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Quand les arts appliqués se mêlent et s'entremêlent - Au travail ! - L'enfance de l'art - La revue du témoignage urbain

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Quand les arts appliqués se mêlent et s’entremêlent

Lorsqu’on est issu d’une famille d’architectes, comment trouver sa propre voie sans faire fi de son héritage ? Maxime Paulet trace son chemin dans le design. Il tombe amoureux de Marseille et décide de s’installer là pour laisser son empreinte. Il crée la Designothèque, un espace collectif dédiés aux arts appliqués où, architectes, sérigraphes, designers, photographes... travaillent côte à côte, mettent en lien leurs différentes activités, leurs aspirations communes. Une force de création libre, originale et pertinente...


Koïnai - Pouvez-vous commencer par vous présenter ainsi que la Designothèque ?

Maxime Paulet - Bonjour. Je suis Maxime Paulet, je suis designer de mobilier espace. Je suis arrivé sur Marseille en 2007 après avoir travaillé pour un bureau d’études en métallerie. J’ai décidé de m’installer seul, mais pas complètement, parce que parallèlement, j’ai monté cette association qui s’appelle la Designothèque. Notre association a été pensée dans l’esprit d’un espace collectif des arts appliqués, où travaillent, côte-à-côte, plusieurs acteurs du domaine des arts appliqués. Qu’ils soient sérigraphes, graphistes, architectes, designers, bijoutières, photographes... On a eu tout un vivier d’activités qui sont passées par ce lieu, on essaie de se partager cet endroit et de travailler ensemble dès qu’on en a l’occasion.

K. - Comment avez-vous choisi de vous établir à Marseille ? Avez-vous eu des motivations personnelles ou des intérêts particuliers ?

M.P. - Je suis arrivé à Marseille totalement par hasard, pour un stage que j’avais trouvé ici, qui me semblait intéressant, à la Friche de La Belle de Mai. Marseille est une ville que je ne connaissais absolument pas. J’y suis arrivé et je crois que c’est une ville dont on est de suite dégoûté, ou alors de suite amoureux ! C’est jamais neutre. Pour ma part, ça a été plutôt le coup de foudre. Donc après ce stage, je suis remonté finir mon diplôme, et puis sitôt après, avec un sac de vêtements, je suis redescendu à Marseille en me disant : “On verra bien !” J’étais à Saint-Etienne “juste” avant, je ne souhaitais pas y rester. Marseille est une grande ville et j’ai toujours aimé les grandes villes. Il y avait la mer, qui était quand même quelque chose que je n’avais pas l’occasion de côtoyer, quelque chose qui m’attirait.

K. - Alors, quel a été votre apprentissage et votre parcours personnel de designer ?

M.P. - Alors, mon apprentissage ? J’ai commencé par la menuiserie et l’ébénisterie, du lycée jusqu’au Bac. Et puis, à force de travailler le bois et de réaliser des meubles qui étaient déjà pensés, je me suis dit que ça serait bien de remonter cette chaîne créative, jusqu’à la conception et la création de ce qui allait être fabriqué. Donc, je me suis dirigé vers des études de design, avec un BTS de design industriel, une licence d’arts appliqués et j’ai terminé par un Master 2 de design et d’architecture de l’espace public. A l’époque, c’était un DESS, c’est un Master 2 aujourd’hui.

K. - Quelles sont vos influences ? On ne peut pas passer à côté du Bauhaus, par exemple.

M.P. - On ne peut pas passer à côté, c’est même la base. Le Bauhaus, c’est la racine de tous les professionnels du design. On peut partir à l’envers, on peut partir dans le même sens, on peut le côtoyer, mais on y fait toujours référence. C’est indéniable ! Après, il y a quand même beaucoup d’autres références qui sont nées de cette école première. Aujourd’hui, j’apprécie particulièrement le travail de quelques collectifs, comme les Radi Designers, le Droog Design ou les 5.5 Designers, qui sont des collectifs de designers qui travaillent ensemble et qui essaient de développer une façon de créer assez originale et assez pertinente.

K. - Est-ce que vous vous êtes intéressé au travail des standards, comme Le Corbusier ou Charles Perriand ?

M.P. - Bien sûr. Dans ma famille, j’ai la chance d’avoir plusieurs architectes autour de moi. Donc l’architecture était bien entendu ce qui m’a amené à m’intéresser au design. Mais, à force de voir autant d’architectes autour de moi, je me suis dit qu’il fallait presque faire la même chose. Comme il fallait se distinguer, je suis parti dans le design. Mais qu’on soit à l’échelle d’un bâtiment ou à l’échelle d’un objet, le processus créatif se rapproche énormément ; entre un architecte qui travaille avec des corps de métier du bâtiment, ou un designer qui va travailler avec des industriels ou des artisans.

K. - Il y a plusieurs volets au sein de votre Designothèque. Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre concept et ce que vous avez voulu faire de cette Designothèque ?

