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Pinceaux, fards, ors et velours rouge - Au travail ! - L'enfance de l'art - La revue du témoignage urbain

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Pinceaux, fards, ors et velours rouge

Des poupées à Orphée

« Ah ! Oui : dès l’âge de neuf ans, je savais ce que je voulais faire et je savais que c’était ça. C’était ma vocation, c’était ça, je le sentais… Au début, j’ai commencé à peindre, je dessinais beaucoup et c’est ce qui m’a amenée mais, bon, je savais, j’avais envie de rendre les gens beaux… C’est prendre une personne qui est simple au début, j’avais envie de ça." Myriam da Silva, 33 ans, première maquilleuse à l’Opéra de Marseille.


 

Koinai : Petite fille, vous maquilliez vos poupées ?
N’en parlons pas, c’était un peu un jeu de massacre (rire) ! Je leur faisais même des coupes, hè (rire)… Après c’est plus tard, avec tous mes copains et copines, ils y ont eu droit, ils avaient pas le choix ! Tout le monde y est passé.

K : Qu’est-ce qui vous pousse à réaliser ces maquillages ?
Bè ce qui me pousse, c’est l’envie de découvrir de nouvelles personnes et de leur faire un maquillage approprié avec chaque opéra. Parce que on va faire Butterfly, ça va être encore un changement de maquillage par rapport à Fanny qu’on a fait en ouverture de saison.

K : Quelles sont vos sources d’inspiration ?
C’est les gens, regarder les gens et savoir ce qu’ils ont dedans pour essayer de le faire ressortir. C’est ce qui m’intéresse, mais même dans la vie c’est ce qui m’intéresse, l’intérieur.

K : Vous avez eu un mentor ?
Pas du tout. Non, j’avais vraiment ça en moi… C’est aussi une façon de découvrir les gens et de faire sortir de la personne le côté plus positif, en fait.

K : Avez-vous des critères de beauté ?
Non, pas vraiment, parce qu’en chacun de nous y’a du beau ; y suffit de voir les gens, l’âme des gens, voilà. Oui, c’est beaucoup dire mais moi, c’est ce que j’ai envie de voir chez les gens.

K : Quelle est votre plus belle réussite ?
C’est celle-là, et de voir qu’ils se plaisent, des gens qui sont entre guillemets ordinaires et qui arrivent à se trouver beaux ou… Voilà, la satisfaction dans l’œil de l’autre, c’est notre réussite à nous.

K : Et votre réalisation la plus originale ?
La plus originale, heu… c’est un essai que j’avais fait chez moi, Dracula de Coppola. Les modèles, c’était ma sœur et mon beau-frère. Y’avait tout : le costume, la perruque, le maquillage en latex, donc ç’a été un gros œuvre. J’avais même décoré toute la maison, et puis on a ri, surtout (rire) !

K : Avez-vous fait l’expérience d’un gros ratage ?
Jamais ! Non, je plaisante ; ratage, heu… c’est quand ça se passe mal avec certaines personnes, c’est juste ça : des fois on a une incompatibilité d’humeur. Ça m’est pas arrivé souvent, mais ça m’est arrivé. C’est un métier où il faut un peu s’effacer et moi, je suis quelqu’un de tempérament.

K : Vous rappelez-vous votre premier maquillage professionnel ?
Ah ! Oui, c’est ici… Enfin, celui qui me marque c’est quand j’ai démarré ici, sur Orphée aux enfers, et pour moi ç’a été la révélation : j’ai su, là, que vraiment, c’était l’Opéra où j’avais envie de travailler. Déjà à l’école, en apprenant le maquillage, je disais toujours - mais pour faire la belle, bien entendu - "Moi je travaillerai à l’Opéra de Marseille." Ah ! Oui, j’ai cette chance de faire ma passion.

K : Vous avez suivi une formation ?
Oui, j’ai fait deux ans d’esthétique, un an de maquillage professionnel et après, une petite formation d’effets spéciaux d’un mois.

