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La revue du témoignage urbain

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La Viste de bas en haut

Une maternelle à la recherche de son jardin

Des fleurs entre les dalles de béton

Nathalie Lamoureux est directrice-enseignante de l’école maternelle de La Viste. Pour sortir ses élèves dont bon nombre d’entre eux ne vivent au quotidien qu’à l’ombre d’un univers bétonné, elle organise une sortie en milieu forestier... Une fois arrivés au massif de la Sainte-Baume, l’escapade prend une tournure inattendue, les enfants "voient le loup", prennent peur et veulent s’en retourner... C’est dans ce contexte que l’enseignante tente d’inviter la nature dans la classe et d’y sensibiliser ses élèves. Alors pourquoi pas projeter le futur Parc Hanoi en jardin pédagogique ? Pour montrer aux enfants qu’encore quatre saisons existent... même à La Viste !


Koinai. - Pour commencer, est-ce que vous voulez bien vous présenter ?

Nathalie Lamoureux. - Je suis madame Lamoureux Nathalie, je suis la directrice de l’école maternelle de la Viste depuis 2005, j’ai la classe à mi-temps et la direction l’autre moitié du temps.

K. - Etes-vous êtes originaire de Marseille ?

NL. - Je suis originaire de Marseille, j’ai fait mes études ici, mais j’habite Bouc Bel Air depuis toujours, la ville, c’est pas trop mon truc...

K. - A votre arrivée sur le quartier, quelles ont été vos impressions générales ?

NL. - Le quartier, je le connaissais, j’ai ma grand-mère qui habitait en bas de Consolat, donc c’était pas un quartier qui était inconnu pour moi, j’avais l’habitude de venir... le haut c’est très bien, le bas c’est moins bien, le 38, l’état des bâtiments, tout est laissé à l’abandon...

K. - Vous l’avez perçu dès le départ...

NL. - Oui, cette impression qu’il y a un clivage, l’école on dirait qu’elle fait... c’est la frontière entre les deux, entre le 38 et le 74. Là haut on a l’impression que tout est bien entretenu et puis dès qu’on fait le tour, de l’autre côté c’est carrément l’abandon. Le clivage, on le voit de suite, ce qui est choquant ici c’est le bâtiment, c’est vrai que l’école ça ressemble à une prison. Ça fait un peu peur.

K. - Ce clivage là, est-ce que c’est juste dans l’apparence du quartier ou est-ce qu’il y a aussi... ?

NL. - Oui, les habitants aussi...

K. - Il y a les gens du 38, les gens du 74, qu’est-ce que vous ressentez... ?

NL. - Ah ! Ils ne se mélangent pas trop, il y a vraiment le clivage, et puis les gens qui sont sur le 74, ils sont là depuis très longtemps, alors que sur le bas, j’ai l’impression que ça bouge beaucoup plus, beaucoup de gens, des primo-arrivants... donc ça fluctue plus en bas qu’en haut, voilà.

K. - Sinon, il y a les enfants des deux quartiers qui viennent dans cette école ?

NL. - De toute la Viste, même des maisons qui sont derrière, des lotissements, tout le monde vient ici en fait, le secteur est très très grand parce que c’est une très grande école... pour la maternelle on est à 215 élèves, c’est énorme pour une maternelle, voilà. Donc le secteur est assez étendu, il y a un peu de tous les milieux.

K. - Il y a une réelle mixité, il y a un mélange ?

NL. - En maternelle un peu plus, quand ils grandissent après... Au primaire ils vont beaucoup à l’école privée qui est juste en bas, Notre-Dame de La Viste, et donc après la mixité, elle part de ce côté, en fait ils vont tous là-bas. A la maternelle on a un peu plus de mixité, voilà.

K. - Avez-vous vu une évolution ces dernières années, est-ce que c’est encore plus marqué aujourd’hui ?

NL. - Oh ! C’est toujours pareil, il n’y a pas d’évolution.

K. - Vous ne venez que pour votre travail ou est-ce que vous avez d’autres occasions ?

NL. - Non non, je vis que pour mon travail (rires). Je suis un peu allergique à la ville, donc du coup, les barres HLM et tout ça, c’est pas trop mon truc...

K. - Sinon, est-ce qu’il y a des choses que vous aimez dans le quartier ?

NL. - C’est que c’est aéré par rapport à certains quartiers, certaines cités qui sont dans le quatorzième ou sur Frais Vallon. Tous ces quartiers là, il y a un empilement de bâtiments, ici c’est quand même assez aéré, c’est la seule chose que j’aime bien dans le coin, voilà. Et puis on a une vue qui est sympa quand même de l’école, on n’a pas l’impression d’étouffer, donc c’est déjà une bonne chose.

K. - Aviez-vous jamais entendu parler du parc d’Hanoi ? Dans le cadre de cet espace qui est en friche, comment vous percevez ce genre de projet ?

NL. - Pourquoi pas faire un jardin pédagogique justement pour les enfants, travailler sur le jardin ou les différentes saisons, c’est vrai que ce serait sympa, parce qu’ils n’ont aucune notion ici de quoi que ce soit au niveau de la nature... même la forêt. C’est terrible. Je les ai emmenés à la Sainte-Baume, ils avaient peur, ils voulaient retourner à la Viste, ils avaient peur de rentrer dans la forêt. Tout ce qui est au niveau de la nature, ça leur fait peur. Même une fourmi, ça leur fait peur. Un escargot, un escargot qui sort... j’en ai pris dans la classe, c’est terrible : "Il va nous manger, il va nous manger...!" Donc c’est vrai que ce serait sympa d’avoir un petit coin de nature à côté.

