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Homme/femme : un rapport établi par la société... - Femme aujourd'hui - La revue du témoignage urbain

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Femme aujourd'hui

Homme/femme : un rapport établi par la société...

Un rapport dans lequel Inès revendique avant tout une humanité


Aujourd’hui je me sens... pas en forme
Je n’oublierais jamais... mon fils
Il faut que j’arrête... d’être en retard
Le bonheur c’est simple... c’est nous qui décidons de notre bonheur
Quand je suis triste je suis... malheureuse
Je suis fière... d’avoir réussi où certains me prédisaient l’échec
Le plus bel homme du monde c’est... mon fils
Quand j’étais petite je croyais que... la vertu était pure
Les femmes sont... fortes
Les hommes sont... de grands enfants
Dans ma petite enfance... je ne me souviens pas
Parce que... je n’ai pas de trace de photos
Quand je me fâche... je suis rancunière
Je regrette d’être... je n’aime pas les regrets
Le meilleur remède à un chagrin d’amour... c’est pleurer
Si j’étais un homme... pas de réponse
On dit de moi que je suis... têtue

Koinai : Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Inès, j’ai vingt-neuf ans et je suis Ivoirienne. J’ai un petit garçon de vingt mois et je vis à Marseille depuis deux ans.

K : Est-ce-que tu t’y plais, à Marseille ?
Je ne sais pas, je ne suis jamais allée ailleurs en France. Je ne peux pas comparer, mais je m’y plais quand même et je n’ai pas l’intention d’aller ailleurs.

K : Que signifie pour toi être une femme ?
Ça, je n’y ai jamais pensé ! Car pour moi, c’est dès la naissance que se font les distinctions mises en place par la société. Une femme, un homme se distinguent déjà par leurs organes. C’est d’abord ça. Pour le reste, je ne peux pas dire. Me définir comme ça... je me définis beaucoup en tant qu’être humain. Etre une femme, bon, je pense que ça vient après la question de la définition de l’être humain.

K : En fait, tu ne t’es jamais posé la question ?
Jamais... C’est quoi être une femme ? C’est quoi être un homme ? Jamais, c’est vrai, je ne me suis posé la question.

K : Est-ce que tu te sens femme aujourd’hui ?
Je ne sais pas... Je sais que je suis différente d’un homme, simplement parce que j’ai pu vivre une grossesse, avoir un enfant. Là, je sais que c’est un avantage que les hommes n’auront jamais et pour moi, c’est ça, une femme. Elever un enfant, c’est aussi une affaire féminine et je me sens femme par rapport à ça.

K : Penses-tu vraiment que la femme se sente forte parce qu’elle a eu un enfant ?
Oui, par rapport à l’enfant, eh bien oui ! Dans mon cas, la femme que je suis est une force grâce à son enfant.

K : Et en comparaison de l’homme ?
L’homme, je ne sais pas ce que serait, son cas... Dans le mien, je me sens plus responsable que l’homme.

K : Ne t’es-tu jamais vraiment posé la question : "Qu’est-ce qu’une femme" ?
Non, parce que je me sens une humaine avant tout, qui a le droit de demander des choses comme tout le monde. D’abord, la femme oui, je suis une femme, mais d’abord un être humain qui a des droits. C’est la raison pour laquelle je ne me suis jamais posé la question et je ne fais pas de distinction à priori.

K : Que penses-tu de la femme d’aujourd’hui ?
Je ne sais pas si elle a évolué ou non. Oui, sur certains points (hésitation)... Oui, elle a beaucoup évolué : elle décide, elle a des pouvoirs de décisions, mais c’est clair que par rapport aux changements...

K : En Côte d’Ivoire, d’où tu viens, comment sont les femmes ? Dans tous les domaines ?
Voilà, justement la femme là-bas n’a pas de pouvoir de décisions, elle se définit surtout par le mariage et elle s’identifie au nom marital qu’elle porte comme si elle n’avait pas de nom. Elle se bat pour elle-même et pour exister en tant qu’être humain. C’est ça, l’Afrique. En Côte d’Ivoire, on est femme d’abord, et humain après, puisque dans les classifications qui se font là-bas, la femme passe après... bon ! Vous êtes une femme, bon, et alors ?

