nuisances, je suis bien. Je vais demander des aires de jeux pour les enfants à la direction et on m’a dit : "En cas d’accident, on est responsable". Cette fois-ci, vu qu’on a encore une réunion, j’irais leur reposer la question, en leur demandant des aires de jeux sécurisées. Quitte à mettre des aires de jeux accessibles accompagnées d’une personne adulte pour qu’il n’y ait plus d’accidents. Et les parents qui disent à leurs enfants "Allez jouer dehors !"... qu’ils aient un endroit clos, parce qu’ici en voiture, ils ne roulent pas à dix ou à vingt km/h... Et pourtant ce sont des habitants de la cité. Vous prenez ces mêmes jeunes, vous leur parlez de votre jardin partagé, je vous mets au défi de trouver dix jeunes, je vous mets au défi de les trouver... Ça ne les intéresse pas, c’est tout bête.

K. - C’est évident.

A C. - C’est pour ça que je pense aux enfants... Quand je parle des enfants, c’est les huit, dix ans. Ce serait un plus pour la vie du quartier. Honnêtement, je vous le répète, tout dépend des mentalités. Je trouve que c’est un beau projet. Le directeur du Centre m’en avait parlé...

K. - Vous pensez qu’il y aura un intérêt pour le projet ?

A C. - Il y a des personnes qui sont déjà intéressées, mon secrétaire m’a demandé : "Est-ce que je pourrais avoir un morceau de terrain ?" J’ai dit : "Non, ça marche pas comme ça." Il était pas très content, parce que je faisais référence à ce que j’ai connu à Grenoble, on ne partage pas un terrain, c’est un jardin partagé. Je vais vous dire une chose, les parcelles cultivées par les seniors avec le groupe d’enfants qu’ils avaient à leur charge portaient le nom d’un des enfants. Il y avait un petit piquet avec un petit écriteau, c’était le nom d’un enfant. Pas son nom de famille, son prénom. Voilà ce que cet enfant a cultivé, parce que le senior se met en retrait, il est là pour aider et c’est tout. Et l’enfant est fier d’expliquer aux autres enfants ce qu’il a fait dans la semaine, il est pas content parce que cette plante n’a pas pris, et quand on les écoute parler, c’est beau, c’est beau... Et en attendant, ils ne vous parlent pas des bêtises, et ils n’en font pas. Si on arrive à expliquer tout ça aux parents et si ils y adhèrent pas, c’est qu’ils n’ont rien compris. C’est tout simple, maintenant je vous dis le plus dur, ça va être ça.

K. - En fait, ce serait plus la difficulté de convaincre les parents ?

A C. - En fait, il s’agit d’avoir la bonne pédagogie. Si vous avez une bonne pédagogie pour leur expliquer... non pas qu’ils soient obligés de suivre ce que moi j’ai connu... Ma pédagogie, je préfère la garder pour les locataires, parce que les locataires c’est dur, d’autant plus que je viens de recevoir un papier à faire comprendre aux locataires, et tout le monde ne le comprend pas. En réalité, je vais vous dire en deux mots ce que je pense de tous les habitants. Ils ne sont pas bêtes, ils comprennent tout. C’est l’envie qui leur manque.

K. - Quelque soit ce que l’on peut leur proposer ?

A C. - Vous leur proposez des trucs hyper intéressants... Regardez, je vais parler de ce que je fais. Nous avons décidé de créer une association pour les défendre eux-mêmes, c’est pour eux, en fait, moi je sais me défendre tout seul. Mais on a dit "On va créer une association pour vous." Alors les gens qu’on a en réunion disent : "Ah et puis ça, vous y arriverez pas !" Ils sont pessimistes d’entrée, ils ont rien compris. Et pour bousculer ces mentalités, c’est dur. Donc, j’ai pris mon membre du bureau, j’ai fait une réunion je leur ai expliqué. Vous savez comment ils résonnent : "Oh, vous y arriverez pas !"
Vous le savez tout ça, donc je vais vous dire une chose, on va taper dans le concret, on va prendre un sujet sur lequel on va leur montrer nos résultats, et une fois qu’ils verront qu’on a des résultats, à ce moment-là ils commenceront à y croire. Tant qu’on n’a pas de résultats, ça restera comme ça. Ça veut pas dire qu’on va pas les défendre, on les défendra tous, mais c’est pour vous expliquer la mentalité qu’ils ont. Ils sont pessimistes avant d’avoir commencé quoi que ce soit. Pour le jardin partagé, j’ai entendu tout et n’importe quoi. Non pas à la réunion, en dehors : "Et c’est quoi cette histoire ?" Moi, si je peux donner un dernier point de vue, j’en parlerais avec le directeur, il faut que le projet sorte réellement du 38 La Viste, ne pas faire comme les autres. Vous savez pourquoi ? Un peu partout ça se fait, il faut que le projet ne ressemble pas à un autre. Parce que dès qu’il ressemble à un autre, ça donne pas envie, il faut que le projet sorte de terre du 38 La Viste, il faut qu’il soit totalement différent des autres.