K : Depuis quand exercez-vous ?
Ça a fait presque quatorze ans.

K : Quel a été votre parcours ?
J’ai eu une chance, c’est de rencontrer un monsieur, mais qui était beau parleur, et qui m’a dit : "Ah ! Je connais plein de monde à l’Opéra" et il connaissait personne et quand je suis rentrée à l’Opéra, j’étais livrée à moi-même, en fait, donc ç’a été un coup de chance d’être là au bon moment. Une opportunité, ouais, puisqu’une personne partait et ils avaient pris une personne mais bon, c’était comme moi, quoi, à l’essai. Ouais, ç’a été mon jour de chance, c’est vrai… Et grâce à ce monsieur, Monsieur Pépito, qui est mort.

K : Avez-vous fait des sacrifices pour y arriver ?
… Non, c’est pas des… Un peu un sacrifice personnel, mais… Autrement non, puisque ça reste toujours un plaisir de maquiller et je rencontre toujours des nouvelles personnes et… moi je suis passionnée de ça, hè. Je pense que le jour où j’aurai plus de passion et l’envie de rencontrer les gens, j’arrêterai. Mais pour le moment ça me plaît toujours, quoi, c’est ce qui me fait continuer, en même temps, autrement je ferais autre chose.

K : Quel est votre statut actuel ?
Je suis intermittente du spectacle, oui.

K : Quelles qualités faut-il avoir pour être une bonne maquilleuse ?
Une des qualités - enfin moi, c’est ce que j’aimerais rencontrer un peu plus souvent chez beaucoup de maquilleuses - c’est des gens qui regardent vraiment les personnes qui sont en face et pas de faire un maquillage automatique, comme on apprend à l’école : faire une « banane » pour tout le monde pareil… On a pas les mêmes yeux, on a pas les mêmes bouches. C’est important, de savoir de suite ce qui convient, ce qui va améliorer la personne. Il faut avoir une réceptivité aux gens, je crois… Moi c’est ce que j’essaie de faire.

K : Quelles sont les contraintes liées à ce métier ?
Bè les contraintes, heu… c’est l’intermittence, peut-être, par rapport au statut mais moi j’ai pas ce souci-là pour le moment. Mais pour ceux qui arrivent c’est de plus en plus difficile d’être sur le marché et de travailler.

K : Vous avez des horaires fixes ?
On a des horaires, c’est plutôt de nuit, enfin de six heures à minuit. Six heures, cinq heures, tout dépend des opéras, et le temps qu’il nous faut pour maquiller. On a à peu près une préparation de deux heures avant, voilà.

K : Quelles satisfactions vous apportent ce métier ?
Bè, satisfaction de rencontrer, c’est la rencontre, toujours, avec des gens nouveaux, des nouvelles personnalités, des nouveaux visages. Et voir que certaines personnes sont satisfaites, ça aussi c’est bien pour nous-mêmes, quoi ; ça nous motive et puis ça fait prendre, avec les années, de l’assurance.

K : Vous avez des choix imposés ou une liberté de création ?
On a quand même des choix de temps en temps imposés mais Katia Duflot, notre chef costumière, me laisse quand même… Je peux faire ce qui me plaît, après elle approuve ou elle approuve pas, on en discute et on voit.

K : Vous avez des modèles ou des thèmes bien précis ?
Tout dépend l’opéra, en fait, et malheureusement, avec les années, on va de plus en plus vers le naturel. Ça devient pas moins intéressant, mais c’est un peu bête… C’est-à-dire que souvent, les metteurs en scène veulent des maquillages un peu plus naturels qui se rapprochent plus du cinéma, alors qu’on est à l’Opéra et on a besoin quand même d’avoir de la matière, des structures. Pour Butterfly, non, là on va faire des gros maquillages ; là, heureusement, on se maintient à ce qui à été fait avant. Libre à nous, à notre créativité.

