La Koinè, la langue commune. Au pluriel : Koinai.
S’il existe une ville en France qui tout au long de son histoire a vu ses langues se conjuguer au pluriel, c’est certainement Marseille. Multiples langages et donc multiples cultures.
Notre revue se veut le témoin de cette diversité singulière. Laissant traîner ses oreilles dans la ville, toujours à hauteur d’hommes, elle glane, ça et là, des témoignages. Ces paroles de marseillais sont retranscrites au plus près de l’authenticité du moment parlé, de leur musicalité propre, vivantes.
Marseille a commencé sa mue. Comment la ville et ses transformations modifient l’homme et ses habitudes ? Comment l’homme inscrit-il son récit individuel dans celui, collectif, de la ville ? Cette période de transition convoque dans l’écho de ses voix à la fois les ombres du passé, et l’esquisse de l’avenir.
Koinai recueille ces voix qui façonnent la ville.
Mauvaise épouse, bon professeur
« Ma mère n’a jamais travaillé. Quand j’étais petite, j’ai entendu - j’ai un souvenir précis - ma mère dire à mon père : "Georges, je n’ai plus d’argent, tu pourrais me donner ma semaine ?" Il disait : "Oh l’argent, tu crois que je le fabrique ?" Il devait pas en avoir non plus, ou il voulait pas en donner, je sais pas, et j’avais honte pour ma mère, et je m’étais dit : "Moi il faudra pas que ça m’arrive." Même si j’avais des coups au coeur, ma vie était axée pour réussir, bien travailler, être autonome financièrement. J’ai été nommée professeur à Gap. Ensuite je suis venue à Marseille, pour suivre mon ex-mari. J’ai été d’abord professeur au lycée Longchamp, et puis au lycée Nord. » Odile Hartmann-Mondon, 68 ans, membre de Radio Galère.
Moi, je m’appelle Kheira ; le nom de famille ? Mersali. Et mon âge ? En 1924, le 18 septembre. Moi je suis originaire de Mostaganem mais j’ai été élevée à Oran. J’ai tout fait pour venir en France ; j’avais une maison en Algérie, j’avais tout mais j’ai tout laissé pour rentrer en France, pour être plus libre. En France, on dit "…la France…", mais la France on a plus de liberté quand même : liberté d’aller travailler, de vivre, de gagner sa vie, d’avoir une maison. La liberté pour vivre et avoir ça qu’on veut. Une femme ? Moi, à l’âge de quinze ans : j’ai pris le pouvoir. J’étais obligée de m’en sortir…
« L’aspect clinique de la blouse, du pantalon, les sabots, c’est relativement récent. Ça dénote d’une nouvelle génération. Un jour je me suis rendu dans le cabinet d’un de mes enseignants, d’une notoriété très importante. Son cabinet était vieillot : il y avait de la moquette au sol et en terme d’asepsie c’était plutôt moyen ; il travaillait en jean, sa blouse par-dessus sa chemise de ville… Ce monsieur doit être à la retraite maintenant. » Florian Chauve, chirurgien dentiste.
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