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Volutes de fumée - Au travail ! - Chacun son métier - La revue du témoignage urbain

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La revue du témoignage urbain

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Chacun son métier

Volutes de fumée

A chacun sa passion !

C’est l’histoire d’une passion pour un objet évocateur de l’Orient lointain qui a pris sa place dans le quotidien de nombre de Marseillais et en particulier des joueurs de l’OM...
Le passionné, c’est Ramzi, écoutons-le nous parler de ses chichas et de sa clientèle, dans sa boutique du "quartier des Réformés", le dépaysement est au bout du voyage...


Koinai - Pouvez-vous, vous présenter ?

Ramzi - Moi, je m’appelle Ramzi, je suis né à Marseille, j’ai 26 ans.

K. - Que pensez-vous de Marseille ? C’est une ville que vous aimez ?

R. - Et ouais. Quand on est marseillais, on peut que aimer Marseille.

K. - Y’a t’il des choses que vous voudriez changer ?

R. - A Marseille ? Non, rien. Franchement, elle est bien comme ça.

K. - Qu’est-ce qui est mieux à Marseille par rapport aux autres villes ?

R. - La chaleur, le beau temps. Les personnes sont joyeuses. Y’a quoi encore ? Y’a tout. La qualité de vie. Tout est meilleur ici. Moi, je voyage beaucoup, je me retrouve des fois en Chine, comme a Dubaï, ou bon Paris. Toutes les villes quoi. Franchement Marseille, y’a rien à dire, y’a pas mieux. Je peux pas partir plus de un mois de Marseille. Un mois, après je suis malade. Je reviens.

K. - Qu’est ce que vous pouvez dire sur ce quartier ?

R. - Libération ? Ca fait pas très très longtemps que je suis là, ça va faire un an, au mois de décembre. Ca va, c’est calme. C’est tranquille, c’est bien.

K. - Vous êtes originaire de quel quartier ?

R. - Moi, à la base... Je peux le dire ? De Felix Pyat. A la base, j’ai grandi là bas.

K. - Depuis quand tenez-vous ce magasin ?

R. - Ca va faire un an au mois de décembre, ce magasin là.

K. - Avant, vous en aviez un autre ?

R. - J’en ai un autre sur Paris. A la base, c’était à mon père, qui lui était sur Paris. C’est moi qui ai repris ces affaires, ça fait 15 ans qu’on l’a. Et j’ai un salon de thé sur le Vieux-Port, un café chicha.

K. - Depuis combien de temps ?

R. - Le café chicha ? Ca fait 8 ans.

K. - C’est vous qui l’avez ouvert ?

R. - Ouais, ouais. Je suis le premier dans le sud à avoir ramené ce phénomène. Après, ils ont ouvert un peu dans tous les sens.

K. - Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?

R. - J’avais faim. J’en avais marre d’aller travailler pour des patrons qui te prennent pour un esclave. J’en avais marre d’aller dans des boites d’intérim qui te donnent toujours la même réponse "y’a rien". J’en avais marre des préjugés des gens, que les arabes c’est que des bons à vendre du shit, à voler. Ben, on leur prouve le contraire ! Voilà... A 26 ans, patron, je vis bien, je suis propriétaire de ma maison, je suis propriétaire des murs ici, tout va bien pour moi. Pour prouver à toutes les personnes qui pensent en négatif sur les jeunes des quartiers, que voilà quoi, on n’est pas tous pareil.

K. - Pourquoi un magasin de chichas ?

R. - C’est ma passion, depuis que je suis né. Moi, je suis tunisien, mon père a toujours fumé ça et j’ai toujours connu ça. La chicha, c’est ma passion. Voilà, y’en a qui aiment le ballon, y’en a qui aiment la boxe, moi c’est la chicha. Moi, si je fume pas, je suis pas bien.

K. - Quel est votre type de clientèle ?

R. - Un peu de tout franchement. J’ai un peu de tout. J’ai des jeunes comme des vieux, comme des professeurs, comme des avocats, j’ai eu un juge une fois, un juge d’application des peines. En clients, j’ai vraiment de tout, des français, des arabes, de tout. Je peux pas dire exactement ce qu’est ma clientèle... dans la vente pour les particuliers, on parle. Parce qu’après, la vente en gros, c’est que des arabes qui tiennent des salons de thés. Que des maghrébins.

K. - Ca marche bien ?

R. - Ca va hamdoulah. On va pas dire bien, après les gens vont vouloir ouvrir la même chose que moi. Mais ça marche, ça va. Je prends mon argent.

