C’est la première fois que je me retrouve en prison, j’ai l’impression que le ciel me tombe sur la tête.
Je ne comprends rien à ce qui m’arrive. Je n’ai rien à voir dans cette affaire. Je suis encore mariée et je travaille en tant qu’opératrice de saisie à la chambre de commerce de Marseille.
Mon mari est trafiquant de stupéfiants et sa situation en France n’est pas encore régularisée.
J’ignore tout de ses activités. Très naïve, je crois que l’argent qu’il me ramène provient d’un travail de nettoyage non déclaré.
Depuis ma geôle, je commence à me poser des questions : la réaction de mes parents (si seulement ils étaient là, mais non ! ils sont tranquillement en vacances...), les causes de mon emprisonnement, etc...
Le lendemain, on m’a transférée au parquet pour me juger. Là je crois que c’est l’un des moments les plus difficiles pour moi, surtout lorsque j’entrevois mon grand-frère avec ma belle-soeur dans le public. “Si la terre s’était ouverte je serais rentrée dedans”.
On me met sous mandat de dépôt d’un mois, ce qui correspond à quatre semaines de préventive.
Et voilà ! Je me retrouve aux Baumettes. Je ne connais la prison qu’au travers de la télé, et je ne m’attend pas me retrouver avec de grosses bonnes femmes contre lesquelles je devrais me battre.
Dans tous les cas, je ne dois surtout pas devenir leur larbin quoi ! ?
A ma grande surprise, je suis confrontée à un univers loin, même très loin de ce que je m’imaginais.
Je suis fouillée corporellement dans un petit box, cachée derrière un rideau. Je me suis complètement déshabillée, en passant mon linge à la surveillante, article après article. Je fais un tour sur moi-même et elle me rend mes vêtements un par un. Elle me conduit ensuite aux douches. Il est tard, les coursives sont vides, on n’entend que ses pas et les miens le long d’un immense couloir. Il y a plein de portes en bois de chaque côté avec un numéro. Plus on marche, plus j’ai l’impression que ce couloir ne finira jamais jusqu’au moment où elle s’arrête devant une très grande porte peinte en bleu et décorée avec des poissons. "Voici les douches" me dit-elle, ce que j’apprécie beaucoup.
Deux jours passés dans une cellule sans cigarette, à dormir sur un banc de pierre sans hygiène. Même pour boire de l’eau, il faut que je crie à la mort, pour que quelqu’un me calcule... Bref, je préfère deux mois de Baumettes que deux jours de misère de geôle.
Après la fouille une bonne douche, plus légère, on nous remet une bassine avec à l’intérieur : serviette de bain, savon, shampoing, gants de toilette, peigne, serviette hygiénique pour les femmes, rasoir pour les hommes, assiettes, verre, brosse à dent, dentifrice, couverts, bol, quelques cigarettes et encore quelques trucs, je ne me souviens pas très bien. Et c’est reparti pour le long couloir.
Je me dis : “ Mais qu’est-ce que je fait là, Bon Dieu !” Je n’ai jamais mis les pieds dans un commissariat et là, je ne sais même pas qui je suis. Un tas de questions se bousculent dans ma tête ; je suis loin dans mes pensées et c’est le bruit d’une clef qui me fait sursauter. La surveillante vient d’ouvrir la porte de la cellule.
Stupéfaite, je vois trois lits superposés. Mais sur celui du bas, une vieille dame est assise. Au second se trouve une fille en situation irrégulière, et sur un matelas par terre, je retrouve une fille que je connais. Nous étions dans la même école en primaire. Chacune d’elles essaie de me proposer quelque chose : café, nourriture, cigarettes, même un joint. Il y a dans la cellule un petit frigidaire, une plaque chauffante électrique, un gros poste radio, une table fixée au mur que l’on peut plier, un petit coin avec lavabo-toilette muni d’une porte, une télé avec Canal plus (et en 1990, il n’y a pas beaucoup de monde qui en bénéficie, en tout cas, pas chez moi !). Nous sommes quatre au lieu de trois, mais l’accueil est tellement chaleureux qu’on voit qu’elles ont faim de liberté.
Elles n’arrêtent pas de me poser des questions : Comment c’était dehors, est-ce que quelque chose avait changé ? C’est fou les questions qu’elles me posent, mais c’est plus tard que je comprend que la liberté n’a pas de prix !
Quinze jours après mon incarcération, j’ai un parloir. Je suis tellement contente. Je pense que c’est mon mari, mais arrivée devant le boxe n°5, ce sont mes deux grands frères : choc ! ! ! Je demande à remonter en cellule, mais la surveillante refuse, j’ai honte... honte... car ils n’ont jamais fait de prison de leur vie, et là ! ils viennent voir leur petite soeur en PRISON. Je n’arrête pas de pleurer, mais ils arrivent à bien me remonter le moral, ils me disent que notre père était au courant, mais pas notre mère de peur pour son diabète, mais qu’ils ont laissé deux parloirs disponibles pour leur retour du Maroc, et que mon père m’embrassait très fort. Il me faut une semaine pour me remettre de ce parloir...
(à suivre)
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