M.P. - J’ai voulu faire de ce projet quelque chose qui n’était pas du tout dirigée. Ça peut paraître étrange, mais j’ai toujours voulu que les gens qui travaillent à l’intérieur aient une totale liberté. A savoir s’ils avaient envie de s’engager dans un projet avec quelqu’un d’autre, ou de continuer leur activité professionnelle type. Quand j’ai monté ce projet, je travaillais chez moi, et on va vite de son bureau à son lit, de son lit à son bureau... On manque de connexion, on manque de discussion. C’est pour ça que je ne voulais pas y retrouver que des designers. Je voulais être au contact de gens qui faisaient une toute autre activité mais avec des aspirations communes, avec des références similaires. Donc, c’est un projet qui laisse la porte ouverte aux gens qui travaillent, de pouvoir essayer de mettre en lien et en rapport les activités de deux personnes ou trois, différentes.

K. - Il n’y a pas une idée de créer un mini Bauhaus ?

M.P. - Non, ça serait prétentieux de dire ça. C’est très exagéré, mais peut-être qu’inconsciemment... Dans le Bauhaus, il y avait des plasticiens qui travaillaient au contact d’architectes, de designers, de dessinateurs... etc. Et ils réussissaient ensemble à créer des projets que je trouve très singuliers et pertinents. C’est peut-être ce qui m’a motivé, inconsciemment. Je voulais retrouver cette "école", cette ambiance professionnelle.

K. - Vous avez donc des collaborations entre architectes, artistes, décorateurs, graphistes... Actuellement, quelles sont les réalisations dans lesquelles vous êtes impliqué ?

M.P. - Aujourd’hui, je travaille de plus en plus, j’essaie de développer un travail assez proche de l’architecture. C’est-à-dire que j’essaie d’accompagner les architectes dans leurs projets. En tant que designer d’espace et designer de mobilier, j’essaie d’imaginer un projet dans le projet, d’apporter une plus-value qualitative sur un projet architectural. Aujourd’hui, je travaille avec des architectes extérieurs. Mais au sein de la Designothèque, on a fait aussi d’autres projets radicalement différents, comme la réalisation des trophées de la distinction de Commerce Design de Marseille, organisée par la Chambre de Commerce. Là, je travaille avec un industriel qui a travaillé sur un de mes meubles, la table basse enc.orient 1+2. Mais également Karine Lanny, qui est applicatrice de béton et l’atelier Tchikebe, atelier de sérigraphie. Donc on a plusieurs projets. Avec Karine on a travaillé également sur le projet des Ortogonautes, où c’était la confrontation entre les designers et l’artisan applicateur de revêtements décoratifs. “On a essayé de mixer la compétence artisanale avec la compétence de la création du designer.”

K. - Comment vous assurez la visibilité de votre travail ? Est-ce que vous faites des salons, des expositions ? Parce qu’il faut également présenter une vitrine.

M.P. - Oui. On essaie pas mal de choses quand on commence, donc on fait des expositions, on fait des salons. Mais les salons et les expositions, dans un démarrage, c’est quand même un investissement financier, ça a un certain coût, aussi en terme de temps. Quand on peut se le permettre, on le fait. Parfois, il y a cette contradiction, c’est-à-dire que : quand on est pas connu, il faudrait qu’on se fasse voir, mais on n’en a pas forcément les moyens ; et puis, quand on en a les moyens, c’est souvent qu’on s’est déjà fait voir... Mais sur Marseille, j’ai régulièrement l’occasion de proposer mes créations à la Maison de Ventes aux Enchères de Leclere, qui se trouve dans la rue Paradis, une petite rue perpendiculaire à la rue Paradis ; et qui accueille très volontiers les jeunes créateurs dans leurs ventes de mobiliers contemporains. Donc, c’est là aussi un partenaire privé qui n’a pas froid aux yeux et qui accepte volontiers de prendre le risque avec les créateurs locaux, pour évaluer et puis diffuser le travail qui est fait.

K. - Est-ce que la ville de Marseille est une source d’inspiration pour vous ?

M.P. - Oui. C’est une énorme source d’inspiration cette ville. Pour une raison principale mais il y en aurait sûrement d’autres. On y trouve tout dans cette ville. Sur La Canebière, à 14 heures on peut voir passer une Ferrari, et quand on passe à 22 heures, voir une dizaine de SDF au même endroit. On a vraiment un panel, on a des gens qui sont de passage, on a des gens qui sont d’ici, ancrés dans la culture locale. On a une ouverture d’esprit, si on décide de regarder l’ensemble, qui offre toutes les inspirations dont on peut avoir besoin. C’est pratiquement inépuisable ! Par contre, Il faut que ce qui nous inspire puisse prendre vie et puisse vivre.

K. - Quelle est la situation du design à Marseille, en matière d’ouverture et de sensibilité ? Quel genre de public s’intéresse à votre activité ? On a toujours dit que le design était un peu élitiste...