K : Oui mais tu dis qu’elle est femme d’abord et un être humain ensuite ?
Elle est femme pour élever les enfants, mais elle n’a pas de droit... pas certains droits du moins... Oui, elle est femme avant d’être un humain. Mais moi, je revendique des choses, des droits qui sont inhérents à la personne humaine que je suis. Je revendique des droits, des choses qu’on doit donner à un être humain, sans tenir compte de sa sexualité, qu’elle soit femme ou homme, qu’on lui donne ces choses-là, parce qu’elle est un être humain. Je ne veux pas qu’on lui dise qu’elle est une femme, qu’elle ne peut pas y avoir droit. C’est pour ça que je revendique tout cela, parce que je suis humaine d’abord. Je suis un être humain. Je veux qu’on me respecte en tant qu’être humain et après, on tiendra compte de la distinction entre femme et homme. Mais là-bas, c’est pas comme ça. Là bas, vous êtes une femme, bon...
Il y a des droits que vous ne pouvez pas avoir. Il y a des choses auxquelles vous n’avez pas accès. Avant, on la considérait comme femme quelqu’un qui doit faire des enfants, s’occuper de la maison. Mais les droits qu’un être humain doit avoir en tant qu’être humain, on ne les lui donne qu’après ça. Là-bas, si vous battez une femme, c’est normal, ça ne change rien. Elle ne peut pas porter plainte, mais ce n’est pas normal de porter la main sur une femme. Vous pouvez brûler une femme et la défigurer, c’est normal. Bon, ça ne fait rien, c’est son mari qui le lui a fait. Non ! On oublie d’abord que c’est un être humain et que c’est cet être humain qu’il faut respecter. On ne tient même pas compte du fait que c’est une femme. C’est le "côté femme" qu’on met en avant. Son côté humain est secondaire. Je ne le supporte pas. Je veux être considérée comme une femme, qu’on ne me lève pas la main dessus, parce que j’en suis une. Les femmes dans mon pays ont moins de pouvoirs qu’ici. Elles ont moins de moyens. Je ne dis pas qu’ici en France, ce soit parfait, mais là-bas, si vous faites un enfant, vous ne recevez aucune aide. Le père s’en va et c’est fini. Vous restez toute seule et vous vous débrouillez toute seule. Ici en France, vous faites un enfant d’abord et vous pouvez réclamer une pension alimentaire au père. C’est vrai que judiciairement, il y a tout ce qui existe pour la réclamer, mais si le père ne la paie pas, le gouvernement s’en fiche. Vous faites ce que vous voulez, ici. Non, il y a des moyens de pression pour exiger que l’homme paie la pension alimentaire. On tient compte du fait que c’est très difficile pour une personne, d’élever seule un enfant. Il y a des droits.

K : Les droits ne sont pas les mêmes qu’ici en France ?
Non, non pas du tout et même quand ça existe comme ça, c’est juste formel.

K : C’est pour cette raison que tu as quitté la Côte d’Ivoire ?
Non ce n’est pas pour cette raison que j’ai quitté la Côte d’Ivoire j’ai quitté mon pays parce que je me suis mariée.

K : La femme abuse-t-elle de ces droits ?
Non, moi je ne pense pas qu’il y a un abus de pouvoir : un abus de droits. Je pense que, malgré tout, il y a encore à faire pour la femme, mais abus de droits, non, je ne pense pas... Je ne comprends pas qu’il y ait abus de droits, je pense que, malgré tout, qu’il y a encore à faire pour la femme. Non, il n’y a pas d’abus. Une femme peut éduquer seule son enfant. Maintenant, on parle du principe de la volonté, on est libres, c’est comme ça que ça marche réellement.

K : Je te pose cette question parce que certains hommes se sentent diminués ?
Je ne comprends pas pourquoi les hommes se sentiraient rabaissés. Ils n’ont qu’à revendiquer leurs droits, c’est tout, comme les femmes. Je suis pour l’égalité, forcément, mais je ne suis pas féministe au point de demander de supprimer les règles de galanterie. Je suis pour une certaine égalité, une certaine compensation. Voilà... Maintenant je ne comprends pas pourquoi un homme puisse se sentir rabaissé parce qu’une femme a des droits. C’est une femme, après tout, c’est un être humain, c’est des droits qu’elle revendique. Je ne comprends pas pourquoi la femme n’en n’aurait pas. Certains hommes trouvent normal de sortir avec leurs copains et d’avoir des maîtresses, et après ils disent : "Bien, c’est normal, je ne comprends pas qu’un homme puisse accepter de tels décalages et pas celui d’une femme.

K : Es-tu mariée ou séparée ?
Séparée...

K : Comment te sens-tu depuis ?
Je suis séparée depuis neuf mois, je me sens libre, autonome et plus forte qu’avant.

K : Que peux-tu me dire de plus sur la femme d’aujourd’hui ou sur les femmes de la Côte d’Ivoire ?
J’ai peur que ça parte à la dérive, que les femmes soient trop excessives... Par rapport à leur demande, j’ai peur qu’elles partent à la dérive, utilisent ce pouvoir pour avoir la supériorité, qu’on retombe dans l’ancien schéma entre l’homme fort et la femme faible.

K : Pourquoi penses-tu à cela ?
Non, mais j’ai peur qu’on aille à la dérive. L’objectif c’était quoi, c’était de faire de la femme une sorte de compensation entre l’homme et la femme, qu’on puisse se compenser. Je pense qu’on va à la dérive, qu’on retombe dans l’inégalité au profit de la femme. Ça n’aura pas servi à grand chose. Qu’on puisse aller au delà des barrières, des performances physiques, j’ai peur de ça avec la science et tout. Si on arrive là de façon scientifique, on arriverait dans tous les domaines et après, on pourrait tomber dans l’inégalité. Je ne voudrais pas qu’on retombe dans l’inégalité, les femmes se sont toujours battues, il est hors de question maintenant que les femmes deviennent esclaves par rapport aux hommes.

K : Que penses-tu d’une femme qui deviendrait présidente ?
Je ne vois pas de mal qu’il y ait une femme présidente, c’est pas physique, c’est beaucoup plus cérébral.

K : Serait-il plus simple d’avoir des femmes au sein du gouvernement ?
C’est ça, la communication, la compensation à tous les niveaux, une femme présidente et un homme conseiller et là, ils se compensent, c’est ça la compensation. La femme n’a pas accès à la parole. À l’Assemblée Nationale, il y a plusieurs hommes et peu de femmes : comment peut-on voter une loi pour la promotion de la femme alors qu’il n’y a que cinq femmes au pouvoir ?

Propos recueillis par Sohad Tari, janvier 2005

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