K. - Est-ce que vous en aviez déjà ressenti le besoin ?

NL. - Oui, on a essayé de monter un projet jardinage sur l’école. Moi je fais travailler beaucoup sur ce qui est environnement, ce qui est nature dans la classe, j’essaye de faire venir la nature dans la classe, ce qui est pas évident. Et on avait essayé de monter des projets, bon là, ils nous avaient tout saccagé, on avait un peu arrêté, parce qu’on n’a pas d’endroit dans l’école pour créer un petit jardin, donc là c’est vrai que ce serait sympa. Je pense que les collègues eux aussi sont en demande, voilà.

K. - Et d’emblée la peur que vous exprimiez, c’était justement que ce soit saccagé ?

NL. - Oui... pour s’amuser, je sais très bien que... quand on s’ennuie... Ils cassent bien les vitres... Chaque vacance quasiment, je fais changer toutes les vitres !

K. - De l’école ?

NL. - De l’école oui. Ils balancent des pierres, ils se mettent en bas et puis ils jettent des pierres... là il y a encore un impact, celui-là je ne l’avais pas vu, il doit dater du week-end dernier. Comme ils ne savent pas quoi faire... arracher des fleurs, c’est un truc comme un autre, comme jeter des pierres... Donc on peut essayer, ça coûte rien d’essayer. On essayera et puis bon, si ça se reproduit... Bon là, c’est vrai qu’ici c’est un peu excentré. Si ils ne savent pas que c’est là-bas... ils iront peut-être pas. Donc je pense que peut-être, ça pourra résister un peu plus !

K. - Ce serait une occasion de mixité, de développer les échanges dans le quartier entre les différents habitants des différentes parties de la Viste.

NL. - Je sais pas, d’essayer de mettre des bancs, à la rigueur ils ont le parc Brégante qui est juste à côté, si ils veulent vraiment partager... aller au parc... bon, ils y vont pas au parc Brégante. Je vois, il y a très peu d’enfants qui me disent qu’ils vont au parc.

K. - Vraiment ?

NL. - Ah oui, ils y vont pas. Les parents ne les emmènent pas, donc c’est pour ça que là, je sais pas si... peut-être qu’il y a des gens qui vont fréquenter, si c’est comme des jardins ouvriers... chacun à sa parcelle, donc les gens oui, il y aura du lien entre les gens qui vont venir entretenir leur parcelle, voilà mais... Autrement un lieu de rencontre où on met un banc et puis on discute... Je pense pas qu’ils iront là-bas exprès.

K. - Brégante est magnifique...

NL. - Il est très beau ! J’ai très peu d’enfants qui vont au parc Brégante.

K. - Comment ça se fait ?

NL. - En fait, ils sortent pas... les mamans sont dans l’appartement, les petits sont en bas de la cité, au pied de l’immeuble et puis voilà... Il est très très beau ce parc.

K. - On en parle beaucoup...

NL. - Il a une vue sur la mer, il est magnifique. Mais il y en a très très peu qui y vont... plus ceux du 74 qui les descendent, mais ceux de là... ils jouent en bas de l’immeuble, ils sont dans la cage d’escalier et puis voilà... Et là-bas, c’est déjà trop loin... traverser la rue pour aller jusqu’à Brégante... On les emmène pas et puis les mamans ont autre chose à faire, elles s’occupent de la maison et puis elles ont tellement de choses à gérer... soit il y a un bébé et tout ça, donc ça leur ferait du bien aux bébés d’aller prendre l’air au parc. Mais bon...

K. - Mais ils savent qu’il existe ?

NL. - Oh oui, ils le savent ! Mais il faut les emmener et après s’en occuper... voilà. Ils sont en bas et ça suffit, du moins pour eux, ça suffit. Il y en a d’autres qui les emmènent, mais il est très peu fréquenté par rapport au nombre d’habitants qu’il y a, d’enfants qu’il y a...

K. - La majorité ne sort pas ?

NL. - Si, ils vont à Grand Littoral ou à Continent comme ils disent. Ils vont faire les courses ou ils vont au Mac Do ou au Quick !

K. - Et ils sortent seulement pour faire les courses ?

NL. - Ah oui ! Quand on va en sortie, on voit qu’il y en a très peu qui sortent, bon il y en a qui font des choses, mais ils sont très très peu ! Après, ils sortent avec le centre. Le centre social est quand même assez dynamique, ils font des sorties, donc là ils les emmènent. La fois où je les ai emmenés dans la forêt, ils étaient paniqués, "Je veux retourner à la Viste, j’ai peur, j’ai peur..." Pour eux, dans la forêt, ils voyaient le loup, ils voyaient plein de choses, ils avaient des représentations, parce qu’ils y étaient jamais allés !

K. - Mais la Sainte-Baume n’est pas une forêt vierge pourtant !

NL. - Ils sont apeurés dès qu’on sort du cadre. Et puis, beaucoup de parents aussi sont apeurés, ils veulent pas y aller. Là, j’ai une sortie qui est organisée, une rencontre d’athlétisme avec d’autre écoles, on se rejoint dans un parc dans le quatorzième, il y a des parents qui ont peur de me les laisser. Donc on reste en huis-clos ici et on sort pas, parce qu’ils ont peur. La crainte de l’inconnu...

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