M.P. - Cette question est difficile... Mais ce que je peux observer, c’est qu’à Marseille, on souffre d’un esprit un peu m’as-tu-vu, c’est peut-être un peu péjoratif ce que je dis... Mais finalement, le client lambda qui a donc un niveau social qui lui permet d’avoir accès à une esthétique et à un produit qui tend vers le design, va avoir cette facilité à pouvoir investir dans une marque reconnue. Mais finalement, il aura beaucoup de mal faire un achat coup de coeur. Être "juste" séduit par l’objet, parce l’objet lui parle, parce que l’objet lui plaît, parce qu’il a envie de l’acquérir. Et dans les quelques designers de Marseille, on se rend compte que c’est très difficile de diffuser, de distribuer, de vendre ce que l’on peut produire. Ce qui n’est pas du tout le cas d’une autre ville comme Paris ou Lyon, où les gens sont beaucoup plus sensibles à ce qui va les concerner. Ici, on est beaucoup sur le paraître, sur la marque et sur la signature. On peut mettre beaucoup plus cher dans une signature, même si au fond ce n’est pas le produit qui vous aurait plu le plus... Et puis, il y a une logique quand on achète un produit. Souvent on achète un produit qui a une marque, qui a un certain prix associé. Mais dans une réflexion de fabrication, on se rend compte qu’on fait aussi marcher une économie extérieure, une économie lointaine, une économie dont on maîtrise pas du tout l’engrenage. Or, quand on investit cette même somme d’argent dans un créateur local, les gens réalisent qu’on participe aussi à avancer. Je pense qu’à Marseille on souffre de ça. Si peu de gens arrivent à se développer dans ces domaines-là, c’est parce que finalement, après cette mentalité très identitaire, les gens n’ont pas du tout cet esprit collectif. C’est ce qui fait défaut.

K. - Dans le prolongement direct, la place du design dans Marseille 2013, capitale européenne de la culture. Est-ce que ça serait une chance pour les créateurs de la ville ?

M.P. - Je sais pas et je suis plutôt sceptique. A la Designothèque, on a proposé un projet parce que je pense que cet événement de Marseille Provence 2013 est quelque chose à côté duquel il ne faut pas passer. C’est évident. Surtout quand on est dans ces domaines-là. Donc, la Designothèque a bien entendu pris le courant et a déposé un dossier avec une proposition. Pour être franc, deux fois on nous a dit que la décision serait retardée, finalement depuis, on ne nous a même pas prévenu de la suite. Je n’ai pas reçu de retour et je pense que je n’en aurai jamais ! Tous les gens et les acteurs qui se sont investis en temps, en moyens, et qui ont essayé d’être force de propositions pour un projet, pour essayer de faire avancer cette ville. Finalement il n’en sera pas grand chose. Etant marseillais d’adoption mais en y vivant depuis plusieurs années, je n’ai aucune idée de comment m’investir là-dedans. Alors que c’est vraiment une envie avant d’être un intérêt personnel.

K. - A l’occasion des Journées Portes Ouvertes Consolat, on constate la présence de nombreux ateliers dans cette partie du premier arrondissement. Est-ce que vous pensez que c’est quelque chose de positif ?

M.P. - Moi j’aime beaucoup ce quartier. Quand on a trouvé le local de la Designothèque, c’est un peu l’aubaine qui est arrivée toute seule. J’habitais déjà juste à côté et je suis venu m’installer ici sans regrets. Finalement, j’avais constaté que la rue Consolat était un vrai vivier de petits ateliers de création, de transmissions, d’associations, de symboles... etc. Donc, il y avait vraiment un caractère créatif et de transmission. Et finalement, on arrive en rue du Coq, qui est un petit peu son parallèle, par rapport au boulevard Longchamp. On est arrivé ici il y a maintenant un peu plus de deux ans et on s’est rendu compte que petit à petit, beaucoup de lieux ouvraient à peu près simultanément. C’est un quartier qui paraît relativement calme, assez résidentiel même s’il est très proche du centre-ville et en même temps, il y a une vraie activité silencieuse. Les gens ont une certaine humilité. Ils se connaissent, se reconnaissent mais ça ne fait pas beaucoup de bruit. J’ai l’impression que tout le monde avance un petit peu avec son idée. Une force tranquille en quelque sorte.
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K. - Quels sont vos projets pour l’avenir ?

M.P. - J’ai des projets personnels mais aussi des projets pour ce lieu. A la rentrée, une jeune stagiaire va venir passer un ou deux jours par semaine pendant une année pour nous aider à développer le projet. Ce projet-là, il faut investir beaucoup de temps dans un projet comme ça. Etant donné que tous les résidents travaillent énormément à leur compte, moi le premier, on a du mal souvent à trouver le temps de s’investir dans ce développement-là. Je pense que ça va nous permettre de franchir un pas maintenant que cet outil existe, qu’il a eu le temps de s’installer et qu’il est bien rôdé. On va pouvoir du coup l’utiliser. On va avoir également deux nouveaux résidents, il va y avoir à nouveau une permutation, et on a deux nouveaux résidents qui vont venir s’installer. J’espère que ça va être l’occasion d’imaginer de nouvelles choses.

K. - Je vous souhaite de belles créations, et des collaborations fructueuses.

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