Recyclage : lecture en braille
Après avoir trié le contenu de ses poubelles et l’avoir transporté jusqu’au conteneur, encore faut-il pouvoir identifier ce dernier ; la pratique de gestion des déchets dans laquelle s’inscrivent au quotidien ces gestes environnementaux est-elle accessible à un habitant atteint de déficience visuelle ? Résidente du quartier d’Endoume, Marie-Pierre Loubergé, quarante-trois ans, télé-conseillère dans une compagnie d’assurance, veut accomplir son devoir écolo : besoin de repères.
Koinai : Vous faites le tri de vos déchets ménagers ?
Étant donné mon handicap visuel, je fais uniquement le tri de des bouteilles, du verre, du papier ; ça oui, je tiens à le faire malgré mon handicap. Malheureusement, pour le reste, on ne m’a pas donné les moyens de le faire, donc je ne le fais pas ! Et si un jour ça vient, il faudrait quelque chose pour identifier dans quelle poubelle mettre quel type d’objet parce qu’en ne voyant pas les couleurs, il faut des repères qu’on puisse toucher avec les doigts.
K : Quels types de déchets produisez-vous ?
Oh ! beaucoup de papiers, des boîtes de conserve, des emballages des traiteurs quand j’y vais, des petits emballages de surgelés... quand on nous redonne le linge qu’on apporte à nettoyer, on le met dans des sacs en plastique, quelquefois des porte-manteaux qui ne sont pas jolis, enfin, un peu varié, comme tout le monde.
K : Quelles sont vos motivations pour pratiquer le tri sélectif ?
C’est surtout de protéger l’environnement, comme on nous le dit et après tout, ça coûte pas très cher de le faire. Moi, j’ai la chance d’avoir un container pas loin de chez moi, donc c’est facile. Et puis c’est tellement bien, de participer aux aux choses civiques, et on nous dit que c’est un devoir, je le fais volontiers.
K : Depuis quand en avez-vous pris l’initiative ?
Je dirais depuis trois, quatre ans, depuis que j’ai connu celui (ndlr : le conteneur) de la rue d’Endoume.
K : Vous avez été aidée dans cette démarche ?
Des voisins et ma maman, à l’époque, m’ont dit que ça existait, donc j’ai demandé où était le container et à partir de ce moment-là, j’y suis allée régulièrement.
K : Le tri sélectif vous a demandé des aménagements ?
Oui et non, parce que j’ai une poubelle pour des choses courantes, par contre j’ai un panier où je jette spécifiquement tout ce qui est papier, verre, bouteilles en plastique, comme ça quand je veux aller au container, tout est déjà dans le panier.
K : Trier les déchets représente une contrainte de temps ?
Moi seule, comme je marche pas vite, ça me prend dix minutes.
K : Et un un coût financier ?
Non non non ! Pas du tout ! La seule chose que je demande à quelqu’un quelquefois, en fonction du container où je vais, c’est de m’aider à traverser ou éventuellement, si le panier est très lourd, de le porter, sinon j’ai rien à payer !
K : À quel rythme jetez-vous vos poubelles ?
C’est très variable, ça dépend des déchets que j’ai ; en gros, une à deux fois par semaine.
K : À quelle distance se trouvent les conteneurs ?
Entre deux et trois cent mètres, je sais pas, peut-être que je me trompe parce que je vois pas !
K : Vous connaissez les matériaux recyclables ?
Là, c’est non ! Pas tous...
K : Quels sont les avantages du tri des déchets ménagers ?
Les avantages ? D’abord, ça protège la nature et ça permet aussi de ne pas mettre tout ça ensemble, que certaines choses se dégradent plus vite que d’autres, donc... C’est plus facile après de trier, quand il y a du moyen de faire du tri, c’est plus facile de ne pas tout mélanger.
K : Où déposez-vous les encombrants ?
Les encombrants, ce sont des lits cassés, des tables... Ouh ! C’est très mal, je mets ça à la rue sur le trottoir ; ah ! Je reconnais que c’est très mal, mais ne sais pas comment faire autrement !
K : Êtes-vous en contact avec les entreprises impliquées dans le circuit ?
Pas du tout.
K : Comment vous informez-vous sur le tri sélectif ?
Hum... l’information, ce sont des gens qui me le disent ou qui me le lisent dans le journal, ou quelquefois je lis "Accent" du Conseil Général, qui est transcrit en braille, qui peut éventuellement donner des informations. C’est surtout par des voisins et par des gens que je connais.
K : Êtes-vous suffisamment informée sur le tri des déchets ?
Non, il n’y a pas beaucoup d’information là-dessus et finalement, c’est souvent par hasard que j’apprends qu’à tel endroit et tel endroit, d’autres containers sont mis en place. Ils devraient le dire à la radio et à la télé, éventuellement dans les journaux pour les personnes qui voient, déjà. Et on pourrait bien faire des réunions de quartier, comme il y en avait quelquefois à une époque, dans un petit bar de la rue de Caves, justement à propos de recyclage ; mais j’ai pas l’impression que ça va aller bien plus vite. Je suis assez pessimiste !
K : Quelles sont vos impressions sur le dispositif du tri depuis sa mise en place à Marseille ?
Je ne sais pas du tout ; j’ai l’impression que le dispositif ne marche pas très vite, parce que bon, dans mon quartier, j’ai de la chance, j’en connais deux mais il y a beaucoup d’endroits où il n’y en a pas ou très peu, donc j’ai impression que ça avance pas vite du tout !
K : Sensibilisez-vous vos voisins et vos connaissances au tri sélectif ?
Ça peut m’arriver, oui ; pas très souvent, mais ça m’est déjà arrivé.
K : Comment réagissent-ils ?
Heu... pas toujours bien ! Un jour, je me suis fait vraiment gronder par quelqu’un qui me disait : « Mais vraiment, vous pouvez pas aller au vide-ordure ?Qu’est-ce que vous vous cassez la tête à faire ça ? » Généralement, les gens ne me disent rien, ou : « Bon, vous vous cassez la tête pour rien, ce n’est pas utile ! » Très souvent, j’ai pas une bonne réponse.
K : En dehors du tri, quels gestes écologiques accomplissez-vous dans la vie courante ?
Hum... par exemple, il y a la bonne gestion de l’eau : quand je fais la vaisselle ou quand je me lave, je fais attention de ne pas faire couler l’eau trop longtemps et quand je vais aux toilettes, je fais attention de ne pas tirer la chasse trop fort ; à part ça, je ne vois pas.
K : Quelles améliorations nécessite le dispositif de tri des déchets à Marseille ?
Ce que je proposerais - ce qui est un peu difficile pour les appartements, je le
reconnais - c’est qu’on mette des poubelles de formes différentes ou avec des points dessus, que les malvoyants puissent reconnaître plus facilement. Ou alors, que les gros containers soient équipés de petites améliorations qu’on puisse toucher, ou différencier par la forme ou autre, parce que moi je ne vois pas du tout, donc il me faut vraiment des repères de forme ou des petits points que je puisse toucher avec mes doigts.
Propos recueillis par Célestin Karera le 10/03/08 ; rédaction : Odile Fourmillier.
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