Couscous à l’épicerie, bolognaise à la maison
« Mon prénom c’est Ali, et mon nom de famille c’est Adonassan. L’âge, j’ai quarante et un. Depuis quand que je travaille ici ? Ça fait dix-huit ans que je travaille là. On vend à peu près tout sur l’alimentation : un peu sur le thé, les encens, de l’alimentation, que ce soit les fruits secs, que ce soit les légumes secs. » À l’Univers Alimentaire, rue d’Aubagne, petits sourires et petits conseils du vendeur.
Koinai : La plupart des produits que vous vendez sont orientaux ?
En majorité, les épices viennent un peu de l’Inde, de La Réunion, un peu des Comores, les pâtes viennent un peu de partout, les thés viennent un peu de Ceylan et de l’Inde, les encens viennent un peu de Chine, les noix, les amandes, les pistaches viennent d’Iran, viennent de Californie les légumes secs. En fait, il y a beaucoup de choses qui viennent de partout, mais du Moyen-Orient, peut-être un peu, certains, mais pas beaucoup, hein. D’autres produits autres, oui ! On en vend… des produits "caviar " par exemple, des produits de Tahiti, des pois du Cap, de un peu de partout, tout m’intéresse.
K : Vous avez aussi des produits occidentaux ?
Oui, bien sûr : on vend des cafés qui sont des produits occidentaux, la confiture qu’on voit d’ici, on vend les haricots avant tout, oui, oui.
K : Et comment choisissez-vous ces produits ?
Comment choisir les produits ? Ça dépend en fait des clients qui passent. Ça, il y a des clients où l’on peut s’investir, on se dit que ça c’est un client qu’on peut fidéliser, eh ben on leur importe un peu des produits qui peuvent être originaux pour d’autres personnes, et qui peuvent aussi les habituer, qui peuvent un peu rendre le magasin original.
K : Quels sont les produits les plus demandés ?
Ils demandent ce que j’ai dans le magasin. Pratiquement tout… Il y en a qui viendra pour ça, l’autre pour l’autre, mais il n’y rien à négliger. Tout est important chez moi, tout le monde a sa place : chaque épice, chaque encens, chaque légume sec, il n’y a pas un qui peut être favori ou pas favori ; tout est bon et tout est négociable.
K : Les produits alimentaires ont-ils évolué ?
C’est le même, hein ; que ce soit le riz, que ce soit le couscous, le pois chiche, c’est le même produit. Dix-huit ans que je suis là et ça n’a pas changé de place… Non, il n’y a pas d’autres qui ont changé.
K : Qui sont vos clients ?
On a… beaucoup de clients européens, oui, européens ça veut dire aussi marseillais, je dis pour tous Européens. Les Maghrébins, je ne dois en avoir que 10 % de mes clients, mais les 90 % ce sont des Européens. Je ne peux pas vous dire que ce sont des métis, mais qui doivent avoir des parents ou un grand-père vraiment qui est dans notre coin. Bon, Marseille en général, tu sais, ce n’est que des métissages…
K : Ont-ils des demandes spécifiques ?
Spécifiques ? Non, non…Tout y est exactement, je fais tout pour avoir tout.
K : Les conseillez-vous ?
Ah ! oui, ma foi, c’est ce qui le différencie des autres magasins, c’est ça qui les amène ici, c’est ça qui les fidélise : les petits sourires, les petits conseils. Il faut les chouchouter, on est cinquante millions de magasins, là, à côté de l’autre, il faut faire un peu la différence.
K : Quelles sont vos relations avec la clientèle ?
Professionnelles, bien sûr…
K : Vous parlez cuisine avec vos clients ?
Oui, obligatoirement, pour leur dire comment on travaille tel condiment, comment la mettre cette épice au dernier moment, comment boire cette tisane… oui, oui. Ça, c’est de la cardamome : c’est pour corser, pour donner un peu de goût, pour parfumer les plats sucrés ou salés. On en met nous à Djibouti dans le thé, dans le café, dans le riz, un peu de partout… C’est excitant quand même, on sait. C’est le même genre que le noix de muscade, mais ça n’a rien à voir.
K : Leur faites-vous découvrir de nouvelles saveurs, de nouveaux produits ?
Je ne veux pas vous mentir, des fois je ne m’attarde pas là-dessus, mais ça dépend avec qui est en face : si c’est un bon client qui mérite beaucoup d’attention, bien sûr que tu le fidélises en parlant d’autre chose mais, de temps en temps, hein, c’est rare. Il y a un peu du personnel là-dedans, c’est important. La clientèle est connaisseuse, mais elle demande toujours, elle aime toujours avoir d’autres conseils par un autre professionnel.
K : Notez-vous une relation entre le prix des produits et les pratiques alimentaires ?
Vous voulez dire que si la clientèle remarque une augmentation… Oui, y’en a qui le disent mais y’en a qui ne le fait pas. Une fois qu’ils sont dorlotés par Ali Baba, ils oublient les prix, ils ne font pas attention. Ils ne viennent pas pour le prix, en fait, ils viennent pour la qualité de la marchandise, les prix ce ne sont pas ça qui les influencent au début. Pour les nouveaux arrivants bien sûr, mais pour les anciens non, c’est plutôt la qualité des marchandises qui parle. Ils préfèrent payer un peu plus cher et avoir de la bonne qualité que d’avoir un truc à un euro et que tu la jettes à la poubelle.
K : Et vous-même, quelle est votre alimentation type ?
Ah (rire) ! Oui mais moi, oh ! peuchère, moi je mange tout et n’importe quoi, alors là… Si, si, si, ça mange tout et n’importe quoi et je n’ai pas vraiment… J’aime bien les pâtes, voilà ; en général les pâtes avec les sauces, mais je ne fais pas attention, il n’y a pas vraiment de mets que j’aime.
K : Quel est votre plat préféré ?
Des pâtes et des sauces à la bolognaise. Moi j’aime bien les pâtes… à l’italienne, bolognaise.
K : Est-ce que vous cuisinez ?
Non, c’est Madame qui cuisine.
K : Vos goûts ne correspondent pas vraiment à votre activité ?
Mais, ce n’est pas parce qu’on appartient à la famille des docteurs qu’on est le meilleur et que l’on est bien soigné… Ah ! Ce n’est pas parce qu’on est forgeron qu’on arrive à faire pour la famille et la bonne, non ; on se concentre jamais sur nous-mêmes, nous on fait attention aux autres… Je crois qu’on s’investit beaucoup plus pour les autres que pour moi ; quand je rentre à la maison, je ne fais pas attention.
K : N’avez-vous pas de préférence pour ces produits ?
Je ne peux vous dire qu’il y a un produit que je peux donner plus par rapport aux autres, tout est important et je ne néglige rien, c’est pour ça que j’aime me diversifier, j’aime bien que les clients viennent pour un petit truc, il s’en va avec cinq choses, pas avec une seule chose. Il vient pour ça, tu lui montres ça, les baratiner, et tu lui vends tout. Bon, vous, vous allez travailler, vous allez vendre quelque chose sur la ligne, sur Internet… Vous voulez ouvrir un magasin ?
Propos recueillis par Claude Ranaivo le 04/11/07 ; rédaction : Odile Fourmillier ; image : Anne Muratore.
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