" Une plume au service de la littérature, cette sublime charité humaine. "
Le romancier algérien Yasmina Khadra est venu évoquer son dernier livre, Les Sirènes de Bagdad, aux rencontres littéraires de La Faites des Mots : « Ce qui m’intéresse, c’est que les gens s’intéressent à ce qui se passe, pas à moi. Moi je ne suis rien du tout. J’ai écrit : « Nous ne sommes que des fantômes en avance sur notre heure. » Mais y faut que les gens s’intéressent à ce qui peut faire l’univers, le monde de leurs propres enfants. » Mots d’auteur.
Koinai : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir écrivain ?
Ce qui a poussé Victor Hugo, Albert Camus et Philippe Sollers. C’est dans la vocation de ces gens-là que je me suis retrouvé.
K : Pourquoi avez-vous choisi un pseudonyme féminin ?
Pour me faire belle parmi les femmes.
K : Écrire en français influe-t-il sur votre style ?
Pas du tout. J’aime chaque langue, je m’y reconnais et elle, elle me donne tout, tout ce dont j’ai besoin.
K : Y a-t-il des choses que vous exprimeriez mieux en arabe ?
Je ne pense pas, la langue française c’est une langue cosmique, elle est capable de prendre en charge toutes les émotions et toutes les absurdités aussi.
K : Le fait d’être bilingue est-il un ferment pour l’écriture ?
Pas pour l’écriture mais pour le lectorat, oui.
K : Quelle est l’influence de votre passé militaire sur votre œuvre ?
Je ne sais pas ; peut-être mon expérience humaine, parce que j’ai vécu parmi les gens très longtemps, donc j’ai appris à reconnaître les bons, les mauvais, les moins bons, les moins mauvais et cætera.
K : Que reste-t-il du commandant Mohamed Moulessehoul ?
Il reste le commandant Moulessehoul, toujours.
K : Le thème de la violence et de la destruction semble un trait commun à votre œuvre ?
Oui parce que c’est une chose que je ne supporte pas, que je connais parfaitement et je veux lutter contre elle.
K : La question de la guerre civile revient souvent aussi ?
Parce que nous vivons une époque de guerres, de génocides, d’hégémonies, de violences extrêmes… Il faudrait que les générations prochaines s’en inspirent pour ne pas faire exactement ce que nous avons fait.
K : Écrire sur la guerre civile algérienne, c’est la dénoncer, la dépasser ?
Y’a pas de guerre civile en Algérie. Y’a une agression intégriste contre le peuple algérien.
K : Qu’est-ce qui oppose et qu’est-ce qui réunit l’Orient et l’Occident ?
Il n’y a aucune différence dans la réalité des choses, mais… tout est dans la conception que chacun se donne de lui-même et des autres. Donc, peut-être que l’Occident a besoin d’être un peu plus cultivé que l’Orient pour s’épanouir et comprendre que de l’autre côté, y’a des êtres humains qui lui ressemblent et qui pourraient lui servir aussi d’amis et de soutien.
K : L’Occident et en particulier l’Europe, peuvent-ils avoir une influence dans l’apaisement des conflits actuels en Irak ?
Mais y peut pas, parce que c’est lui qui est derrière l’embrasement actuel.
K : Qu’évoque Les sirènes de Bagdad ?
Ça évoque la vulnérabilité, la fragilité humaine… dans un monde d’une grande cruauté.
K : Les Justes peuvent-ils encore agir, aujourd’hui ?
En dormant.
K : Jusqu’à quel point l’écriture est-elle une arme de résistance ?
Jusqu’à ce que les convictions s’effilochent.
K : L’Algérie vous manque-t-elle ?
Toujours.
K : Quels liens conservez-vous avec elle ?
Un lien charnel, ombilical. Moi, à la différence des autres, c’est que quand mon pays me manque, je saute dans un avion et j’y vais, mais je n’en fais pas un plat.
K : Que lisez-vous en ce moment ?
Je suis en train de lire Guy de Maupassant. C’est son séjour en Algérie, des extraits journalistiques, et j’ai découvert un grand imbécile.
K : Et votre prochain ouvrage, vous y travaillez ?
Tout le temps, oui.
K : Comment choisissez-vous le sujet d’un roman ?
C’est lui qui me choisit.
K : Puisque nous sommes à la Faites des Mots, quel est celui qui vous fait vibrer ?
Tous les mots affectueux que je dis à ma femme.
K : Que retenez-vous de cette manifestation ?
Ben l’espoir des gens, c’est-à-dire… l’espoir de croire que le verbe est encore utile à quelque chose. Et je pense qu’il peut-être plus tonitruant que le bruit des canons.
Propos recueillis par Pierre Defleur le 22/09/07 ; rédaction : Odile Fourmillier ; image : Patrick Chiappe.
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