K. - Et donc, vous vendez aux salons de thés et aux particuliers ?

R. - A la base ici, j’avais ouvert, j’avais fait un dépôt. Je fournissais que les salons de thé. Et vu qu’il y a eu beaucoup de demandes, ça a fait un phénomène grave sur Marseille, les gens sont à fond dans la chicha. J’ai dit "pourquoi pas ? On va faire une petite boutique". On a fait quelques travaux, on a posé des étagères, et voilà. Et on vend au détail. On mange à tous les râteliers, comme on dit.

K. - Votre clientèle a changé en huit ans ou ce sont toujours les mêmes personnes depuis le début ?

R. - Non ça change, franchement ça change. L’été tu peux avoir la période des touristes, c’est comme un commerce.

K. - Il y a beaucoup de touristes qui viennent là ?

R. - Ouais, franchement ouais. J’ai eu beaucoup de monde. Franchement en touristes, j’ai eu un peu de tout. Après je me débrouille, je parle un peu anglais, ça va. J’ai appris tout ça sur le tas.

K. - Vous avez dit que vous voyagiez grâce à votre commerce, vous pouvez nous en dire plus ?

R. - Pas grâce à ça. Avant ça, je voyageais déjà ! Mais par rapport à mon travail... Moi, je fais fabriquer en Chine, tout mon matériel. C’est un designer qui me le dessine, y’a mon nom de famille dessus. Toutes les chichas y’a mon nom de famille dessus, c’est une marque que j’ai créée à mon nom, quoi. Je vais en Chine faire fabriquer, je vais à Dubai par rapport à ça. Et Paris, parce que j’ai l’autre boutique là-bas. J’ai un associé qui est là bas, qui s’en occupe.

K. - Quelle est la différence entre narguilé et chicha ?

R. - Narguilé c’est un peu égyptien, ça va être à la base, sans souffleur, sans rien. Avec la tête en argile, c’est la base, le premier truc. Et la chicha c’est plus développé. Mais en fait narguilé et chicha, c’est la même chose. En fait, on a inventé la chicha, elle est pas dans le dictionnaire. Narguilé, c’est dans le dictionnaire.

K. - Etes-vous, vous même un fumeur de chicha ?

R. - Je suis un drogué de la chicha. Je suis un drogué. Des fois ça m’arrive de me réveiller dans la nuit à quatre heures du matin, j’en prépare une, je la fume. Sinon je suis pas bien. Par contre, la cigarette, tout ça, je fume pas. Je fumais la cigarette, j’ai arrêté.

K. - Pourquoi ?

R. - Parce que j’avais plus besoin de fumer de la cigarette. Vu que je fume ça, ça me suffit amplement.

K. - C’est meilleur la chicha ?

R. - Je vais pas dire que c’est meilleur, ça reste quand même toxique. Mais bon, après comme client, j’ai Niang, Diawara, j’ai Abriel, des joueurs de l’OM. Ils viennent, ils achètent des chichas et ils cavalent sur le terrain, donc voilà. J’ai des boxeurs professionnels, des clients comme ça... C’est des sportifs et ils se tuent à la chicha. Ils viennent pour acheter une chicha, ils voient que je suis en train de fumer, ils s’assoient et fument avec moi, ils bougent plus. Ils restent tout l’après-midi et ils fument.

K. - D’où vient cette pratique ?

R. - Du Maghreb, y’a que eux. Les turcs, les maghrébins, les marocains, les égyptiens. Ca vient de là-bas. Depuis toujours.

K. - Et dans les autres pays, ça s’est développé aussi ?

R. - Récemment j’étais à Londres, et à Londres, y’a des chichas à chaque coin de rue, comme des snacks. De partout, partout ça fume la chicha.

K. - Vous m’avez dit que vous alliez en Chine, là-bas ils fument aussi ?

R. - En Chine, non. Dans tous les marchés tu vas trouver des chichas et tout. La Chine c’est un monde à part, la Chine y’a tout ce que tu veux mais eux ils consomment pas. Eux ils sont là que pour fabriquer, ils sont pas là pour consommer. Ils sont là que pour prendre de l’argent. Après en Thaïlande, bon la Thaïlande c’est à coté de la Chine. En Thaïlande oui y’en a des chichas, beaucoup, y’a beaucoup de salons de thé.

K. - Et les thaïlandais fument beaucoup aussi ?

R. - Maintenant ils ont commencé à s’y mettre parce qu’ils suivent le truc. Tant qu’il y a de l’argent ils sont là, ils suivent, c’est comme partout.