K. - Le terrain, c’est deux mille mètres carrés, je crois.

A C. - Si vous avez deux mille mètres, pour ne pas avoir trop de soucis, vous le coupez en deux directement. Mille pour l’aire de détente... à Grenoble quand ils avaient fini le potager, ils allaient se reposer, il y avait des bancs, il y en a qui apportaient leurs matelas, c’était bien fait quoi. C’était pas en pagaille, il y avait pas de papiers... c’était toujours propre. Parce qu’il y avait des responsables au départ, et tout passe par la responsabilité, si on fait un règlement à mon avis ça devrait accrocher, j’ai bien dit ça devrait. Je sais qu’il y en a quelques uns qui sont d’accord, alors ce que je peux faire lors de mes réunions, c’est en parler.

K. - Parce qu’avoir un petit nombre de personnes partantes, ça peut donner envie à d’autres... même si c’est un petit nombre au départ...

A C. - Oui, je le répète, nous au départ c’était parti comme ça. Or, à la différence de ce qu’on croyait, c’est que le projet après, ce ne sont pas les grandes personnes... les seniors comme on les appelait nous, parce que c’était des personnes âgées, ce sont les enfants qui ont pris le dessus, ce sont eux qui ont porté leur projet. Et puis, il fallait voir comme ils parlaient, il fallait voir ce qu’ils disaient : "Oh, tu fais attention à mes jardins là !" Mais c’était... je sais pas, il aurait fallu avoir une vidéo pour bien comprendre ce que c’était. Et ça, c’est l’erreur qu’on a faite, peut-être il y a des gens qui l’ont fait, je sais pas... personnellement je n’y ai pas pensé, de filmer pour montrer le fonctionnement. Et là, je crois que ça donnerait envie. Je sais qu’il y a des personnes qui n’attendent que ça, d’avoir un potager... Et j’espère, franchement j’espère de tout cœur qu’ils arriveront à faire ça, parce que ce sera déjà un point positif. Parce que ça arrange tout le monde, il faut pas croire, ça arrange aussi bien le bailleur que tout le monde. A tous les niveaux, les collectivités territoriales et tout... Ils vont voir que, au moins il y a des parents qui s’occupent de leurs enfants, ils sont encadrés et tout, c’est pas n’importe quoi.

K. - Tout le monde y gagne quelque chose ?

A C. - Tout le monde est gagnant, tout le monde, aussi bien les parents que... tout le monde. Et ce serait beau, mais attention au suivi, c’est le plus dur, il faut bien leur expliquer le suivi. Parce qu’il y en a qui sont intéressés au début, et puis après c’est... C’est pour ça qu’on avait établi des règles. C’était pas tous les jours le jardin partagé, un jour c’était la journée du potager, le samedi, ils pouvaient y aller pour la détente... et toujours avec un encadrement. Sans encadrement, c’est le foutoir. Des gens de l’extérieur ont arraché... mais ça on s’est aperçu après que c’était par jalousie, parce que c’était clôturé, et le potager avait été saccagé. Mais on s’en foutait, parce qu’on refaisait, et à force, à force, c’est eux qui ont baissé les bras. Et après, à force, ils se sont intégrés aux jeunes de la cité. Ils disaient : "Tu peux pas m’emmener avec toi ?", "Oui, à condition que tu travailles, sinon tu viens pas avec moi." C’était les enfants entre eux qui se faisaient la police, c’est vrai, c’est marrant... et parfois c’est mieux que les adultes, je vous le dis franchement.

K. - Je veux bien le croire.

A C. - Vous savez, je vais vous dire quelque chose, ici dans la cité, on parle d’étendages. Il y a plus de fils d’étendage. J’ai pris le raisonnement du jardin partagé que j’avais connu à Grenoble et ici j’ai fait la proposition, je leur ai dit "Vous voulez réellement un étendage ? Que les habitants qui veulent un étendage se cotisent, qu’ils achètent les fils et qu’ils les mettent." C’est simple, parce que quand le locataire aura sorti un euro cinquante de sa poche pour cotiser et acheter les fils, ce seront ses propres enfants qui vont surveilleront les fils, et ils diront aux autres enfants : "Ne les cassez pas, c’est à moi, c’est mon père qui l’a mis." Ils se feront la police entre eux, et il y aura plus de dégradations. J’ai pris cet exemple, je suis passé par les enfants, voilà.

K. - Mais où allez-vous mettre les étendages ?

A C. - Mais ils y sont, derrière... et les enfants s’accrochent aux fils, ils se balancent. Et je leur ai dit "Ce que vous comprenez pas, c’est que chaque fois qu’ils le changent, c’est inclus dans vos charges. Et après, vous vous étonnez que les charges augmentent..." Moi, c’est le souvenir des jardins pour tous, qui m’a donné l’envie de leur expliquer, parce que ce sont les enfants qui m’ont servi...

K. - Et ça marche ?

A C. - Pour le moment c’est pas encore fait, j’espère que ça va être fait. Et ce sont les enfants qui m’ont donné cette envie. Je me suis dit qu’ils sont plus policiers que nous. Au moins on est sûr qu’ils vont surveiller leurs fils. Leurs enfants doivent dire à leur copains : "Ne cassez pas, c’est à mes parents." Et c’est la meilleure des Polices... Les enfants vous les voyez, ils cassent... pourquoi ils cassent ? Ils n’ont rien, ils jouent autour des voitures, ils rayent les voitures. Mais ils n’ont rien, donc si vous les occupez... En fait c’est le manque d’occupation, si vous leur donnez de l’occupation, vous verrez ce qu’ils feront. Mais les gens n’arrivent pas à leur trouver de bonnes occupations, voilà, c’est tout simple.

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