K : Quel personnage vous inspire le plus ?
… Moi j’adoreTosca, la Tosca… Parce que j’adore l’air de la Tosca, parce que c’est une femme qui est jalouse (rire) et bon, c’est une passionnée, elle est en souffrance et puis y’a des airs magnifiques.

K : Il y a un maquillage spécial ?
Si, y’a un peu des maquillages… sur certaines personnes y’a un peu des blessures parce qu’il est un peu torturé, ce jeune homme, Mario.

K : Quels sont les fards et les couleurs les plus utilisés ?
Bon, toujours un fond de teint et poudre. Puis après, souvent, pour les hommes c’est des structures : pour remodeler le visage, on ombre, si on veut creuser les joues il faut travailler en bistre, en marron. Pour atténuer un défaut, les cernes, pour un bouton qui est rouge on va mettre une petite touche de vert.

K : Vous avez des pinceaux spécifiques ?
Oui, on a un pinceau blush pour les joues, un eye liner pour l’oeil, enfin y’en a toute une palette de pinceaux.

K : Combien de temps consacrez-vous à un maquillage ?
En règle générale, c’est une demi-heure voire trois quart d’heure pour une femme, selon le maquillage, et un quart d’heure pour un homme. Le maximum c’est une heure, mais c’est vraiment un grand maximum. Bè heu… Turando, c’est un maquillage un peu asiatique avec un fond blanc, des roses sur les joues, l’eye liner, on redessine le sourcil, on transforme, oui, donc là ça nous prend un peu plus de temps.

K : Vous travaillez en équipe ?
Ah ! Oui, heureusement ! En règle générale on est quatre, mais souvent on a deux personnes ou une personne en plus. On se dispatche les artistes, et après y’a ceux qui travaillent avec les chœurs, la figuration…

K : Lors du maquillage, percevez-vous un changement de la personne vers son futur rôle ?
Oui, tout à fait. Mais ils sont déjà prêts avant quand même, ils sont assez concentrés, on sent qu’ils sont intérieurs à ce moment-là mais, ils se préparent, voilà : comme nous on les prépare, ils se préparent aussi en même temps.

K : Diriez-vous que le maquillage fait le personnage ?
J’espère que non, j’espère que c’est la voix qui prime (rire) ! Non, le maquillage, le costume, la coiffure, c’est un tout ; après, c’est ce qui fait que la personne va se sentir un peu plus dans le personnage.

K : Lors du démaquillage captez-vous une certaine ambiance ?
Y’a un relâchement, on sent qu’ils relâchent un peu la pression mais, c’est surtout pour les premières où y’a un stress au plus haut, souvent, parce qu’il y a toute la « bonne société » qui vient, bè après ils relâchent, ils enlèvent le costume, ils enlèvent le personnage en même temps. Mais y’en a qui y restent, dans le personnage (rire)… Je pourrais pas dire l’anecdote mais certaines personnes jouent Don Juan et après, ils continuent à être Don Juan, alors il faudrait qu’ils arrêtent (rire).

K : Quel maquillage choisiriez-vous pour vous-même ?
… Un maquillage Aïda, c’est égyptien, c’est un opéra, et elle a une perruque et enfin c’est assez beau, quoi. J’aurais bien aimé parce que c’est plein d’or, plein de… couronnes, et comme ça (rire)…

K : Avez-vous déjà eu des marques de reconnaissance ?
Ah ! souvent, les gens sont pas avares de compliments, quand même, c’est toujours bien, quoi.

K : Travaillant dans ce décor, cette ambiance, que ressentez-vous ?
Moi je suis toujours contente de venir travailler, en fait, donc ça me plaît, ce côté musique, c’est agréable, ça rend les gens de bonne humeur.

K : Vous referiez le même parcours ?
… Oh, je pense… Oui, j’aurais été un peu plus disciplinée à l’école (rire), voilà. J’aurais pu faire une formation de perruque, mais j’ai un côté feignant, feignant, donc je suis restée au maquillage…

Propos recueillis par Marie-José Flandin le 26/09/07 ; rédaction : Odile Fourmillier ; image : Anne Muratore.

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