K. - Quelles sont les différentes parties d’un narguilé et à quoi servent-elles ?

R. - Tu as le vase, c’est pour mettre l’eau, tu as la colonne, c’est pour aspirer, c’est pour faire monter la vapeur, tu as le tuyau c’est pour tirer la fumée. Tu as la coupelle c’est pour poser les charbons, en gros c’est une sorte de cendrier. Et tu as le foyer c’est pour mettre le tabac. Et tu as la feuille d’alu c’est pour que ça brûle moins la gorge. Le charbon, pour allumer, c’est le briquet. Tu as la pince pour bouger un peu le charbon. Voilà, en gros.

K. - Quelles sont les différences entre les modèles ?

R. - La différence c’est le design.

K. - C’est tout ?

R. - Oui. Que le design. Y’a des options en plus, par exemple celle-là elle est avec une mallette, celle là est dans la cage. Tu as celle-là, c’est une portative, je la vends beaucoup aux chauffeurs de taxis et tout ça. Tu as le char, si tu veux faire la guerre.

K. - Et il faut compter combien ?

R. - Moi, mes chichas, elles tournent entre 25 et 600 euros. J’en ai une, elle est dans la vitrine, elle est toute en or et cristal, elle fait 600 euros. Bon, elle est pas en vente, c’est la mienne, c’est ma perso, mais vu que j’arrive pas à fumer dedans tellement elle est belle, je l’ai mise en décoration.

K. - Quel modèle vendez-vous le plus ?

R. - Les gens, ils sont basés sur les cages, les 40 euros, 60. Il y en a qui achètent des modèles à 75, ça dépend, ça dépend de l’utilisation. Un mec qui va fumer, il va prendre une chichas à 40 euros, 60 euros. Et un mec qui veut vraiment un beau truc, qui fume de temps en temps mais qui veut un truc de décoration, il va prendre un truc à 75/80 euros. Après ça dépend de la clientèle, par exemple ça c’est un premier prix, 25 euros, ça va être un peu les plus jeunes, qui ont de l’argent de poche, qui travaillent pas, ils se font plaisir. Après t’as... les joueurs de l’OM qui viennent, ils demandent même pas le prix, ils prennent une chichas à 100/150 euros, ils discutent pas. Ca dépend de la clientèle, c’est comme tout.

K. - Il y a des gens qui viennent vous en acheter plusieurs ?

R. - Les salons de thé... parce que je fais grossiste aussi. On passe sur le gros, les salons de thé. Tous les salons de thé viennent, je viens d’avoir un client là qui a un salon de thé et quand il renouvelle son stock, minimum il prend 40 chichas. Après on passe sur des prix de gros.

K. - C’est moins toxique que la cigarette ou c’est pareil ?

R. - Moins toxique. Faut pas écouter ce que dit TF1, "c’est équivalent à 10 paquets de cigarettes", tout ça c’est pas vrai, parce que si c’était vrai, l’OM ils seraient pas où ils en sont là, les boxeurs ils en seraient pas où ils en sont là, parce que moi je les vois, ils achètent, ils fument. J’ai des photos sur Facebook avec eux, en train de fumer et tout. Ils en seraient pas là, à leur niveau. Donc je vais pas dire que c’est moins toxique, ça reste de la fumée. Après pourquoi l’état a le droit de vendre des Marlboros avec de l’ammoniaque dedans et des trucs comme ça, et ils disent à coté, "la chichas c’est toxique plus que les Marlboros" tout ça, c’est pas vrai. Je le sens, je suis un ex fumeur et maintenant je fume la chicha, je vois la différence. Quand je cours je tiens plus maintenant que je fume la chichas que quand je fumais la cigarette. Quand je suis sur un ring c’est pareil. J’ai plus d’endurance, je peux faire plus de rounds, maintenant que je fume la chicha.

K. - Est-ce que vous vendez aussi du tabac ?

R. - Non, c’est interdit. Y’a que les bars tabacs qui ont le droit de vendre ça.

K. - Est-ce que vous avez des anecdotes à nous raconter ?

R. - Au salon de thé, une fois un mec est venu et il m’a dit "tu peux me faire la moitié d’une chicha ?", jusqu’à maintenant je l’ai pas compris. La moitié, je sais pas comment la faire en fait. Je sais pas, j’arrive pas. J’ai déjà essayé mais j’y arrive pas. J’ai pas compris ce qu’il voulait dire par là, la moitié. En gros la chicha elle faisait 10 euros, il voulait la payer 5 euros, il voulait que la moitié. Ca c’est la meilleure des anecdotes, Il m’a régalé quand il m’a dit ça. Il voulait la moitié de l’eau, la moitié du tabac. En gros, il voulait que je coupe la chicha, je crois. Ca fait deux ans qu’il m’a sorti ça, jusqu’à maintenant je réfléchis comment faire une moitié de chicha.

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